La Dernière Sorcière – Partie I

24 mins

Partie I – Un Nom
1.
Tout commença par une sensation de brûlure, tout commençait toujours par une brûlure pour lui. Il devait répondre à l’appel, il le savait et pourtant il lutta encore un peu. Il venait à peine de terminer une mission avec un autre mage. Agacé il se laissa faire, la sensation de brûlure commençait à être gênante, la personne qui l’appelait était très puissante. Sa curiosité prenant le dessus, il se laissa tomber et il sentit un sol dur mais lisse sous lui, un parquet ciré. L’odeur de cire emplit ses narines. Il regarda autour de lui, au sol la rune était parfaite. Il était enfermé, il avait accepté d’être là, maintenant, seul le mage qui l’avait invoqué pouvait le laisser partir. Il regarda dans sa direction et frémit.
C’était une jeune femme, enfin, une fille, elle devait avoir à peine 15 ans. Elle regardait avec intensité la rune et il comprit qu’elle terminait son sort. Il n’était pas encore tout à fait visible. Il prit le temps de la regarder, elle avait encore un visage un peu rond d’enfant, mais il devina des pommettes saillantes, de grand yeux bleus glaçants, des cheveux châtains avec un léger reflet roux. Il fut surpris de voir une tache rouge sur sa joue, un peu comme si elle avait reçu une gifle. Il sourit, elle essayait peut-être de se venger.
Il décida d’arrêter de se cacher et d’apparaître dans la rune, il prit son apparence la plus courante, que beaucoup connaissait, celle d’un humain et il choisit d’être nu, espérant la troubler suffisamment pour qu’elle le laisse partir. Mais elle ne sembla pas gênée, au contraire, elle parut soulagée qu’il vienne enfin à elle.
Elle poursuivit son sort où elle lista toutes les choses qu’il pouvait et ne pouvait pas faire. Il était surprit de voir avec quelle précision elle avait préparé son sort. Il était dans ce qui semblait être sa chambre, la rune était positionnée de manière telle que tous les meubles semblaient en faire partie. La jeune Mage était une surdouée et, il le sentait, une immortelle. Il n’y avait pas de doute possible.
Lorsqu’elle eut fini de lister tout il fut surpris de voir qu’elle avait encore de l’énergie. Elle avait tout prévu jusqu’à la formulation des interdits. L’emploi de certains termes de l’ancienne magie rendait le tout encore plus puissant, permanent. Puis elle prit une grande bouffée d’air avant d’enfin dire ce pourquoi elle l’avait convoqué.

– Démon, il faudrait que vous – La mage, qui n’en n’était pas encore une, fit une pause, elle semblait encore hésiter. Il fronça les sourcils, l’emploi de cette formulation rendait le sort encore plus immuable et dangereux. Elle était très maligne. – tuiez l’homme qui m’a fait naître.
Il frémit. Avait-il entendu correctement ? Lui avait-elle demandé de commettre un meurtre ? Le démon regarda autour de lui à nouveau et retint son souffle. Elle avait utilisé un sort interdit, elle avait fait une rune interdite, la Rune de la Corne. Déterminée la jeune fille prit un couteau qu’elle avait posé devant elle. Elle leva le bras droit et coupa juste au niveau de l’aisselle. Elle n’était pas que maligne, elle était cruellement intelligente. La cicatrice que laisserait ce sort interdit sera cachée à un endroit que personne ne remarquerait. Il grimaça quand il sentit une plaie s’ouvrir sous sa propre aisselle. Pendant quelques secondes, son sang et celui de la jeune femme ne formèrent qu’un. Désormais, leurs cœurs battraient à l’unisson. Il savait que souvent certains Mages s’arrêtaient là, la puissance d’un démon pouvait être très enivrante. Mais elle ne se laissa pas avoir, bien qu’il lise dans son regard un désir de continuer à rester ainsi.        

En un instant tout fut terminé. Le sort complété, la jeune fille se laissa tomber dans la chaise juste derrière elle. Transpirante, essoufflée et épuisée elle regarda le plafond tandis qu’il se redressa. Il fit apparaître des vêtements, clairement, elle se moquait de sa nudité, et il attendit qu’elle daigne le regarder.
Il était encore sous le choc, on lui avait demandé de tuer quelqu’un et il ne savait même pas pourquoi. Pris au piège, il n’aurait jamais dû accepter, il pouvait seulement en référer aux autorités dans l’Ether, mais, sa condition particulière l’empêchait de se signaler, il voulait rester discret et ne pas créer de scandale. Par ailleurs, ce sort interdit l’empêchait d’avoir le moindre contact avec l’Ether. Il était trop tard pour reculer et il était curieux, comment une jeune fille, pas encore officiellement mage, avait réussi un tel exploit ? Crée une rune parfaite, utiliser le mobilier pour la consolider, faire la liste des interdits dans un détails qui auraient fait rougir d’envie le moindre grand mage et surtout le convoquer lui, il était, après tout, un très grand démon. Mais il sentait qu’elle ne le savait pas. Elle n’en avait pas pris conscience en tout cas.
Elle avait certainement récupérer cette rune interdite par le biais d’un héritage, un vieux grimoire caché dans la bibliothèque de l’arrière-grand-père. Du peu qu’il avait vu, elle était riche, une femme issue de la noblesse. Il n’était pas rare de retrouver des artefacts interdits, ainsi que des livres de sorts tout aussi prohibés dans les coffres des vieilles familles.  

