Conte 2 – Le Merle et l’Oie

6 mins

Ici, et je tiens à le préciser, c’est une histoire qui m’est réellement arrivée enfin qui est réellement arrivée, je veux dire. J’ai seulement changé quelques noms et quelques autres petits détails, adapté ici ou là certaines choses. J’en ai aussi supprimé d’autres pour éviter toute ressemblance avec des personnages fortuitement existants. Au final, on pourrait aussi dire que c’est une histoire qui ne m’est…n’est jamais arrivée…mais qui est quand même arrivée d’une certaine façon et d’un certain point de vue. Je ne sais pas si vous me suivez là ? Bon on va dire que c’est un conte de fée sans fée. Vous voyez ?

Il était une fois…non je déconne…quoi que c’est un bon début je me demande si quelqu’un y a déjà pensé ?…bref…

La vie était paisible à Pachmina du Bourg-du-bec, un petit village au nord du Sud…ou du sud du Nord comme vous voulez ça n’a pas d’importance pour l’histoire…Dan et sa fille…euh…non pas Dan…euh…ce n’est qu’un personnage il n’a rien à voir avec moi ni même avec ma fille c’est pour vous dire hein ! Voyons ?!…euh…alors comment on va t’appeler toi hein ?…Euh…Da…euh…Dam…euh…Dami…euh…Damio…euh Damia…euh… Damian…ah, ouais tiens ! J’aime bien…quelle joie ça doit être pour vous d’assister au processus créatif dans toute sa splendeur et sa complexité. Je sais bien que cela vous passe au-dessus de la tête ! Mais avouez quand même que ça dépasse tout ce qu’on peut imaginer ! Incroyable !

Damian et sa fille, Amanda, lâchement abandonnés par une sale bonne femme de merde qui avait été une mère pour sa fille…putain, une mère quoi !…qui s’était cassée comme ça du jour au lendemain après des années de vie commune…salope, va !…venaient de prendre possession de leur nouvelle maison. Un ancien corps de ferme entièrement rénové…c’est plus facile pour l’histoire. A l’origine il devait le rénover mais c’était trop chiant à écrire alors pouf magie toute rénovée la baraque !…Damian espérait plus que tout prendre un nouveau départ ici, offrir à sa fille une vie un peu plus paisible qu’en ville. Peut-être même lui redonner le sourire.

Respirer l’air vivifiant de la bouse de vache fraichement démoulée, l’odeur du sang des porcs que l’on étripait, le cri du coq qu’on décapitait ou de la chèvre prise dans une tournante, tout cela leur ferait le plus grand bien.

Ils furent à peine entrés dans leur nouvelle demeure que, d’un coup, un homme aussi chétif que chauve dont le nez pointait toujours la bonne direction tel un GPS et son épouse à l’ossature solide de bonne polonaise roulant du cul comme un canard constipé se présentèrent à lui…l’envahirent ouais !

Damian, trop occupé à déballer ses cartons, ne retint pas leur nom. Alors, comme lui était tout de noir vêtu…oh putain j’écris comme un écrivain ! Oh putain ! Je suis tellement fier de moi…et elle tout de blanc, son imagination incroyable, débordante, intarissable lui fit les surnommer le Merle et l’Oie…ben c’est toujours mieux que vieux pervers et grosse vache achetée sur Internet non ?!

Et contrairement à ce qu’il aurait pu croire dès le départ, ils n’étaient pas si déplaisants ces gens-là. Ils avaient un peu trop l’accent de la grande ville, pour lui. Mais bon, ils n’étaient pas trop déplaisants. Ils avaient acheté une maison à la camp’hagne en espérant que cela ne soit pas trop la camp’hagne justement ou que cela ne soit qu’une ville les vaches, les poules, les truies et les porcs en moins.

Depuis plus de dix ans maintenant, ils vivaient là, et se plaisaient vraiment ici dans « chette charmante bourgade de provinche » comme l’appela l’Oie. Et tout le monde les connaissaient…à force de foutre tout le monde au tribunal pour un coq qui gueule ou un bon crottin de cheval, c’est sûr que tout le monde les connaissait. Les apprécier, je ne parierai pas mon dentier là-dessus pas mais les connaissait, ça c’est sûr.

Mais comme ils étaient si charmants, si conviviaux alors personne ne leur en voulait vraiment, il faut bien dire les choses comme elles sont, d’être aussi cons.

Et les mois passèrent. Damian et sa fille s’intégrèrent bien dans ce village où ils profitèrent du bon air et des bons produits de la terre. Jamais ils n’eurent le moindre problème avec l’un ou l’autre de leur voisin…parfois ils avaient les urines qui sentaient bizarre, ce qui inquiétait vraiment Damian…mais vraiment, vraiment…bizarre…

Un jour, en allant acheter directement à la ferme leur poulet du dimanche et leurs légumes de la semaine, la toute jeune Amanda tomba sous le charme d’une toute jeune et jolie génisse aux pis bien faits. Mais Damian n’était pas chaud pour déjà reprendre une grosse vache…grosse salope perverse ouais !…pardon mais je l’ai encore là quoi !…à la maison. Mais lorsqu’il demanda ce qui adviendrait de cette jeune et jolie vache, l’exploitant lui répondit :

– « Ah, z’avez iski pô pétié avec eul bestio, z’avez M’sieur ! Boudiou ! On va l’traître jusqu’à eusse qu’elle vêle eusse dernier lopiot eud veau et pi on va r’garder euddans qui a pu eud lait qu’au cas qu’où qu’on d’vrait eul verser d’vant la soubréfectur. Et pi on va l’mettre dans l’battoir pour la couper dans l’morceau et qu’on va eut vendre pour euq tu le bouffes…eheheh du con eheheh…et pi qu’on va et’ dire euq c’est du bon boheuf eud bien eud chez nous ! Eh-eheh ! Et pi qu’on va casser ses os et tiendre les s’bots pour donner à bouffer aux z’aut‘ qu’on va faite eul même chose…alors i’veut quoasse comme ploubet ! Sans momogem ? Eheheh ! 

