Assis à une terrasse de café, tous les matins, il l’observe. Elle va, elle vient cette charmante demoiselle aux cheveux auburn avec son sourire ineffable et ses politesses typiquement féminines.
Il s’interroge encore sur ce qui le motive à l’observer tous les jours et cela depuis plus d’un mois. Quand il a vu son nom sur son cahier, il a ressenti de l’émoi et depuis son cœur lui dit que c’est important qu’il comprenne pourquoi.
Et depuis tout ce temps, ça ne s’explique toujours pas. Tous les matins, elle continue à lui servir ce même café infâme avec ce même sourire indescriptible. Et même si le café a un goût de chaussettes et que le lieu ne donne pas l’envie de revenir, il est toujours plein d’hommes venus pour voir ce sourire.
Elle n’a, bien sûr, absolument rien remarqué. Comment le saurait-elle ? Elle affiche cette ingénuité que peu des femmes, qu’il a rencontré, ont encore. Elle respire le printemps de l’humanité et la candeur de la jeunesse. Elle n’a encore rien traversé. Il est fasciné.
Pourquoi a-t-elle cet effet sur lui ? Jusqu’alors, il avait toujours fait son travail sans se poser de questions et cette fois-ci, c’était vraiment différent !
Attablé sagement à boire son café, elle vient vers lui et semble troublée.
“Vous désirez autre chose ?” Quand il répond par la négative, elle reste figée dans l’attente de quelque chose. Puis, elle ose:
“Ça fait quelques jours que je vous observe et que je me demande pourquoi un homme si… brillant vient ici.” Elle semble avoir cherchée ses mots de façon malhabile et ne pas être satisfaite du choix qu’elle a fait. “Ne vous méprenez pas, je ne vous fais pas la cour mais il y a quelque chose en vous que je ne m’explique pas.”
Il sourit mais ne répond pas. Elle aura oublié demain alors à quoi bon ? Il comprend cependant la teneur de son questionnement .
Quand son nom est apparu sur le cahier, Azraël, dieu de la mort, a vu en rêve la vie de la demoiselle et sa mort. Dans ce rêve, point de malveillance, point de souffrance, l’ange, qui vivait en cette femme, l’avait ému. Maintenant qu’il la voit pour de vrai, et pour un bref moment de vie humaine, il s’interroge sur les dessins de dieu son père, créateur de toute chose.
Pour le première fois depuis qu’Azraël est Azraël, il doute de son devoir sur l’humanité, car jamais pareil créature n’a croisé son chemin. Et pour la première fois, le chef des légions de Dieu, se prend d’affection pour une simple mortelle à laquelle il doit prendre la vie. Jamais en lui, n’avait existé cette émotion. Car ce soir, en rentrant du travail, elle veut prendre un autre chemin, celui de son destin. Azraël devra la conduire à sa nouvelle demeure où elle oubliera toutes les souffrances de la vie ainsi que lui.
Cette fois-ci, Azraël hésite car il affectionne ce petit bout d’humaine et il sent qu’il est lié à elle. Mais quel sens cela aurait-il aux yeux du père créateur ? Une fois seulement, il s’est retourné contre lui et il fut amèrement puni. Serait-ce pris pour une trahison que d’aller à l’encontre du calendrier céleste ? Dieu choisit de reprendre la vie comme il l’a donné et quand il le souhaite. Ses desseins sont impénétrables et la moindre déviance risque d’être un problème incommensurable pour l’ange.
Elle se tourne à nouveau vers lui et lui sourit et dans ce sourire se trouve la douceur de l’âme, le calme et la fraicheur de la jeunesse. Elle s’approche de lui et lui pose une seule question qui finit par déterminer la suite des évènements:
“Je finis à 17h. Voudriez-vous prendre un café avec moi ailleurs, après ?”
Et le cœur d’Azraël, qui n’a jamais rien ressenti, qui a toujours suivi les règles et a toujours pris les décisions qu’il fallait pour son père, s’émeut à nouveau et pour de bon.
Ce soir, le nom sur le cahier ne s’effacera pas. Ce soir, Dieu aura une nouvelle croisade à mener.
C’était très beau. Ça m’inspire une belle histoire d’amour entre une mortelle et un Dieu(de la mort). Il vaquait tous les jours à sa besogne jusqu’au jour ou il tombe raide d’amour. Il sacrifia sa condition divine pour elle.
Merci ! Ça me touche ! Écris, écris et je te lirais avec plaisir comme toujours !