Enfin ses grands yeux bleus le regardèrent avec une intensité profonde. Il entraperçu la femme qu’elle sera dans quelques années, une beauté à couper le souffle, une beauté très puissante, dangereuse même selon le chemin qu’elle prendrait.
-Je suis Astrée. Il hocha la tête, il n’y avait rien à dire de plus. Il disparut aussitôt faire son travail. Il devait observer avant d’agir, il souhaitait prendre le moins de risque possible.
Astrée fut soulagée. Lorsque le démon disparut elle se laissa tomber au sol et pleura. Elle avait eu tellement peur. Il était tellement puissant. Le sort avait été difficile et c’était la première fois qu’elle en faisait un, même avec la rune, elle avait senti une partie de sa Magie disparaitre. Elle venait de commencer à vider son lot, et elle n’était pas encore officiellement Mage. La sensation était désagréable, comme si la mort l’avait embrassé. Elle fila dans la salle de bain et vomit son repas dans le pot de chambre. Transpirante elle décida de prendre un bain.
Elle avait prévue de toute façon de prendre un bain aujourd’hui, maintenant ou plus tard ne changerai rien. Astrée se sentirait toujours sale de toute façon. Elle se demanda comment elle avait réussi à tenir face à ce démon. Il avait pris une forme humaine très intéressante, bien qu’intimidante, elle l’avait trouvé très beau. Par contre, elle se doutait qu’il avait fait exprès d’apparaitre nu. Elle soupira, essayant de contrôler le rouge qui lui montait aux joues et prit une grande bouffée des huiles de lilas et d’amande qui s’échappaient de l’eau. Elle repensa à ses grands yeux noirs qui l’avaient dévisagée quand elle avait terminé le sort avec la coupure. Il lui avait coupé le souffle, elle s’était sentie intimidée et intérieurement elle espérait qu’elle ne lui avait pas montré son trouble.    
Ses yeux l’avaient troublée, comme s’il avait pu lire son âme. Elle s’était sentie nue, vulnérable et pourtant si puissante. Le cœur du démon battait maintenant avec le sien, il avait raisonné fort en elle au début et cette sensation avait été envoûtante, parfaite et délicieuse. Il lui avait fallu toutes ses forces pour arrêter. Elle avait demandé un démon puissant et elle avait eu ce qu’elle voulait. Elle caressa la coupure qui était devenue aussitôt une cicatrice sous son bras.    
Elle regarda la montre qu’elle avait laissée ouverte sur le sol. Il fallait qu’elle termine les runes d’entraînement que son tuteur lui avait demandé de faire, si elle ne les terminait pas elle risquait d’attiser la colère de son père. Elle se toucha la joue, le coup qu’il lui avait donné ce matin avant de partir lui faisait encore mal, sa pommette était encore rougis. Le pire étant qu’elle préférait quand il lui donnait des coups.

2.
Après trois mois, le démon avait mémorisé le rythme de vie du père d’Astrée. Ce dernier, Duc D’Argyll, n’était pas quelqu’un de très amusant. Le matin, il prenait un thé noir, sans sucre ni lait dans sa chambre, il s’habillait, puis il s’installait dans son bureau au rez-de-chaussée. De temps en temps il criait sur sa fille sans aucune raison. Sous la forme d’une souris, il avait eu l’occasion de voir qu’il pouvait être violent contre elle. Il comprit la haine que sa maîtresse entretenait envers lui, mais était-ce suffisant pour le vouloir mort ?
Dans son bureau, il réglait toute la paperasse, il recevait des amis, des commerçants, des femmes. Il avait trois maîtresses humaines et régulières qu’il voyait de temps en temps. Décidément, ce n’était qu’un pauvre type aux yeux du démon. Il mangeait le midi souvent dans son bureau. Il faisait ensuite un tour en ville, pour aller à différents rendez-vous qu’il ne pouvait pas organiser chez lui.
Lorsqu’il avait terminé sa journée, il allait dans une chambre qui n’était pas la sienne. Astrée lui avait interdit de le suivre dans cette chambre, c’était le seule moment où le démon ne pouvait pas voir ce qu’il faisait, il attendait donc qu’il en ressorte, en générale une heure plus tard, pour le suivre dans un club pour gentleman où il jouait au carte et riait de bon cœur avec des amis. Il rentrait souvent titubant sous l’alcool et une fois couché il ronflait à en faire trembler les murs.
Ce n’est qu’une fois endormit que le démon pouvait retourner voir sa maîtresse. En générale elle travaillait sur son petit bureau dans sa chambre. Studieuse elle avait toujours quelque chose à faire. Il admirait sa résilience et sa régularité. Il se montrait à elle parfois sous la forme d’un chat, ou bien d’un oiseau. Elle le laissait vaquer à ses occupations dans la chambre. Ils ne se parlaient pas, elle lui faisait confiance et elle faisait suffisamment confiance à son sort pour savoir que le plan était en marche. Cependant, il n’arrivait toujours pas à comprendre pourquoi. Il n’osa pas demander, de peur qu’elle lui réduise sa liberté encore plus ou bien qu’elle le punisse. Bien qu’elle paraisse gentille, elle n’était certainement pas du genre à sympathiser avec un démon, tout aussi puissant soit-il.
Après ces trois mois, il avait décidé d’empoisonner son repas du midi. Cela semblait propre et rapide. Il gagnerait certainement à ne pas faire souffrir le Duc. Il se procura ce qu’il fallait chez différents apothicaires. Astrée lui avait donné de l’argent sans lui poser de question. C’était la fin d’après-midi, lorsqu’il eut fini de faire sa mixture, il alla dans la chambre de sa maitresse sans s’annoncer. Il l’avait fait pendant ces derniers mois, il n’avait pas pensé à la prévenir. C’est ainsi qu’il comprit pourquoi elle refusait qu’il suive son père dans la fameuse chambre.    
Heureusement que le démon avait pris la forme de petite souris, car lorsqu’il entra, il vit le Duc au-dessus d’Astrée qui se protégeait le visage. Elle était au sol, elle avait été projetée par un coup, un des coups de son père. Il lui attrapa le poignet et la tira hors de la pièce, il tituba, il était certainement saoul. Elle hurla, cria, le supplia. Agacé le Duc, lui donna un autre coup, puis il hurla.