Le monsieur i’va pas tuer la vache hein Pôpa ! Pourquoi qu’i veut la tuer ! J’veux pas qui la tue mouah ! ».

Damian sentit alors le vent tourner. Pris entre un péquenaud pervers animé par des pulsions de morts envers ses vaches et la moitié de la planète…et prêt à lui faire bouffer de la merde en disant que c’est bon pour lui tout en lui faisant payer plein pot, connard va !…, sa fille dont la petite bouille blonde si douce d’habitude commençait à se changer en une sorte de démon rougeoyant prêt à hurler au monde entier qu’elle voulait cette p…de vache qui le regardait avec des yeux suppliant :          « sauve-moi ! ».

Bon ok vous savez comment ça va finir elle va chialer, je vais l’acheter enfin je veux dire Damian, bien sûr, va l’acheter en la payant le triple de son prix pour qu’elle ferme sa p…de gueule que je supporte pas quand elle chouine comme ça…Enfin c’est Damian qui supporte pas moi je gère, je gère…respire, respire ! Oh, putain ! Putain, putain ! J’fais une crise d’angoisse ! J’vais crever ! Oh, putain !

La transaction conclue Damian, Amanda, la désormais bien nommée Pâquerette firent le chemin inverse. Ils marchèrent dans les petites rues de ce petit village du nord du Sud. Damian n’était pas peu fier d’avoir aujourd’hui sauvé une vie et d’avoir rendu sa fille heureuse. Et tandis que la petite fille tentait de retenir cette vache, glissant dans les bouses comme si elle faisait du ski nautique dans la merde, lui commença à se prendre à rêver qu’en donnant du chocolat à manger à cette vache, elle lui ferait du lait au chocolat ou des glaçons elle lui ferait des glaces ou du sucre elle lui ferait de la confiture de lait. Comme la vie serait belle et qu’ils seraient heureux tous les trois sous le ciel bleu et ses milliers d’arc-en-ciel du pays rendu joyeux par une trop forte dose d’anxiolytique.

Dès le lendemain, Damian sut que cet idyllique tableau ne verrait le jour qu’au pays des rêves fabuleux et monstres gentils. La tentation fut alors grande d’acheter une carabine, d’y mettre des cartouches, de pousser le canon dans sa bouche et d’appuyer sur la détente. Mais bien sûr il ne le ferait pas car aujourd’hui en plus d’avoir un crédit de trente ans sur le dos, une petite fille de douze ans à élever seul, il avait une vache…une putain de vache !… et il ne savait même pas ce que ça bouffait une vache…oh putain ! J’vais m’en coller une !

Souvent, le Merle et l’Oie venaient rendre visite à Damian et Amanda. Ce gentil couple s’amusait souvent de voir la petite fille jouer et monter ce drôle de chien à cornes qui était tellement sage qu’on n’entendait jamais aboyer, crénom d’une pipe !

Souvent, ils s’invitèrent aussi à souper. Ils s’imposèrent parfois, gentiment, les soirs d’été pour faire un gentil barbeuque dans la cour intérieure de ce corps de ferme, invitant quelques-uns de leurs bons amis venus de la Cap’hitale. Car chez eux le jardin était bien trop fleuri et surtout, surtout…surtout ils ne voulaient pas piétiner leur chère, chère pelouse qui était la même que celle mise au stade de France…et mon poing dans ta gueule de con tu la veux…pardon !

Damian se disait qu’ils valaient mieux les subir de cette façon plutôt que d’une autre car il n’avait pas besoin de ça en ce moment alors il les tolérait. Et puis cela donnait un semblant de vie sociale à Amanda qui côtoyait d’autres personnes que son père, cela ne pouvait lui être que bénéfique alors il les tolérait. Bien obligé. Et puis, elle s’attachait à eux, aussi.

La réalité se révéla moins pire que ce que Damian avait imaginé. Il avait aménagé la grange pour que Pâquerette ait un petit chez elle, bien confortable. Amanda adorait cette vache. Elle s’en occupait comme d’un trésor, la brossait, lui donnait à manger du foin, de l’herbe…ça coute une blinde, putain ! Elle allait aussi souvent, très souvent, la balader dans les rues du village ou dans le champ derrière leur maison, passant devant le joli pavillon et la jolie pelouse du Merle et de l’Oie qui, chaque fois, lui faisaient signe de la main. Parfois ils allaient même jusqu’à lui offrir quelques bonbons et un sucre pour le chien qui grossissait drôlement. Il allait crever assurément si la petite n’y faisait pas plus attention.

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