Encore un pen issus d’un concours près de chez moi. Le concours du muséum de Toulouse. Je n’ai malheureusement pas été sélectionné mais je le partage avec vous avec grand plaisir car je me suis beaucoup amusée à l’écrire. Une petite histoire pleine de féérie ! Bonne lecture à ceux qui le souhaite !
Enveloppée de candeur et de grâce, je ne l’ai entraperçue qu’une fois, cette nymphe sensuelle et voluptueuse qui errait dans mes bois. Depuis ce jour, plus jamais de ma bouche ne sortit un mot sur l’ineptie de l’invisible.
Élevé dans un cocon de croyance mythique et fantastique, ma génitrice de sa locution souveraine, nous racontait à mes frères et moi, moultes histoires de dieux et d’êtres fantasmagoriques.
Dryades, leprechauns, satyres et divinités héroïques avaient animé mon enfance de batailles invisibles et de jeux malicieux.
Pour autant, envahi de convictions ineptes, je me vis désemparé, arrivé à l’âge adulte, quand il s’avéra que l’existence n’était pas pleine de magies comme l’insinuait ma mère.
Esseulé, désenchanté, je me terrais dans un océan de noirceur intérieure et un dégoût de la face du monde. J’en avais fait mon domaine. J’étais ce type de romancier qui met à mal les convictions et retourne vos tripes au travers de livres à suspens grand public que l’on trouve au magasin de la gare.
La matrone m’en félicitait chaque jour sans avoir jamais osé aller au bout de mon premier recueil car, le disait-elle sans ambage: “Trop noir pour la demoiselle !”
Alors que je parcourais le domaine familial le jour de ma visite mensuelle, il me prit l’envie de voir l’arbre “magique” de mon enfance. Ce pommier centenaire surplombait l’arrière du manoir de ses treize mètres majestueux. Dans cet arbre, nous avions, les trois frères zébulons que nous étions, inventé aventures fantastiques, voyages lointains et récits sans queue ni tête.
Un sourire m’échappa alors que je repensais à certaines de ces inventions rocambolesques et la nostalgie laissait place à la frustration habituelle de ne pouvoir concrétiser les rêves enfantins qui étaient les miens.
Je me posais contre le tronc de ce vieil ami espérant revigorer mon être meurtri quand je sombrais dans un sommeil inattendu.
Un rêve sibyllin commença alors. Je me tenais tête en bas dans la cour du manoir. Toute chauve-souris que je pus être, enfant en compagnie de mes frères, je n’étais point si cascadeur trente ans plus tard avec mon arthrite sévère et mes os fragiles. Le chat de ma mère, posé sur le sol, passa sous moi et me lança un regard incrédule avant de s’asseoir pour faire sa toilette.
Quelques secondes passèrent avant qu’il ne relève la tête vers moi:
“ Tu vas descendre où il faut que je te fasse descendre moi-même ?” dit-il froidement.
Surpris par ce chat parlant, mes jambes cessèrent de me soutenir et je tombais la tête la première dans l’herbe. Non sans avoir mal, je me levais précipitamment et vint à la rencontre du félin le cœur battant dans l’attente qu’il émette encore un son.
“ Oh ! Ça va l’humain ! Fais pas comme si tu le savais pas ! Et oui, les chats parlent ! Mais on parle pas pour rien dire comme certains alors…” dit-il en se retournant.
Ébahi, je crus que mon cœur allait cesser de battre dans ma poitrine. Pas un mot, ni un bégaiement ne réussit à s’extraire de mon gosier aphone. Le chat prit les devants.
“ Qui viens-tu voir ? On ne dort pas au pied du pommier centenaire sans raison !”
Sa singularité m’avait toujours fasciné mais jusqu’alors je m’étais contenté d’enquiquiner ce petit fouineur de chat blanc sans jamais me poser plus de questions. Il avait sur le bout du nez une tache en forme de pomme au reflet doré. Ce qui lui avait valu le nom de Malum.
D’une part, parce que Malum signifiait pomme en latin et que ma mère adorait le latin et d’autre part, parce que nous avions toujours cru avoir à faire à un mâle, jusqu’à ce que sa progéniture entre en scène.
“Malum, je ne sais pas ce que je fais ici. Je me suis assoupi.”
Le chat sembla très contrarié et leva sa tête vers l’arbre magique. J’en fis de même sans trop savoir pourquoi. C’est là que l’ésotérisme romancé, que notre mère nous débitait sans discontinuer, vint rencontrer mon monde. Dans les bras du grand arbre centenaire voletaient des milliers de petits êtres dont les ailes fragiles et transparentes reflétaient les rayons purs et éthérés du soleil d’été. Mon émotion fut telle, qu’il me fallut bien cinq minutes pour reprendre le regard critique de l’écrivain désabusé et conscient du rêve éveillé.
