Conte 3 : Milclock et les cinq petits roquets – 1ère partie

4 mins

Tout d’abord, je tiens à vous dire que je n’ai rien à voir dans cette histoire parce que je…ça fait plusieurs semaines que je n’ai plus écrit parce que vous voyez, je suis sous médicament, ej prends des anxiolytiques et des antidépresseurs et puis j’ai des cachets pour dormir mais ils ne me font pas dormir et ça me fout la tête à l’envers. On dirait que je suis bourré en permanence. Je l’ai dit au docteur mais il a dit que…mais bon…j’ai été…enfin tout ça quoi…je vous embête pas…c’est mon problème…à moi…tout seul…pardon…pardoin…ouh y a la pression qui monte je le sens…ouh !…je vais me sentir mal…je crois…oui…Mon diue àa recommence…je…oh, mon dieu !…ouh…pardon…pardon…ok. Ok, on y va…oui…ouh…c’est pas passé loin hein ! Ouh !

Bonne lecture surtout et encore pardon.

Je vous aime mes bigorneaux !




C’était la fin d’année dans le vaste Royaume de Granville-Dutouprèz. La neige avait recouvert les rues et les trottoirs de la plus grande de ses cités. Les odeurs de pin et de gaufres se mélangeaient à celles des beignets et des pommes que l’on faisait griller. Les gentils gens attirés par toutes ces échoppes qui avaient revêtu leurs habits de lumière, s’empressaient d’acheter le plus beau des jouets, le plus cher des parfums ou la plus jolie des cravates pour l’offrir à ceux, celles ou celui qu’ils aimaient le plus qu’ils n’aimeraient jamais. Ils dépensaient sans compter. Peut-être même que parmi eux un homme en costume blanc construisait le plus grand parc d’attraction du monde entier. Et lui aussi avait dépensé sans compter.

Oui, juste comme ça…euh…je ne sais plus si je vous l’ai précisé que je prends des médicaments à l’heure actuelle. Et pour être franc ça me fout la tête en vrac donc…pardon.

Pardon si tout ça part un peu…en vrille disons…de temps en temps. Voilà. Merci de votre compréhension. Et pardon pour cette interruption du programme voilà qui est dit ! Je vous rends l’antenne ! A vous Gonzac KilHégay !



Et on ne voyait que ça partout. Les gentils gens qui allaient de-ci de-là, les bras chargés de sacs ou de paquets cadeaux. Tous n’avaient que cela à la bouche. Tous n’avaient que cela en tête : les fêtes. Les fêtes. Les fêtes ! Durant lesquelles il faudrait se démarquer par son beau paquet, par son bon diner, par son beau sapin. Et durant lesquelles il ne faudrait surtout pas, mais alors surtout pas, agacer la belle-mère ou rendre jaloux les frères, les sœurs et les belles-sœurs ou les beaux-frères en leur mettant sous le nez la belle vaisselle achetée là-bas tout là-bas, les photos des dernières vacances à Marmazout-le-Grec ou la belle et grosse bagnole. Tiens dans ta gueule, du con ! Encore un bout de bûche ? Elle est bonne hein ?! J’ai dépensé sans compter…pour que tu t’étouffes avec !



Mais eux, personne ne les voyait jamais. Ou rarement. Ils étaient un peu comme le Yéti ou le Père Noël. Pendant un temps, on y croit. Ensuite, on se demande s’ils existent. Puis, on finit par en douter et plus tard on se fout complètement de leur existence.

Eux étaient comme ça. Aujourd’hui, tout le monde s’en foutait. Et comme en plus, ils ne venaient pas de terres lointaines pour fuir une guerre ou un génocide, ils n’avaient aucune chance d’attirer le regard, la compassion ou la protection. Aucune chance pour eux de finir dans un bidonville que même les rats finiraient par fuir.

Pourtant, ils étaient là, veillant, guettant tous ces gentils gens qui allaient de-ci de-là. Et, comme les méchants petits roquets qu’ils étaient, ils les enviaient. Salivant, bavant, ils rongeaient leur os patientant, attendant leur moment.

D’un coup, parfois, tels des Morlocks, ils bondissaient hors de leur tanière pour mordre les mollets des gentils gnous retardataires, de ceux qui s’étaient trop éloignés du troupeau. Ces gentils gens, tellement surpris, tellement affolés, en jetaient parfois leurs paquets au sol pour se sauver, meuglant, beuglant, pleurant, s’agitant dans tous les sens pour qu’on vienne les aider. Mais souvent, il était bien trop tard car ces petits roquets, déjà, s’en étaient allés loin, loin, très loin pour se planquer.

Fidèlement, chaque fois, ils s’en retournaient prestement vers leur maître, le Seigneur de ce Royaume espérant que ce qu’ils lui rapportaient suffirait encore cette fois. Mais avec ce Roi rien n’était jamais sûr. Rien n’était jamais certain. Car, bien qu’il ne soit qu’un petit humain moyen, il était habité d’un appétit d’ogre pour tout ce qui pouvait s’acheter, se vendre, se louer, se donner, pour tout ce qui avait de la valeur et, surtout, pour tout ce qui pouvait se voler. Et cet appétit n’était pratiquement jamais rassasié.

– « Dâ, dj’aîîîme çô ! Dj’aiiime çô ! Ah-Ah-Ah ! » s’écriait-il quand ce qu’on lui apportait lui plaisait.

Mais tout son petit royaume, toute sa petite cour savait, aussi, ce qu’il se passait quand cela ne lui plaisait pas, quand cela ne marchait pas comme il le voulait. Il était capable d’enfourcher son plus rapide destrier et de retrouver n’importe qui n’importe où juste pour le regarder dans les yeux et lui dire :

– « Dj’ai eu tônt de biene pour toua ! Dj’ai faist tônt de bonne tchoz pour toua ! Y toua, tou faisk quoua pour moua ? Tou me vole, tou me trompes moi dje dis none ! Çô faist môl dane mone cœur. Alore toua tou faire quoua si toua avoir môl comme moua ? Tu vôs vouar Doktor pou qui te souâgne. Dje viaine vouar toua pour même tchoz ! Dje veusques guérir ! Y la steul fazone pour çô c’est que toua prenne mone môl ! ».

Généralement, c’était à ce moment qu’il attrapait une chaise ou se jetait dans un fauteuil comme le bon Roi qu’il était laissant à ses cerbères le soin de le soigner. Et il aimait regarder ce seigneur-là.

Il se délectait des hurlements et des suppliques. Il aimait qu’on le supplie. Il aimait qu’on lui promette monts et merveilles. Et il aimait par-dessus tout qu’on lui dise, qu’on lui jure qu’il régnait sur tout et sur tous sans exceptions, qu’on ne le décevrait plus, qu’il avait droit de vie et de mort sur tous et toutes. Il aimait sentir cette chose merveilleuse réchauffer son cœur meurtri, cette douce chaleur lui parcourir le corps, ce délicieux petit pouvoir qui lui donnait cette force, cette toute puissance. C’était un délice. Pourtant, jamais il ne laissait ses cerbères aller trop loin. Cela aurait pu attirer l’attention, d’autres seigneurs d’autres royaumes ou, même, dans le pire des cas, de chevaliers trop prompts à voir la justice triompher.

Et le Roi ne voulait surtout pas attirer l’attention. Il voulait juste régner sur son petit royaume, sur son petit monde en maître absolu. Il ne voulait rien d’autre le Roi. Rien d’autre que ce que tout le monde voulait obtenir : tout ce qu’il lui faisait envie sans avoir à en payer le prix.

Et cela dura pour ce Seigneur. Longtemps, très longtemps.

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