– De toute façon, pas besoin d’aller en bas pour que tu t’occupes de moi ! Il se pencha et déchira sa robe et commença à agripper avec violence sa poitrine. C’en fut trop pour le démon qui s’échappa. Il alla dans la chambre d’à côté qu’Astrée avait installé pour lui s’il souhaitait l’utiliser. Il entendit les cris et les plaintes de la jeune femme dans sa chambre. Il eut envie de vomir. Ce n’était encore qu’une enfant ! Il regarda sa fiole de poison et il la jeta par la fenêtre.
Soudain il y eut un silence, le Duc sortit en insultant la jeune fille et il partit de la maison, se dirigeant vers son Club. Cet homme, ne méritait pas le poison, on ne faisait pas souffrir des enfants ! Encore moins Astrée. Elle était un des mages les plus puissants qu’il ait rencontré, il fallait la chérir, la protéger.
Le démon sauta par la fenêtre et le suivit, il attendit la fin de la soirée et que le Duc sorte. Il était encore plus saoul que d’habitude, si cela était possible et il tituba jusqu’à une ruelle vide pour uriner. Le démon l’attrapa et l’étrangla doucement. Il ressentit un plaisir fou à détruire cette vermine qui n’était même pas un homme à ses yeux. Lorsque le Duc laissa échapper son dernier soupir, le démon se sentit soulagé. Il avait vengé Astrée et il allait enfin être libre, il fallait simplement qu’elle le remercie et le sort, la Rune de la Corne, s’annulerait.  

