Conte 4 : La Vieille Dame et la Grochicha – 4ème partie

7 mins

Dès qu’il reçut l’appel du Père Paul, le jeune homme fraichement diplômé de la veille…ben oui les primo-demandeurs chez les Pôles en Bois ça traine pas ! Eh-oh faut montrer qu’ça sert à quéque chose quand même, pinaise de pinaise !…eut ce drôle de sentiment, peut-être de pressentiment qu’il devait l’envoyer chier…un pas qu’un peu. Mais il avait besoin d’argent pour ce qu’il voulait faire. Alors laver le cul d’une vieille conne pendant quelques semaines ne serait pas pire que ce qu’il verrait durant le reste de sa carrière d’infirmier.

Quelques jours plus tard, il arriva en vue de cette église qui trônait au beau milieu de ce petit village…préféré des franchais… et encore une fois, il eut cette boule l’estomac. L’atmosphère de ce lieu, cette église dont le toit tombait en ruine, convoqué en plus par un vieux curé. Cette putain d’église dans laquelle il devait entrer. A tous les coups, il cramerait à peine y aurait-il foutu le pied. Mais il n’écouta pas cette petite voix en lui qui lui disait de foutre le camp de là en vitesse et très loin. Très, très loin.

Il entra alors dans cette église. Et contrairement à ce qu’il croyait, il ne prit pas feu. Probablement que Dieu était absent ce jour-là.

Là, le curé faisait les cent pas dans la nef…pas celle de Notre-Dame qui a brulé je vous le rappelle. Un peu de respect quand même !

Le jeune homme observa le vieux curé qui ne l’avait pas remarqué tellement il était occupé à aller et venir autour de l’autel agitant les bras comme s’il tenait une conversation avec un invisible être. Peut-être était-il comme Don Camillo ? Peut-être entendait-il la voix de Dieu dans sa tête ? Et si tel était le cas, faudrait pas le piquer, le vieux ! A ces pensées, le jeune homme se mit à sourire évitant de justesse le fou rire…c’est la nervosité, ça va passer, c’est rien…respire, mon pote je connais ça…comme tout le monde, d’ailleurs…enfin pas ces salopards pleins de fric ! Connards de riche, va !

Et il se dirigea vers le curé qui faisait les cent pas.

Mais le Père Paul ne priait pas. Pas vraiment. Il souhaitait surtout que ce jeune homme qu’il attendait ne soit pas noir ou pire maghrébin. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Il l’avait bien vu en photo sur son cévé. Bien sûr. Mais elle était en noir et blanc cette satanée photo ! Mon Dieu ! Faites donc qu’il soit bien blanc ! Bien sûr, tous les hommes étaient égaux comme Dieu l’avait voulu…pour les femmes c’est une autre histoire tout le monde sait ça…surtout lorsqu’ils étaient blancs, travaillaient, payaient leurs impôts, allaient à l’église tous les dimanches et aimaient les femmes de toutes les façons possibles et dans toutes les positions imaginables. Mon Dieu !

– « Père Paul ? ».

Avant de se retourner, le vieux curé fit son signe de croix, pria de toutes ses forces et alors que ses glaouis lui remontaient dans la gorge, il se retourna. Gagné ! Encore un miracle ! Celui-là était bien blanc ! Mon Dieu ! Merci ! Quel grand Dieu !

– « Oui, mon fils. Et vous : Damian Hayllon, je présume ?  sourit-il béatement.

Vous présumez bien mon Père  sourit-il juste ce qu’il fallait pour lui être agréable juste comme il le fallait

Enchanté… ».

Le Père Paul descendit les quelques marches qui le séparaient du jeune homme et lui serra la main…pardon…je dois me laver les mains…pardon…c’est à cause du virus, les gestes barrières, tout ça !…j’ai tellement l’impression d’avoir les mains sales…quand je pense à tout ça, si je pouvais je me les couperais, vous savez !…Le virus, à cause du virus je veux dire….pardon, pardon…je m’égare encore une fois…ma vie n’est pas facile, vous savez.

