Mardi 2 juin 2020. 23 h 28.
Voilà que je semble perdre la bonne habitude si fraîchement acquise, d’écrire mon petit pavé tous les soirs. Ce soir, je m’y remets. Et contrairement à ce qu’annonce le tire de la rubrique, ce n’est pas vraiment à partir d’un mot, mais à partir d’une image que je vais écrire ce soir.
Je manquais d’inspiration, voulais partir d’un mot et en allumant mon ordinateur, le fond d’écran qui s’est affiché est apparu comme une évidence. Oui, j’allais écrire sur cette image.
C’est la photo d’une petite cascade, traversant l’écran en diagonale, venant de la droite, en pleine nature verdoyante. Au premier plan, l’observateur voit le bord de la rivière couler à ses pieds.
Quand je vois cette image, j’y associe immédiatement des sensations agréables. À mes pieds, le clapotis de l’eau contre les pierres aux formes géométriques mais néanmoins polies par le courant au fil des siècles. J’observe leurs formes, essaie de leur trouver des ressemblances. L’une sera un visage humain vu de profil, l’autre ressemblera à un ballon tant elle est taillé sur tous les côtés. La troisième, encore, prendra la forme d’une maison.
Mais voici que plus loin, je perçois le coassement de demoiselle grenouille. Je ne la vois pas. Pourtant, elle est bien là, dissimulée par les herbes, sur une pierre un peu surélevée, derrière une autre qui la met à l’abri des remous les plus forts. Qui appelle-t-elle ? Pourquoi se fait-elle entendre ? Elle risque sa vie à se faire remarquer ainsi et pourrait bien finir en repas du martin-pêcheur à l’aguet sur une branche de l’autre rive. Avec ses couleurs vives, il n’est guère plus discret à l’œil que son futur déjeuner ne l’est à l’oreille.
Laissons-la chanter encore un moment et laissons-le savourer la perspective d’un festin croustillant.
Voici qu’un autre chant se fait entendre. C’est celui d’un criquet, camouflé dans les herbes sèches, un peu plus loin. Le soleil se couche, il est temps pour lui de rappeler sa famille pour passer la nuit. Mais où dorment les criquets, d’ailleurs ?
Au-dessus de moi, des arbres. À peine ai-je levé les yeux que les feuilles s’agitent, semblant me saluer dans une joyeuse cacophonie improvisée. Elles sont animées de vagues successives qui semblent tantôt en harmonie, tantôt désordonnées. Quelquefois, les branches s’entrechoquent avec vigueur comme si chacune suivait un chef d’orchestre différent ou comme si l’une avait décidé d’aller plus vite que la musique imposée par le métronome vent.
Je trouve une grosse pierre pour m’asseoir, je ferme les yeux et m’imprègne de cette ambiance fraîche et bucolique. Quand je les rouvre, je porte mon regard vers la droite et prends conscience du volume sonore de la cascade qui m’avait attirée alors que je marchais encore sur le sentier de la forêt. Le tumulte des flots jaillissant est à couper le souffle. On croit d’abord qu’il y a une régularité dans les éclats d’eau projetés, on cherche en vain un tic-tac visuel dans cette masse d’eau qui renaît chaque instant. Il n’y a rien de contrôlable, les flots jaillissent de façon tout à fait aléatoire, la surprise est à chaque seconde renouvelée. Quel vacarme ! Quelle violence s’abat sur les roches en contrebas. L’élément liquide veut faire preuve de puissance face aux éléments solides, mais n’y parvient guère.
Pierre-feuille-ciseau : qui vaincrait l’eau si elle venait à s’adjoindre comme 4ᵉ élément de jeu ?
Je me perds dans mes réflexions au bord de l’eau. J’essaie de comprendre pourquoi de tels paysages m’inspirent. Est-ce parce que la violence initiale de la cascade, rencontrant la pierre, peu à peu compose avec elle une alliance ? La pierre acérée peut remercier l’eau de voir ses bords polis, adoucis. Avec ses sœurs, elle lui offre un chemin pour accomplir sa mission jusqu’à l’océan. Elle donne à l’eau l’occasion unique de chanter en la contournant selon des labyrinthes dont l’issue est toujours à l’avant. L’eau rend la pierre brillante sous le soleil. Elle peut attirer l’œil qui sait la contempler. Personne ne s’intéresserait à une pierre pleine de terre. L’eau qui passe son miroir sur la pierre la met en beauté, simplement. Le promeneur averti pourrait très bien décider de prélever cette pierre du lit de la rivière pour peu que l’eau ait mis en valeur sur elle quelque éclat précieux.
J’aime le bruit de la pluie contre les vitres, j’aime le clapotis des vagues d’un lac. J’aime écouter l’écoulement d’une fontaine (même celui d’une fontaine à chats). Je trouve ces sons très apaisants. Je suis Verseau.
00 h 13
merci pour ce moment rafraîchissant! ^^