Il prit la forme d’un faucon et retourna dans la chambre de sa maitresse qui était restée au sol. Elle pleurait, recroquevillée sur elle-même. Le Duc l’avait salement amochée, un cocard se formait sur son œil. Le démon prit un immense châle qui trainait sur un fauteuil et il recouvrit Astrée du mieux qu’il put, sa robe avait été déchirée. Il s’assit à côté d’elle et commença à caresser ses cheveux. Elle sembla se calmer un peu. Il fut content de voir qu’elle s’apaisait à son contact.
Après un temps, il l’a souleva et la coucha dans son lit. Elle se laissa faire, son regard était vide et elle était épuisée. Il regrettait de ne pas avoir fait souffrir ce ver de terre plus longtemps. Il s’assit à ses côté, prit sa main et lui dit des mots gentils, il lui raconta la fois où il avait été appelé pour aider un mage arachnophobe à débarrasser une maison infestée par la créature à huit pattes.
La nuit se transforma en matin et la jeune Astrée sembla avoir repris ses esprits. Elle réussit même à sourire quand le démon lui raconta comment il avait été convoqué par un mage quelque peu malchanceux qui souhaitait qu’il résout son problème de concubinage avec une veuve envahissante.
Elle fit de son mieux pour se redresser. Elle remercia intérieurement le démon de lui avoir tenu compagnie, d’autant qu’il n’avait pas ce regard de pitié qu’elle connaissait trop bien. Elle le lisait dans le regard des servants et de ses tuteurs qui savaient très bien ce qui se tramait et même sa mère avant qu’elle ne meurt. La pitié c’était pour les personnes faibles et elle ne souhaitait en aucun cas la provoquer ou la ressentir. Le regard du démon était une bouffée d’air frais. Elle aurait certes dû se sentir trahis par lui, après tout il savait, mais elle était en réalité soulagée.
– Je… je vais prendre un bain.
– Je vous laisse alors. Je vais dans ma chambre. Elle hocha la tête et avant qu’il ne parte, il lui dit ce qu’elle avait envie d’entendre depuis plusieurs mois.
– Au fait, c’est fait Mademoiselle Astrée… ou devrais-je dire Duchesse D’Argyll ? Il disparut, un sourire aux lèvres.
Astrée fit de son mieux pour ne pas exploser de joie et de soulagement. Elle s’empressa d’aller dans son bain.
Après s’être reposée un peu dans l’eau, elle eut l’impression que toutes la tension, mais également la colère s’écoulèrent de tous les pores de sa peau pour se mêler au savon de son bain. Elle regarda ses jambes, il l’avait couverte de bleues et son coquard à l’œil lui faisait encore mal. Il lui faudra du temps avant de pouvoir regarder son propre corps sans dégoût et honte. Avec un soupir elle réfléchit à quel maquillage utiliser pour cacher les marques. Si ce que le démon disait était vrai, elle allait devoir répondre à plusieurs questions de la part de la police et pire, de la ville et de ses chercheurs de ragots. Elle devait être présentable.
Elle se redressa et commença à se frotter avec du savon. Elle suivit ce que sa mère lui avait appris, commencer par les pieds et remonter jusqu’au visage. Sa mère n’avait pas été d’une grande utilité pour grand-chose, mais cela n’avait pas empêché Astrée d’apprendre suffisamment d’elle. Lorsqu’elle eut fini de frotter ses jambes, son sexe, son ventre, elle effleura ses bras et se figea. Là, sous ses doigts elle pouvait encore sentir sous son aisselle droite la cicatrice du sort. Elle n’avait pas disparu. La panique commença à prendre la jeune mage. Est-ce que le démon lui avait menti ? Avait-il tué quelqu’un d’autre que le Duc ?
Elle sauta hors du bain, enfila une robe de chambre et traversa la salle pour ouvrir une porte communicante qui donnait sur la chambre où se trouvait le démon.
Elle l’ouvrit et manqua de trébucher sur lui. Il avait pris sa forme humaine et il était assis à même le sol, un livre à la main.
– Enlève ta chemise ! Il leva un sourcil et répondit le sourire aux lèvres
– Duchesse, je ne pense pas que ça soit très judicieux. De plus, et ne le prenez pas mal, je n’ai pas de relations avec les personnes qui m’invoquent. C’est une question de principe. Il sourit en la voyant rougir, mais elle semblait toujours aussi en colère.
– C’est un ordre ! Il frémit. Elle n’avait, jusqu’à présent, jamais été aussi agressive. L’ordre ne pouvait être refusé, il ne pouvait pas lutter, elle était sa maitresse jusqu’à ce qu’elle le libère. Il enleva sa chemise. Elle se pencha et souleva son bras pour regarder son aisselle.
– Je suis chatouilleux, pourriez-vous… Il s’interrompit en voyant la couleur fuir le visage de sa maîtresse. Il suivit son regard et retint son souffle. La cicatrice du sort était toujours là. Pleins de questions se bousculèrent dans sa tête. Le démon baissa le bras et regarda autour de lui comme si des réponses allaient venir à lui. Il regarda la jeune mage qui était restée là où il l’avait laissé.
– Comment est-ce possible ? Elle ne répondit pas. Il l’attrapa par les épaules et répéta tout en la secouant – Comment est-ce possible ? Elle sembla se ressaisir et elle l’éloigna d’elle.
– Êtes-vous sûre que c’était bien lui ?
– Oui, aucun doute, je l’ai regardé dans les yeux avant qu’il ne meurt. Elle hocha la tête et il crut détecter un léger sourire de satisfaction.
– Bon, il est donc mort. Cela ne veut dire qu’une seule chose… Le démon retint son souffle. Il avait compris en même temps qu’elle et il se refusa de le dire à haute voix.
– Le Duc d’Argyll n’était pas mon vrai père. Ma mère a certainement eu une liaison avec un autre homme. Il va falloir le trouver pour que je puisse vous libérer. Sinon on va avoir un problème.
– En effet.
– Mais d’abord, je vais devoir m’occuper de la mort de mon… du Duc d’Argyll. Son hésitation était compréhensible et il préféra ne pas relever. Il avait peur. S’il ne trouvait pas l’homme qui était son vrai père il allait être lié à elle jusqu’à sa mort. C’est long, surtout quand le mage en question est un Mage Immortel.
Bordel !
Il se transforma en chat noir à poil long quand il entendit la femme de chambre appeler Astrée. Elle secoua la tête et claqua des doigts. Elle avait ordonné qu’il change de forme sans son consentement. Avant qu’il ne puisse protester, il se transforma en une coccinelle rouge et fut obliger de voler et se cacher dans ses cheveux.
– Je veux que vous soyez avec moi tout le temps. Nous pourrons souffler et trouver le fin mot de cette histoire une fois que toute l’agitation autour de la mort du Duc sera calmée. Il répliqua en pensé afin que seule elle puisse l’entendre. Le lien entre eux était parfait, la rune que la jeune mage avait fait était irréprochable et permettait une connexion presque pure entre leur esprit quand ils le souhaitaient.   
– Vous savez, je déteste les coccinelles. Ce qui était vrai, il n’avait jamais aimé ce genre d’insecte, trop voyant et trop utilisé dans les poèmes à l’eau de rose. L’idée même lui donna envie de vomir.
– Moi aussi, mais c’est le genre d’insecte qui n’inspire pas la peur chez les autres. Préférez-vous avoir la forme d’une araignée ou d’une guêpe pour vous faire écraser par quelqu’un ?
Il sembla réfléchir à ce qu’elle venait de dire et soupira. Elle était décidément très pragmatique. Il grommela et répondit un « très bien ».