– « Votre nom n’est pas courant, c’est de quelle origine ? 

Juive ».

Ah, mon Dieu ! Par tous les Saints ! Mon Dieu ! Le Père Paul faillit défaillir. Ses jambes faillirent se dérober sous lui. Ah, mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu !

– « In…rin-IIIN…intéressant… acquiesça le Père Paul, on y va ? 

Je vous suis »…tel le démon s’empêcha de d’ajouter ce jeune Damian dont le sourire s’élargissait de seconde en seconde.

Alors, ils discutèrent tous les deux dans cette vieille arrière cuisine du presbytère qui puait d’une drôle d’odeur que le jeune homme n’aurait pu définir. Mais qui puait…point barre. On ne va pas non plus tourner autour du pot. Ça puait, c’est tout ! Ne vous posez pas trop de questions ! C’est chiant quand vous faites ça ! En plus, ça diminue votre plaisir de lire ! Enfin moi je dis ça, c’est pour vous ! Parce que je me suis pas cassé le cul à écrire tout ça pour que vous vous torchiez avec les pages ! Mais là encore c’est pour vous que je dis ça. Moi je m’en fous si ça vous irrite le troufignard !

Le Père Paul, lui, lui posa plusieurs questions du genre : pourquoi était-il si vieux lorsqu’il était entré en formation même s’il était, encore, si jeune, néanmoins ? C’était qu’il avait eu une fille. Il avait dû s’en occuper quand sa maman s’en était allée sans prévenir. Et une fois qu’elle avait été suffisamment grande, il avait repris des études pour espérer pouvoir leur assurer une vie un peu plus confortable.

Le Père Paul acquiesça, même s’il s’en foutait royalement. Pourvu qu’il ne se mette pas à chialer ce drôle-là.

Mais pourquoi, grand Diable, voulait-il devenir infirmier car il ne l’était pas encore, non ? Si, si, il l’était. Et même diplômé, dites donc ! Et pourquoi le devenir ? C’était simple : aider les autres à sa façon. Et donc, grand Dieu, pourquoi postuler à cette place alors que partout on entend dire qu’on manque cruellement de personnels soignants, en particulier en cette période si troublée ? Simplement parce qu’il voulait être infirmier libéral, pouvoir soigner les patients à sa façon, pas en fonction de protocole stricts, anonymes et sans humanité.

Et le Père Paul continua et continua à lui poser mille et une questions dont certaines ne pouvait avoir de réponses qu’en ne les posant pas. Ben oui qu’est-ce que vous voulez que je vous dise moi ?! Hein ! Vous avez déjà passé un entretien d’embauche avec un con qui vous pose tellement de questions que vous ne savez plus quoi lui répondre ?! Non !…Putain de fils à papa, va ! Putaine de fille à maman, aussi ! Vous me répugnez ! Vous le savez ça ! Hein !…euh…c’est sans doute ce que j’aurai dit moi-même si je n’avais pas été un putain de fils à maman !…Prenez pas tout au pied de la lettre non plus ! Espèce de soupe-au-lait, va ! Vous m’énervez aujourd’hui !

Sur cette table, depuis tout à l’heure, un stylo, un Bic bleu, faisait des allers et retours entre eux, les quelques feuilles qu’avait devant lui le Père Paul et son cévé.

De plus en plus, ce foutu stylo tentait ce jeune homme qui, il ne savait pourquoi, l’aurait bien attrapé, d’un coup, comme ça. Il en aurait arraché le capuchon avec les dents, puis aurait chopé ce vieux con de curé par le peu de cheveux qui lui restait encore. Et, comme ça, d’un coup, juste pour voir qui se passerait, il aurait planté ce putain de stylo dans son putain d’œil de merde. Ainsi, aurait-il vu s’il était infirmier ou non et surtout s’il était compétent ou pas.

