J’étais excitée comme une puce cet après-midi là. Je suis arrivée devant la porte de ce qui était désormais ma maison vers onze heures. Assise au soleil sur les marches du perron, emmitouflée dans ma doudoune, à moitié aveuglée par le reflet corcuscant du soleil sur la neige, j’avais dressé la liste des tâches les plus urgentes qui seraient nécessaires pour rendre cette maison habitable et confortable. J’avais ensuite passé l’après-midi à chasser la poussière et les toiles d’araignées et à trier les vieux objets que le précédent propriétaire, un vieil homme décédé l’année d’avant, avait accumulé. Un nettoyage de printemps en bonne et due forme.Cependant, j’avais décidé de garder de vieilles boîtes en fer pour la cuisine et surtout de vieux bouquins.
Le lendemain, j’ai attaqué les travaux par la cuisine. Après avoir lessivé les murs, j’ ai posé une première couche de peinture blanche. Epuisée et affamée, j’ai avalé un taboulé industriel et une tranche de jambon en barquette. Mélangé aux exhalaisons des solvants, ce déjeuner fut l’un des pires de ma vie.
Avec un café entre les mains, je me suis accordée un peu de repos en lisant. J’avais choisi parmi les vieux livres qui sentaient l’humidité et la poussière un ouvrage intitulé “Les Contes et Légendes de Savoie”. Installée confortablement dans l’antique fauteuil du salon dont la flavescence du velours était passée depuis longtemps, je commençai ma lecture. Je découvris avec gourmandise des histoires de fayes et de servan.
Au bout d’un moment, je levai la tête de mon livre avec un sourire sur les lèvres – comme je me sentais bien ici – et mon attention fût attirée par la présence d’un jeune chat roux sur le bord extérieur de la fenêtre de la cuisine. Je voyais aux mouvement de sa gueule qu’il miaulait désespérément. Je me levai et ouvris les deux battants. Craintif il sauta plus loin sur la terrasse sans cesser de crier famine. Bizarrement je n’avais aucun doute sur la nature de ses bruyantes réclamations.
J’ai commencé à lui parler d’une voix aigüe mais doucement, en lui posant des questions comme si je parlais à un être humain. As-tu faim joli greffier? Veux-tu profiter de la chaleur de mon foyer? Tu n’as rien à craindre de moi, tu sais…Je voulais le rassurer pour pouvoir l’approcher et vérifier son état sanitaire : puces, maladie…mais lui ne l’entendait pas de cette oreille, il avait faim et c’était tout. Qu’à cela ne tienne, mais tu vas devoir te contenter d’un mauvais pâté en boîte, je n’avais pas prévu ta visite. Je déposai une soucoupe bien garnie sur le bord de la fenêtre et je repartis vaquer à mes occupations. Cependant, le matou ne quittait pas mon esprit.
Le lendemain, j’eus un coup au coeur en découvrant que la vaisselle avait été faite et rangée. Je me souvenais qu’emportée par ma lecture je m’étais couchée tard mais concernant la vaisselle, aucun souvenir précis. Je devais être drôlement fatiguée!
Le chaton était sur le bord de la fenêtre. Il fût un peu moins sauvage. Je pus le toucher du bout des doigts. J’installai donc sa petite restauration, grand bol d’eau, pâtée et croquettes à volonté, que j’avais acquis à prix d’or aux premières heures d’ouverture de la superette du village. Il avait les yeux crottés et je l’entendais parfois éternuer.
Avec beaucoup de patience, je finis par prendre le jeune mâle dans mes bras et il se mit à ronronner comme un diesel. Une fois entré dans la maison, il choisit d’autorité de se poser dans le fauteuil et s’y endormit de longues heures. Le soir, il vint se poser sur la chaise à côté de moi tandis que j’avalai ma première soupe de légumes maison. Je me mis à parler au chat à voix haute et à lui raconter qu’il fallait que j’installe de quoi écouter de la musique et que je me branche à Internet rapidement. Ca faisait parti du confort à mes yeux. En tous cas, continuais-je il fait toujours bon dans cette maison. A cette pensée, je me levais comme un ressort et me précipitais dans le salon. La tête me tourna un peu, je dus m’assoir sur la table basse. J’avais démarré un feu ce matin, très tôt, bien avant de partir à la supérette et je l’avais oublié, accaparée par mes travaux. Pourtant, le feu ronronnait toujours dans l’infrangible poêle en fonte et le tas de bûches avait diminué.
La panique me fit sursauter. J’avais les pieds sur la table basse, le derrière enfoncé dans le vieux fauteuil et Les Contes et Légendes de Savoie tombé sur les genoux. Je piquai un fou rire. Ma vieille, tu te prends pour Alice aux Pays des Merveilles ou quoi? Quel drôle de rêve…
Mon nez se mit à me picoter et j’eus juste le temps de l’enfouir dans la pliure de mon coude avant d’être secouée par un éternuement retentissant. Je reniflais bruyamment et me levais pour aller chercher des mouchoirs en papier dans la salle de bain.
En passant devant la fenêtre de la cuisine, je vis un jeune chat roux qui me suivait du regard. J’aurai juré qu’il me souriait…
Bonjour Céline,
Ton Pen est ajouté au concours !
Félicitations pour cette première participation.