3.
La suite se déroula sans grande surprise. On annonça la mort du Duc, Astrée prétendit être surprise et triste, sans trop être dramatique, elle savait très bien que tout le personnel de la maison au courant des mauvais traitements qu’il lui infligeait.
Elle rencontra un certain inspecteur Weeler qui travaillait pour l’unité spécialisé dans les crimes de Magie. Curieusement, ce dernier, discret mais efficace, n’était pas un mage. Ce qui était surprenant étant donné la nature de la mort du Duc. Elle ne put s’empêcher de lui faire la remarque.
– Mais Lady D’Argyll, – Il ne pouvait pas encore utiliser le titre Mage, puisqu’elle ne l’était pas encore – être mage ne rend pas forcément intelligent.
Elle éprouva une forte sympathie pour lui. La jeune mage aurait pu se sentir menacée ou inquiète d’être découverte, surtout en voyant le regard de l’inspecteur. Elle connaissait ce regard, celui de quelqu’un qui ne lâchait rien. Elle le voyait souvent quand elle croisait un miroir. Pourtant, pendant toutes ces interviews, elle se félicitait d’être aussi sereine, son sort était ancien et considérablement puissant, personne ne pouvait ni le détecter, d’où le fait qu’il était interdit, ni relier la mort de son père, enfin du Duc, à elle et son démon. D’ailleurs, il avait de nombreux ennemis, il n’avait pas conservé son comportement odieux qu’avec Astrée.  
Le démon était d’ailleurs très patient, caché derrière son oreille, il écoutait et commentait de temps en temps. Il lui donnait des conseils utiles également.
Après cela, elle dût identifier le corps du Duc. Elle fut surprise de constater qu’elle n’était pas impressionnée par le cadavre. Elle observa avec attention la marque qu’avait laissée le tueur sur l’épaule du corps. Quand un démon tuait un humain volontairement, il laissait toujours sa marque, sa signature. Celle de son démon était étonnamment complexe, elle n’en avait jamais vu de similaire et elle entendit même le second de la morgue en faire la remarque à l’Inspecteur.
Ils étaient dans la Morgue qui se trouvait à l’Université des Mages où elle assistait de temps en temps à des lectures. Elle trouva le lieux ordonné, propre et surtout, surprenant. Elle osa même parler avec le médecin chef, un mage ancien, dont le lot était presque finit et qui, malgré son programme chargé, prit plaisir à lui parler et répondre à toutes ses questions.
– Made… Lady D’Argyll. Ce n’est pas vraiment le moment. Je dois vous raccompagner chez vous.
– Oui. Bien sûr. Veuillez m’excuser inspecteur. Elle salua les employés de la morgue et suivit son chaperon en grommelant.
– Vous êtes toujours aussi curieuse ? Elle ne put s’empêcher de sourire un peu.
– Malheureusement oui. Je vous prie de m’excuser. C’était sans aucun doute indécent.
– Non, juste parlant je suppose.
– Parlant ?
– De votre caractère.
– Je vois. Et qu’est-ce qui me permettrait de juger de votre caractère inspecteur ? Qu’est-ce qui vous fera parler ? Ce dernier leva un sourcil et sourit malgré lui. Astrée le vit porter la main à son cou, il sembla toucher quelque chose caché sous son manteau. Malgré les dizaines de questions qui se bousculèrent à sa porte, elle ne demanda pas ce qu’il dissimulait. Elle poursuivit en lui parlant de la morgue, elle s’enquerra de la progression de l’enquête également.
– Le démon à laisser sa marque, nous sommes en train de chercher dans les Archives si son symbole se trouve quelque part.
– Dans un précédent meurtre ?    
– Vous me prenez pour un monstre ? Je n’ai presque jamais tué d’humain ! En tout cas jamais intentionnellement !              
L’inspecteur hocha la tête. Astrée ignora le démon et demanda.
– Les Archives ? Où se trouvent-elles ?
– Ici. – Astrée dut paraître très confuse car il secoua la tête et se sentit obligé d’élaborer – L’Université abrite la plus grande collection d’archives et d’artefacts de démon au monde. Vous n’êtes pas sans savoir que cette université est la plus réputée en démonologie.
La mage ne put se retenir de laisser échapper un petit cri d’excitation. Elle voulait voir ces Archives, elle imagina pleins de rouleaux de sorts anciens, de parchemins, d’images de démons et des runes, pleins de runes.
– Vous… Souhaitez voir ? Elle dut utiliser toute sa force pour ne pas sautiller sur elle-même.
– Suivez-moi. Ils marchèrent longtemps dans les couloirs et prirent des tours et des détours surprenant. Après 5 minutes de dédales ils se trouvèrent devant une porte en métal épais, comme celle d’un coffre, sauf qu’elle était recouverte d’une rune ancienne. La mage retint son souffle. Elle ne connaissait pas cette rune mais elle pouvait reconnaître certains symboles et elle comprit que celui qui avait fait cette protection avait été un mage, voire plusieurs mages, très puissants. Il était courant que les mages fassent des sorts ensembles pour limiter l’utilisation de leur magie personnelle.
L’inspecteur posa simplement sa main sur la porte qui s’ouvrit sans bruit et sans artifice. Il l’invita à entrer en premier et elle resta bouche-bée devant le spectacle qui se jouait devant ses yeux.