” Sornettes !” claquais-je d’un ton acerbe avant de me lever pour épousseter mon pantalon.
C’est à ce moment là que je me rendis compte que mes mains n’étaient pas celles d’un homme de mon âge. Délicates, lisses et pleines de vigueur, elles avaient retrouvé leur jeunesse d’antan. Je m’apprêtais à en indiquer l’étrange phénomène au chat loquace quand je m’aperçus qu’il s’était volatilisé comme par magie. Mon regard fut attiré par un mouvement sur ma gauche au même instant.
Une femme ravissante aux cheveux d’un blanc pure et chatoyant me fixait à l’orée du bois. Elle portait pour tout vêtement, une toge couleur d’automne posée négligemment sur son épaule, qui laissait voir les courbes de son sein gauche. Sensible au charme féminin et célibataire depuis aussi loin que ma mémoire se souvienne, l’émoi fut immédiat. La belle ne cessait de me regarder.
Cependant, dès l’instant où je tentai une approche, elle entra en courant dans le sous bois et disparut comme elle était apparue.
Bien résolu à savoir qui pouvait être cette gente dame, je n’hésitais pas une seule seconde et partis sur les talons de l’indisciplinée jeune fille aux habits légers.
Il me revint alors à l’esprit que je faisais un rêve et que, dès lors que celui-ci aurait pris fin, l’inconnue serait encore un de ces souvenirs amers qui jonchait mon existence.
“Tant pis, mon vieux !” Me dis-je à moi-même en redoublant d’ardeur dans cette forêt ancestrale où je me blessais aux orties et aux ronces vivaces. Les égratignures et balafres me fouettaient le sang et ravivaient la fougue des jeux de l’enfance. Je revivais, je riais à nouveau, fou d’une ivresse perdue et subitement retrouvée. Je respirais à nouveau le bonheur de simplement vivre au rythme de la magie des lieux.
Quand je finis ma course effrénée sans trop savoir combien j’avais parcouru, elle était là, penchée dans une clairière sur un chêne malingre.
“Voici ton âme, Arthur !” Me dit-elle en se tournant vers moi un sourire maternelle magnifiant son visage. Elle tenait dans sa main une pomme dorée qu’elle croqua délicatement.
” Quand est-ce que tu as cessé de croire ?” J’eus beau réfléchir, mon esprit était troublé par la pomme.
Elle sourit comme si elle comprenait mon interrogation silencieuse et elle s’approcha de moi doucement. Ces pas sur les feuilles qui jonchaient le sol, étaient comme le bruissement des ailes d’un oiseau. Elle saisit ma main et y déposa la pomme dorée.
” Je suis Pomone. Vous m’avez nommé Malum, il y a bien longtemps. Bien que je ne sois ni femme, ni chat, l’erreur m’aura fait bien rire. Je suis une nymphe. Tu tiens dans ta main ce que les hommes ont un temps considéré comme la représentation du monde”.
Je regardais à nouveau la pomme et m’interrogeais sur ce qui avait pu influencer cette métaphore.
“D’aucuns la considèrent comme la représentation du pouvoir et, comme mes parents éloignés, se battent pour en avoir la garde. Ici, en ce lieu, elle n’est ni pomme de discorde, ni représentation chimérique, elle est ce qu’elle doit être, fraîche et goûtue comme une simple pomme.” Elle rigola brièvement et son sourire enfantin me fit sourire également.
” Quand as-tu perdu l’étincelle, Arthur?” loin de m’y attendre, je levais la tête vers Pomone qui s’était penchée sur le petit être frêle que j’étais redevenu.
“Je… Je ne sais pas !” mais déjà s’écoulaient sur mes joues les larmes du mensonge que je proférais.
De sa main délicate, elle essuya une goutte sur ma joue et déposa un baiser sur mon front avant de continuer.
“La pomme d’or est aussi connue pour être détentrice de toutes les vérités mais il est vrai que c’est moins intéressant que le pouvoir.” dit-elle en me faisant un clin d’œil. “Vas-y, croque !” Une expression malicieuse sur le visage de la nymphe me fit hésiter un instant mais la bienveillance qui émanait d’elle eut raison de ma vigilance.
Retournant la représentation édulcorée de la terre dans mes mains, je mis le bout de mes dents près du trognon convaincu qu’en en mangeant peu, je ne risquais rien.
“Et maintenant, regarde moi, Arthur et sois sincère avec la nymphe des bois que je suis. Tu sais !” Compulsivement, incapable de retenir l’émotion vive qui m’envahissait, je pleurais à nouveau et Pomone souriante et pleine de compassion me prit dans ses bras.