Mais le jeune homme n’en fit rien car taper dans la merde, se disait-il, cela ne servait généralement qu’à s’en faire éclabousser. Et lui, ses vêtements n’étaient pas souillés.

Alors il s’abstint, répondit d’une façon très cordiale et très polie à ce curé qui se prenait pour un pape. Il joua le jeu simplement et laissa le Père Paul jouer au sien.

Enfin, sa curiosité étant satisfaite et même si toute suspicion ne fut pas levée quant à ses drôles de motivations : vouloir aider à notre époque. Il y avait aiguille sous roche…et oui « aiguille sous roche » c’est d’un infirmier dont nous parlons…il est pourri le jeu de mot je sais ! Je suis crevé je vous l’ai dit ! Putain arrêtez d’être comme ça ! C’est dingue !…Bon allez si vous voulez on va dire qu’il y a aiguille dans la botte de foin !…euh…c’est pas comme ça qu’on dit ? Ce que vous êtes difficile aujourd’hui ! Vous avez passé une mauvaise nuit ?…Madame…n’a pas voulu faire joujou avec vous ? Vous pouvez tout me dire vous savez. Je vous écoute. Parlez-moi. Dites-moi tout. Je vous écoute. Allez lâchez tout…euh…pas sur mon livre, espèce d’andouille ! Faites ça aux cabinets !

Et tout ça sans compter qu’il était juif. Le Père Paul lui dit alors sans détour et franchement qu’il allait réfléchir. Il avait bien d’autres candidats à voir. En plus, il n’était pas le seul à décider dans cette affaire. Lui, il n’était que le limier, le fin limier oserait-il dire…eheheh ! Je suis pas le seul à faire des jeux de mots tout pourri ! Mais à lui vous ne dites rien ! Vous avez peur d’aller enfer ? Oh ! Pauv’ tite chose ! Mais vous y êtes déjà, espèce de glandu ! Vous aviez pas remarqué ?

Et il fallait aussi qu’il en parle avec les intéressées. Aussi tout cela l’obligeait-il à ne pas pouvoir lui apporter une réponse définitive quant à son recrutement. Mais il avait une très bonne candidature, cela ne faisait aucun doute…et surtout que c’était le seul…mais bon bref…

Ils se remercièrent mutuellement, cordialement, agréablement…chacun pensant de l’autre qu’il n’était qu’un pauvre connard de merde…et se quittèrent bien aimablement.

Dans les jours qui suivirent…et oui le Père Paul n’allait pas lui laisser supposer qu’il était le seul candidat à avoir été reçu ni à lui ni à la vieille et à sa fille, pas fou le salopiot !…il décrocha son bigophone et appela ce jeune homme, tel l’ange Gabriel, pour lui annoncer la bonne nouvelle…bon c’est sûr lui il ne pouvait pas se faire avorter, lui !…Je dis ça, je dis rien !

Et là, aussitôt dans toute la région du nord au sud et de l’est à ouest, un vent glorieux soufflant d’agence en agence apporta ces grandes paroles : « OH ! PUTAIN ! J’Y SUIS ARRIVEE ! PUTAIN ! J’EN AI PLACE UN ! ».

Ce soir, une conseillère des Pôles et des Bois rentrera chez elle en héroïne. Fière, forte et toute puissante. Elle seule y serait parvenue, elle seule en était capable. Omnisciente. Alors elle chopera son copain/copine, son mari/femme, son compagnon/compagne, son amant/amante par le col de la chemise/chemisier. Putain ! Alors, elle lui arrachera le pantalon et lui bouffera le roudoudou…qu’il soit situé à l’intérieur ou à l’extérieur…anatomiquement bien sûr…ou même s’il est en plastique…malheureusement. Au moins durant ces quelques minutes, sa bouche ne serait pas remplie que de conneries.

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