L’aile Est du bâtiment principal de l’Université avait été aménagée pour ce lieu. L’endroit ressemblait à une immense bibliothèque, de grandes bais vitrées longeaient les murs et donnaient une atmosphère presque divine. D’autant qu’il n’y avait presque pas de bruit. Tout le monde chuchotait et se déplaçait doucement d’un lieu à l’autre. Au centre de la  bâtisse, on avait ouvert les sols et plafonds afin d’y mettre des ascenseurs et paniers qui montaient et descendaient avec un ingénieux système de poulies. Les différents employés se déplaçaient ainsi d’un étage à l’autre ou bien ils posaient des documents à être rangés ou à être étudiés ailleurs. Cependant le tunnel ne s’arrêtait pas qu’aux étages supérieurs mais il allait dans le sol également. Elle dû utiliser toute sa patience pour ne pas courir et regarder ce qu’il se cachait sous le plancher.
– Inspecteur Weeler ? Un jeune archiviste qui semblait responsable de l’accueil des visiteurs s’approcha d’eux. Il ne prêta pas attention à Astrée, ce qui l’arrangeait bien, elle ne voulait pas être chassée de ce lieu magnifique.  
– Oui ?
– Nous vous avons déjà dit qu’il nous fallait plus de temps pour localiser le symbole du démon.
– Je sais, ne vous en faites pas. Je ne viens pas vous harceler cette fois-ci. L’assistant leva les yeux au ciel, sans doute habitué à ces fameux « harcèlements ».
– Par contre…   
– Oui ? L’inspecteur sembla oublier complètement la jeune mage et lui tourna le dos.
– Je ne suis pas sensé vous le dire, mais on a trouvé d’où vient le sort des vols de bijoux de la sœur de son Altesse…
– Oui ?
Astrée n’écouta pas et s’empressa d’entrer un peu plus dans les archives. Elle s’approcha du tunnel du centre et elle regarda autour d’elle. Tout le monde s’affairait, hommes, femmes, mages, ils ne prêtèrent pas attention à elle. Cette harmonie et le rythme la mit dans un sorte de transe.
– Ce pouvoir… Elle sursauta, elle avait oublié la présence de son démon.
– Pardon ?
– Ce pouvoir, vous ne le sentez pas, vous ne le voyez pas ? Astrée fronça les sourcils.
– Si, je le sens mais… je ne vois pas.
– Me permettez-vous de vous montrer ? Elle réfléchit quelques secondes et hocha la tête. Sa curiosité lui coûtera un jour mais maintenant, ici, dans ce lieu merveilleux, l’instant était trop important.
Elle sentit la présence du démon derrière elle, il avait pris la forme de l’air, donc invisible à tous, mais elle pouvait sentir son corps se presser contre le sien, elle sentait sa chaleur et sa main se poser sur sa taille. L’autre pressa sa tempe. Astrée aurait dû se sentir mal à l’aise, être si proche de quelqu’un après ce qu’il lui était arrivé avec le Duc aurait pu être un élément déclencheur pour une crise de panique, elle savait qu’elle allait avoir besoin de temps pour se réparer. Cependant, la présence du démon contre elle était en réalité rassurante et douce. Elle se sentit presque sereine et pour une fois apaisée.
Astrée s’appuya contre lui et ferma les yeux suite à sa demande et laissa la puissance du démon la guider. La mage sentit comme un déclic, elle retint son souffle, ce fut comme un signal car le démon lui intima d’ouvrir les yeux. Il posa ses deux mains sur son ventre, la pressant plus contre lui et ne la lâcha pas. Ils ne formèrent qu’un, leurs cœurs, qui étaient déjà à l’unisson depuis le sort, semblèrent résonner.  
Elle ouvrit les yeux. Devant elle des tâches de couleurs s’élevaient de partout. Rouge, bleu, jaune, un arc-en-ciel de couleurs se propageait. Depuis des runes dessinées sur de grands parchemins et posées sur les tables s’écoulaient de la couleur bleu comme des rivières, elles léchaient les passants et les gens au-dessus d’elles. De temps en temps la couleur restait un moment, puis elle disparaissait au fur et à mesure que la personne s’éloignait de sa source. Là, des artefacts crachaient du rouge qui éclaboussait le sol et le mur, comme des éclats de laves. Au-dessus d’elle des papillons de lumières jaune et orange s’échappaient d’un objet qui montait à l’étage du dessus.
Astrée regarda autour d’elle, elle fut heureuse de savoir que le démon la tenait fermement contre elle, elle serait tombée au sol face à toute cette puissance. Essoufflée, abasourdie elle se sentit paralysée. Comment ne l’avait-elle pas vue avant ? Comment ne le savait-elle pas ? Etait-elle la seule à voir cet océan de couleur à cet instant ? Comme s’il lisait dans son esprit le démon murmura.
– Personne ne voit vraiment la magie. Elle tourna la tête vers lui par réflexe, mais il n’était pas visible. Il la laissa et se retransforma en coccinelle pour se cacher dans ses cheveux. La vision s’estompa et bientôt les artefacts, les runes cessèrent d’émettre de la couleur. Essoufflée et, elle dut l’admettre, excitée, il lui fallut du temps pour reprendre ses esprits.  
– Lady D’Argyll ? La mage sursauta et se retourna pour croiser les yeux verts sombres de l’Inspecteur Weeler. La transe dans laquelle elle s’était abandonnée s’arrêta aussitôt. Comme s’il avait compris ce qui s’était passé, il attendit qu’elle hoche la tête pour lui indiquer qu’elle l’écoutait.
– Nous y allons ?


