La Mort ne se Pousse

3 mins

Un soupir dans le silence, comme un coup de vent s’échappant de la porte entre ouverte.

Juste le noir, et rien d’autre dans ce mutisme d’une nuit qui s’élançait déjà dans le ciel, éclairant sa toison de mille lampions naturels repris en mimétisme par les reflets des réverbères.

Son ombre se glissa dans l’ouverture, un grincement l’accompagnant comme il passait l’embrasure, et une ultime rafale claqua derrière lui la Porte, comme si elle fut celle des Enfers.

Juste le noir, rien d’autre, le craquement d’une allumette, pour observer ce monde autour, un frisson parcourant son échine : il y avait ici comme un sentiment de déjà-vu, comme un cauchemar que l’on vit, encore, encore et encore, mais que soudain, éveillé, l’on vit.

L’endroit était délabré. Vétuste. Des années étaient passées, l’eau sur les vieux murs avait coulée. Son regard inspectait ce monde au Temps figé, et avant que l’allumette du feu ne se consume, fut allumée une bougie se trouvant ici depuis une éternité.

La mèche prit sans un crépitement, et soulagea ses doigts que la flamme précédemment chauffait. Au plafond l’argent des toiles de multitude de petites tisseuses scintillait devant la chandelle, des fenêtres nul ne pouvait voir l’extérieur, tout ici était comme cloîtré, confiné… Piégé. Et tout autour, valsant dans les ombres portées, le reflet doré de la poignée de la Porte. Unique sortie jusqu’ici qu’il connu, mais laissait pour l’heure à ses arrières.

L’on entendait sur le parquet caracoler insectes et rongeurs, aussi sombres que la pénombre… L’on sentait, en levant un peu le nez, l’odeur immonde de renfermé et d’humidité.

Autre chose cependant venait doucement taquiner ses narines, l’odeur plus chaude, plus métallique et tristement connue, pour qui ne serait boucher, comme étant celle du sang. Point de doute, point de surprise presque, c’était un reste de vie maintenant oubliée.

Le vent dehors ronronnait. Les portes à l’étage ricanaient. Il n’était point seul soudain, il le sentait.

La flamme vacilla, un courant d’air entra, l’escalier craqua, pas, par, pas… Il était là.

Dressé, bien droit, toisant l’importun qui en sa demeure était entré, la lame brillante de grenat, Il était là.

Le cœur de la proie s’affola, frappant à sa poitrine tant qu’à ses tempes comme une horloge au carillon fêlé, en un cliquetis mécanique rouillé, sonna minuit maintenant passé.

Pas lourd, marches crissant, angoisse grandissant, les légendes alors ne disaient faux, il y avait bien dans cette masure le Diable vivant.

Fiché sur place, tétanisé, son esprit ne savait comment réagir. Fuir ? Rester ? Affronter la Peur en face et triompher sans s’être préparé ?

Son ombre toujours plus proche. Les rats s’enfuyaient, dérangés par le claquement sourd de sa démarche, ajoutant le griffu frottement de leurs pattes nues sur les planches vermoulues au tableau du cauchemar ambulant.

Il bougea. Il recula. Survivre. Il voulait survivre.

Lâchant la flamme, unique source de réconfort, qui mourut au sol y déversant son sang de cire, ses jambes vers la Porte partirent. Trébuchant sur chaque mauvaise farce du sol irrégulier, il entendait dans son dos son heure arriver.

Mais la Mort ne semblait se hâter.

Enfin il la vit, enfin il l’atteignit : couvert de poussière, de toiles d’araignées qui parfois y étaient vainement restées agrippées, souffle court et sans plus aucune dignité, la Mort aux trousses et esprit terrifié, il saisit alors de la Porte la poignée.

Elle tourna, elle joua, mais la Porte ne s’ouvrit pas.

Derrière il l’entendait, Il approchait, Il était là.

Il poussa la Porte, paniqué, elle ne répondait pas.

Dans son dos, de son pas lent, Il arriva…

Brusquement. Silencieusement. Sauvagement…

Juste

un

éclat

de

sang.

Sa main se crispa sur le bouton doré qui lui avait fait miroiter sa liberté. La douleur n’arrivait pas même à se frayer entre ses lèvres un chemin. Relâchant sa prise, après avoir vainement encore essayé de pousser cette Porte damnée, il laissa couler à flots cramoisis la vie hors de son corps. Il ne revit jamais la lumière du matin, et satisfait, son bourreau dans son antre de nouveau disparut.

Ce qu’en sa mort, jamais il ne sut, était que la Porte pour s’ouvrir devait être tirée et non poussée ; ainsi, pour une bête erreur, il mourut seul, sans témoins ni jurés.

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