22 mai. 23 h 13
Troisième jour que je reviens. Heureuse de retrouver cette heure de solitude devant mon écran, juste à laisser s’allumer les mots au gré des pensées qui me traversent l’esprit. Je ne sais combien de temps je maintiendrai cette nouvelle habitude. Les heures passent et l’angoisse de la feuille blanche s’estompe peu à peu, des projets surgissent. Dans tous les sens. Il n’y a pas de plan, juste des idées à exploiter, une irrépressible envie de passer du temps avec les mots, de les choyer, de les mettre en beauté autant que je le pourrai.
Peut-être suis-je maladroite comme un enfant qui fait ses premiers pas, peut-être suis-je tellement dans ma tête que d’autres ne peuvent accéder à ce qui m’anime. Peut-être. Ou peut-être pas. Je me rends compte que l’aisance d’écrire augmente un jour après l’autre. Je me laisse moins freiner par des réticences internes, la fluidité vient, presque naturelle comme un ruisselet qui serpente dans la montagne.
Je débute, soyez indulgents. Suffit-il donc d’avoir envie d’écrire pour que ce qu’on écrit puisse être lu par autrui ? Est-il nécessaire de faire lire ses écrits ? Tout a-t-il vocation à être publié au grand jour ? Je n’en suis pas très sûre.
Que cela m’apporterait de publier mes écrits ? Pourquoi ne pas les garder pour moi ? Surtout ce genre de texte de questionnement sans réelle réponse si ce n’est les miennes, indiscutablement faussées par le regard négatif que j’ai tendance à porter sur cette activité toute nouvelle dans laquelle ma maîtrise me semble pour le moment plutôt fragile.
Qu’importe. J’écris. Je retravaillerai mes textes jusqu’à ce qu’ils me conviennent. Peut-être alors leur accorderai-je d’être publiés. Au fond, j’aimerais partager avec d’autres ma passion pour les mots, la poésie de la langue. J’aimerais exercer cette capacité à choisir un mot plutôt qu’un autre parce qu’il sonne mieux dans la phrase, parce que la phrase devient plus claire. J’aimerais partager ces mots que certains trouvent compliqués, ces expressions que l’on n’emploie plus à l’heure où tout doit aller vite, le plus concisément possible pour faire passer une information.
La langue française est si riche. J’aime à la caresser avec délicatesse dans les poèmes, j’aime créer des phrases contenant des mots en passe d’être oubliés. J’aime créer tout simplement. Créer quelque chose à nulle autre pareille, sans aucune contrainte quelle qu’elle fût si ce n’est pour le plaisir de jouer avec les mots.
Le rythme d’écriture se fait plus lent ce soir. Peut-être que l’essentiel a déjà été exprimé les deux jours précédents. L’apaisement et la sérénité m’habitent en écrivant ces lignes qui pourtant vont vers un endroit indéfini.
Pourquoi continuer d’écrire ? Atteindre un certain nombre de mots ? Oui, peut-être. Me prouver à moi-même que je suis capable d’écrire 30 min d’affilée sans plan prédéfini et me laisser porter. Oui, aussi. C’est vraiment très particulier cette impression qu’il y a encore à dire, encore à déposer des caractères les uns derrière les autres car tout n’a pas été dit. Impossible de mettre un point final. C’est vraiment étrange.
Juste sourire et s’amuser de la situation. Observer les doigts qui tapotent sur le clavier comme mus par un automatisme inconscient. Les regarder s’arrêter de temps à autre, avant de repartir au galop à l’assaut d’une nouvelle phrase. Mais comment font-ils pour prendre une telle indépendance par rapport à ma propre volonté ? Ce que la tête pense, ils l’écrivent instantanément. Aucune censure n’est activée, si ce n’est celle de construire une phrase qui semble avoir du sens.
Je ne m’arrête pas aux fautes de frappe ou très peu pour laisser le flot des mots se déverser en toute liberté sur l’écran. Je reprendrai dans le détail mon texte une fois arrivée à satiété de la production de mots. Production de mots, quel concept étrange. Je n’ai rien à gagner à produire si ce n’est d’éprouver la satisfaction d’avoir encore une fois réussi à passer 30 minutes ou plus avec les mots et de les avoir agencés sans aucun but apparent.
Il faut bien que j’en arrive à la conclusion qu’écrire me plaît beaucoup, au-delà de ce que j’aurais pu imaginer en me mettant devant mon ordinateur dans cet objectif. Savoir que tout ce qui me passe par la tête a sa place quelque part me rassure. Quand bien même personne ne lirait ces lignes.
23h48
Alors apaisé ?
Affaire à suivre 😉