4.
– C’est assez fâcheux. Dit le démon.
– Oui, en effet. Répondit la mage.
Tous les deux assis à même le sol regardèrent la montagne de documents et de journaux intimes qui s’étaient amonceler sur le parquet de sa chambre. Astrée grogna. Cela faisait trois jours qu’ils cherchaient désespérément quelque chose qui indiquerait qui était son vrai père, ils avaient récupérer tous les papiers officiels ou non, les témoignages, le démon était même allé jusqu’en Écosse, où se trouvait une des nombreuses propriétés de la famille D’Argyll. Rien, ils avaient fait choux-blanc.  
– L’enterrement est prévu pour quand ?
– Demain. J’ai d’ailleurs essayé ma robe de deuil et j’ai constaté que le noir m’allait à ravir. Dit-elle en soufflant un petit rire jaune.
– N’importe quelle couleur vous va de toute façon. La mage le regarda sans rien dire, mes ses joues s’empourprèrent. Le démon ne put s’empêcher de ricaner. Il adorait l’embêter. Après lui avoir montré la couleur de la magie il s’était senti plus à l’aise avec elle. Ils avaient communié ensemble, sa confiance entière, son corps qui s’était lové contre le sien, tout avait été merveilleux. Il espérait que la rendre plus humaine en la faisant rougir et la taquinant de temps en temps permettrait de rendre ce moment intime moins important.
En tout cas pour lui.    
– Il y a quelque chose que l’on n’a pas encore vue. Le démon se redressa.
– Oui ? Dites-moi. La mage soupira, elle sembla hésiter. Puis elle se leva.
– Le coffre. Dans la chambre du bas. Celle où… – Il hocha la tête pour l’encourager à continuer – C’était la chambre de ma mère, avant qu’elle ne meure, elle ne pouvait plus monter les escaliers. Elle avait enfermée dans un petit coffre quelque chose. Elle m’a dit que c’était pour moi, cependant elle a mis un sortilège pour empêcher le Duc de l’ouvrir, mais je n’arrive pas à retirer le sort.
– Vous souhaitez que j’essaie ? Le démon fit un pas vers elle. Astrée hocha la tête, elle ferma les yeux et prit ses mains dans les siennes.
– Je vous autorise solennellement à avoir accès à toutes les pièces de cette maison. Il sentit l’interdit qu’elle lui avait donné s’enlever. Un poids en moins sur ses épaules. Avant qu’elle n’ouvre les yeux il disparut pour aller dans la fameuse chambre au rez-de-chaussée.
Le coffre s’avéra bien fermé par le sortilège de la mère d’Astrée. Elle avait été une mage puissante, pas autant que sa fille, mais tout de même suffisamment pour poser un sort presque immuable sur un coffre. Il n’était pas censé s’ouvrir avant les 19 ans de la jeune femme, âge où elle deviendrait officiellement un mage et elle pourrait prendre sa place dans la société.
Quatre ans étaient décidément trop longs et le démon n’était pas connu pour être patient. Il chercha et trouva le point faible, une vis. Il s’y accrocha le plus fort possible et comme un fil que l’on tire, le sort claqua et il put ouvrir le coffre. Il y récupéra une lettre et s’empressa de retrouver Astrée.
Cette dernière ne parut pas surprise de son exploit. Elle le remercia et s’approcha de son lit en ouvrant la lettre. Lorsqu’elle la lut, elle s’effondra. Ratant de peu le bord du lit, elle tomba, fesses les premières, au sol. Le démon surprit ne l’avait jamais vue aussi pâle et maladroite. Il s’empressa de s’approcher d’elle.
– Mademoiselle ? Cette dernière semblait comme un automate, elle regarda le démon. Il frémit en voyant son regard presque vide. Elle fouilla sur elle et sortit de sa poche un petit clapet. Elle l’ouvrit et sortit une cigarette qu’elle alluma.
Le démon fut surpris, il ne l’avait jamais vue fumer jusqu’à présent. Sans aucun doute quelque chose qu’elle avait cachée à tout le monde. Il osa l’appeler à nouveau.
– Mademoiselle ? Elle tapota sur le sol à côté d’elle, l’invitant à s’asseoir, ce qu’il fit, un peu surprit d’une telle familiarité. Il attendit quelques secondes. Que pouvait-elle bien penser ?
– Mon oncle.
– Pardon ?
– Le Duc D’Argyll, Kyle, celui que j’appelais père avait un frère, le Mage Audric D’Argyll. Ma mère a eu une relation avec lui et c’est ainsi que je suis née. Je suis le fruit de deux mages.
Le démon frémit. S’il y avait une loi que tout le monde connaissait parfaitement bien c’était que les mages, pour éviter d’avoir des mages trop puissants et dangereux ou pire, des sorciers, ne pouvaient pas avoir d’enfants entre eux. Ils pouvaient se reproduire avec des membres de familles qui avaient des mages afin de s’assurer qu’il y en ait dans leur descendance. Aller contre cette loi était passible de mort. Astrée était donc une anomalie. Il comprit alors l’origine de la puissance de la jeune femme. Deux parents mages. Elle était unique.  
Ne sachant pas vraiment quoi dire il prit la cigarette de la jeune mage des mains et il prit une grande bouffée.
– Vous voulez savoir le plus drôle ?
– J’ai peur que cela ne me fasse pas rire Astrée…
C’était la première fois qu’il l’appela par son prénom, il frémit mais elle ne sembla pas s’en offusquer.
– Il est mort. Audric D’Argyll est mort à la suite d’un accident de chasse.
Le démon toussa, il venait d’avaler la fumer de travers. La mage rapprocha ses jambes contre elle, posa son menton sur ses genoux et regarda droit devant elle. Il glissa la cigarette dans sa main et elle prit une grande bouffée.
– Donc…
– Donc.
– C’est assez fâcheux.
– Oui, en effet…    
– Nous allons donc rester lié ensemble pour un moment. Je ne peux pas le tuer, or vous aviez demandé très explicitement que je tue l’homme qui vous a fait naître. Votre sort est immuable. De plus, je pense que ni vous ni moi ne souhaitons demander de l’aide à nos autorités respectives.