“Mon enfant, le jour de tes dix-huit ans, vous êtes allés, trois frères intrépides que vous étiez alors, vous mesurer aux treize mètres de l’arbre ancestral. Louis, Jean et toi. Ce jour là, rien ne vous aurait retenu. Je vous observais depuis le manoir. Puis Louis est tombé. Tu t’en veux encore, n’est-ce-pas ?”
Comme par enchantement, je repris l’aspect de vieil homme qui était le mien. La nymphe me posa à terre. Les pleurs cessèrent et revint la culpabilité et la méfiance qui me guidaient depuis des années.
“Ouh non, Arthur ! Pas de ça avec moi.”
Je m’approchai de la nymphe et la regardai droit dans les yeux avant de déverser mon venin.
“Si je n’avais pas cru à toutes ces balivernes, Louis vivrait encore. L’oubli, c’est ce qui nous attend tous.”
Elle me prit la main et me tira vers l’arbre en marchant calmement et en ne pipant mot. Arrivée au pied de l’arbre, elle leva la main. Une nuée de fées tourbillonna autour d’elle en couleurs chatoyantes et j’eus la plus grande des difficultés à ne pas m’émerveiller comme l’aurait fait un enfant. Puis, elle claqua des doigts et la nuée s’en retourna dans l’arbre excepté un seul petit être translucide.
” Les êtres chers perdus très jeunes ne s’en vont pas toujours dans l’au-delà.”
La petite créature voleta vers moi et se posa délicatement sur la main que je venais de lui tendre.
” Certaines font le choix de rester dans la demeure des songes pour aider le rêve des hommes à exister.”
Je repositionnais mes lunettes, incrédule, en plissant bien les yeux. Je compris enfin ce qu’elle voulait dire et me mit de nouveau à pleurer. Louis prit mon pouce dans ses bras et de ce geste léger et éthéré vint la délivrance.
Louis s’envola à nouveau et d’un signe de la main m’offrit les adieux que je n’avais jamais pu lui donner.
Pomone me sourit et se pencha vers moi, avant de partir, pour me donner un baiser tendre et délicat sur la joue. Elle me fit un clin d’œil et me dit en se dirigeant vers la forêt.
” Je t’attendrais quand ton tour viendra. Tu sais où me trouver. “
En sautillant comme un cabri, elle reprit sa forme de chat et rentra dans le bois. Déjà, le rêve s’estompait alors que je me levais de sous l’arbre.
Je ne revis jamais Pomone depuis, mais nul doute qu’elle m’attend où elle me l’avait promis. Je revis le chat à la pomme dorée mais il ne fit plus jamais cas de moi.
Malgré cela, têtu et mauvaise tête comme j’avais pu l’être, j’étais convaincu d’une chose: le rêve n’en était pas un.
Toutes les semaines suivantes, je revins rendre visite à ma famille et à l’arbre et chaque semaine, je venais me pencher vers lui pour susurrer ma réponse à la nymphe:
” Je n’y manquerais pas !”
C’est pas mal je trouve. Peut-être un peu décousu au début. Il y a bien quelques fautes, mais pas très grave. Donc moi je dis oui.
N’hésitez pas à me corriger. Je relis et relis un nombre incalculable de fois pour le rendre bien corrigé mais j’ai l’impression qu’au bout d’un moment, je n’y vois plus rien.
les rayons pures -> purs il me semble si je ne me trompe
Je suis certain d’en avoir vu une autre, mais je ne la retrouve pas. En tout cas c’est pas bien grave.
J’aime beaucoup ton écriture, et je me demandais juste pourquoi ton texte n’avait pas été retenu.
J’aimerais pouvoir répondre à votre question. Je pense que les autres écrits devaient sûrement être plus éloquents.
Bien dommage que ce texte n’ait pas été retenu. Il est bien écrit, il s’en dégage une certaine sensibilité. J’ai beaucoup aimé cette phrase, que je trouve très poétique : "Certaines font le choix de rester dans la demeure des songes pour aider le rêve des hommes à exister." Pour ma part, je fais aussi pas mal de fautes (rares sont ceux qui n’en font pas…) j’ai trouvé (si jamais ça peut aider) > ces (ses) treize mètres majestueux. >cette (cet) arbre.
Merci à vous pour la correction et pour ce commentaire qui me touche. Je vais, de ce pas, corriger mes erreurs.
Superbe. Bravo.
Moi aussi, comme les autres, je me demande bien pourquoi ton texte n’a pas été retenu. Bon Réveillon !
Bonne année Curly
Bonne année à vous aussi et à tous!