La mage acquiesça, elle lui tendit sa boite à cigarette. Il s’en alluma une et bascula la tête pour se la cogner contre le lit. Il jura et grogna. Quel idiot ! Il n’allait jamais pouvoir se débarrasser de ce sort. Il était coincé avec elle. Certes sa présence et l’aisance avec laquelle ils avaient jusqu’à présent travaillé ensemble étaient honnêtes, mais la perspective de rester ainsi le fit trembler de rage.
Astrée sortit de sa boite à cigarette une petite carte de visite qu’elle lui donna.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Votre identité, je vous libérerai de la majorité des interdits que je vous ai donnés afin que vous puissiez vivre parmi nous sans soucis. J’ai également fait aménager un appartement non loin de là, il appartient à ma famille. Vous pourrez y vivre sereinement, je vous donnerai une rente. Je ferai certainement appel à vous de temps en temps pour m’aider mais vous serez libre de vivre comme un homme de la haute société. Vous serez un lointain cousin du Duc et nous serons perçus par tous comme bons amis. Je vous présenterai aux funérailles demain.  
Bouche-bée le démon regarda la carte puis la mage, elle avait l’air épuisée. Il dut se reprendre plusieurs fois avant de pourvoir dire quelque chose.  
– Vous…Vous avez pensé à la possibilité que le sort ne puisse pas être défait ?
– Dès que j’ai vu que nos deux cicatrices étaient encore là.
– Vous êtes décidemment trop intelligente pour ce monde. Elle haussa les épaules, cala sa cigarette sur le coin de ses lèvres et elle fouilla à nouveau dans ses poches. La future Mage en sortit une bague discrète en argent.
– Ceci devrait vous permettre de vous faire passer pour un humain. Vous êtes définitivement trop puissant, même quand vous essayez de cacher votre présence, je peux vous sentir. Cette bague vous aidera à cacher votre magie. Par contre, tant que vous la portez, vous ne pourrez pas utiliser vos pouvoirs, il vous faudra donc l’enlever. Le démon prit l’anneau et le mit à son annulaire gauche. Le métal était froid et semblait ne jamais se réchauffer. Il se demanda comment elle avait obtenu un objet pareil. Ce genre d’artefact était très rare et très cher. Cependant il préféra ne pas demander. Elle était Duchesse, elle avait certainement pleins d’artefacts utiles pour les mages de sa famille.    
– Je suis désolé pour votre père. – Elle tourna la tête, clairement surprise de cette remarque. Il précisa – Audric D’Argyll. Je suppose que vous auriez aimé le connaître.
– Non. Nous aurions été hors la loi et j’aurais été tué. Je ne suis pas supposée exister.
Astrée soupira et posa sa tête contre l’épaule du démon. Il ne dit rien, trop assommé par tout ce qu’ils venaient d’apprendre. Après un temps il prit la lettre de la mère de la mage et avec sa cigarette, sous les yeux de la jeune femme, il la brûla. Autant ne pas garder de preuve, personne ne le saura jamais à part eux deux. Elle ne protesta pas.
Ils regardèrent la lettre terminer de disparaître quand la mage demanda.
– Quel est votre nom ?
Le démon se raidit. Lui demandait-elle son vrai nom ? Elle n’avait pas le droit, il était interdit pour les mages d’ordonner qu’un démon donne son nom originel, il était la source, leur identité. Si un mage connaissait le vrai nom d’un démon, il pouvait rechercher son sigle et l’utiliser dans une rune pour l’invoquer directement, ce qui était interdit. Si un mage souhaitait invoquer un démon en particulier, il devait contacter l’Ether et le demander, sinon c’était dû au hasard.
Il était d’ailleurs très courant que les mages ne demandent pas leur nom d’usage lorsqu’ils les convoquaient.
Elle quitta son épaule et le regarda en soupirant.
– Je ne vous demande pas votre vrai nom, juste comment je dois vous appeler. Nous allons être ensemble un moment, il faudra bien que j’arrête de dire démon et que je l’ajoute sur votre carte.
– Ho… mon nom d’usage, mon nom commun ? Elle soupira à nouveau.
– Oui.
– Uriel.
La mage le regarda dans les yeux et il eut le vertige, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas donné son nom commun à quelqu’un et c’était bien la première fois qu’une mage s’y intéressait vraiment. Sa maîtresse tourna la tête et soupira en prenant une bouffée de cigarette.
– Uriel ? Je suis Astrée. Entendre son nom d’usage s’échapper des lèvres de sa maîtresse eu un goût sucrée et amère à la fois. Il sourit malgré lui et répondit.
– Enchanté Astrée.
– De même Uriel. Ils sourirent malgré eux.

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1 Commentaire
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Marco O' Chapeau
1 année il y a

Bonjour Cécile,

J’ai commencé à lire le début pour voir… ça démarre bien. J’écris moi même des textes courts, parfois très courts, de moins de 1mn, et n’ai pas le temps aujourd’hui de m’investir pour une lecture de cette longueur.

Vous pouvez toutefois trouver des bétas-lecteurs, dont des pros sur le site https://comeup.com/ à des tarifs abordables.

Sinon pour le début et "Tout commença par une sensation de brûlure, tout commençait toujours par une brûlure pour lui." Est-ce que "tout commençait toujours par une brûlure pour lui." est vraiment nécessaire ? Peut-être que cela peut servir, mais à mon avis sans c’est beaucoup plus fort et cela permet d’entrer de manière bcp plus intense dans votre histoire.

Bon Week-End

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