Conte 5 : Belinda Laddhyn et la Torche Magique – 5ème Partie

10 mins

Un jour, cette saleté de distributeur refusa de lui donner son café de l’après-midi et l’autre con derrière, il allait bien se foutre de sa gueule. Ce pauvre connard. Elle en avait marre de cette putain de vie. Rien ne marchait. Rien n’allait pour elle. Elle n’avait que de la merde. Et bientôt, elle n’aurait plus rien du tout. Plus le droit de rien. Elle n’aurait même plus le droit de se prendre un putain de café sans demander la permission. La plupart du temps, tout ça la foutait en colère. Mais aujourd’hui…pas aujourd’hui.

Elle passa alors, sa colère, sa frustration, sur cette machine qui refusait obstinément de lui donner cette saleté café.

– « Putain de machine de merde ! » se grogna-t-elle entre les dents avant de s’en aller sans son café avant que l’autre connard ne se foute complètement de sa gueule.

Elle sortit alors à l’extérieur, histoire de prendre un peu l’air, un peu de distance avec tout ça. Elle s’assit sur un petit muret. C’était un jour comme ça. Un jour où elle s’apitoierait sur son pauvre petit sort avant de se dire que, de toute façon, elle n’avait pas le choix et d’essayer de rependre une vie à peu près normale. Une vie qui n’était de toute façon qu’une illusion elle aussi. Elle devait arrêter de se voiler la face. Elle n’aurait jamais rien. Rien de tout ce qu’eux tous pouvaient avoir. Rien de tout ce qu’eux avaient le droit d’avoir. Elle n’avait le droit de rien, elle. Et elle n’aurait jamais le droit de rien.

Là, ce pauvre connard arriva vers elle deux cafés à la main.

– « Tenez, j’ai…[il la regarda en lui tendant le gobelet de café. Elle le leva les yeux vers lui]…je n’ai pas mis de poison dedans vous pouvez être tranquille.

Ça m’arrangerait ! » se murmura-t-elle assez fort pour qu’il l’entende tout en prenant ce gobelet en en buvant une gorgée, sentant son cœur qui frappait fort dans sa poitrine.

Il resta là comme un imbécile sans vraiment savoir s’il devait rester ou pas. Il attendait quoi. Durant ces quelques secondes, elle sentit son regard sur elle. C’était bizarre et en même temps agréable. Il ne la regardait pas comme un objet juste comme une personne. Elle n’osa plus lever les yeux vers lui. Elle préféra l’ignorer et retourner à ses sombres pensées. Et comme elle s’acharnait à l’ignorer, alors il tourna les talons. Mais tout à coup, il s’arrêta et se retourna vers elle.

– « Si je peux me permettre, vous allez bien ?

Remonter le temps vous pouvez !?  lui lança-t-elle

– J’ai laissé ma Delorean chez moi mais si vous en avez besoin je vous la prête, faudra juste faire le plein avant de la ramener ! 

J’ai pas vraiment envie de rire, là !

Je ne sais pas ce qui vous arrive mais…ça va bien finir par passer.

– Vous êtes Medium ! 

Non, mais j’ai été assez souvent dans la merde pour le savoir…écoutez, je sais bien qu’on ne se connait pas et qu’on n’est pas parti du bon pied tous les deux et je ne sais même pas si j’ai le droit vous dire ça mais…je ne crois pas me tromper en disant que quoi qu’il vous arrive vous êtes capable de l’affronter…[elle soupira en avalant une gorgé de son café, Monsieur du Courrier du Cœur !]…peut-être que je me trompe. Mais franchement je ne crois pas. Vous êtes plus forte que vous ne le croyez…[elle leva les yeux vers lui]…ça se voit…bon pas là comme ça…mais quand on se croise et que vous avez ce regard de tueuse en série qui doit se retenir pour ne pas m’arracher la tête croyez-moi, là, ça se voit…même si je ne crois pas que ce soit la tête que vous vouliez m’arracher…[elle esquissa un léger sourire]…vous voyez !…Je vous laisse tranquille »

Merci.

De quoi !…Vous rendez pas malade pour ce qui vous arrive ça ne sert à rien, croyez-moi je suis spécialiste de la question ».

Les jours se suivirent. Ils se croisèrent encore à la machine à café échangeant simplement un furtif sourire puis un minuscule « bonjour » puis quelques mots parfois, quelques sourires puis discutèrent ensemble durant leur pause.

De plus en plus, elle comme lui attendaient l’heure des pauses du matin et de l’après-midi durant lesquelles ils pourraient discuter de tout et de rien parfois sous le regard moqueur de cette Nadya qui ne pouvait s’empêcher de sourire.

Un jour, bien sûr, boire un café en vitesse devant un distributeur ne leur suffît plus. Lui se demanda comment il pourrait faire, comment il allait faire avec sa gamine. Il ne pouvait pas l’inviter directement chez lui. Et il était hors de questions de laisser Amanda seule chez eux. En plus, comment lui dire que son papa allait sortir avec une dame, cela faisait des années que cela ne lui était plus arrivé. Elle aurait peut-être du mal à comprendre. Elle lui en voudrait peut-être.

Elle, elle se demandait ce qu’il penserait si c’était elle qui faisait le premier pas parce qu’il n’était pas du genre des hommes qu’elle avait pu rencontrer avant, ça se voyait. Si cela avait été le cas, il aurait joué au plus grand des héros pour qui elle était la plus belle des femmes qu’il n’avait jamais vue rien que pour tenter de la sauter. Mais ce n’était pas son genre. Il y avait bien quelque chose en lui qui l’intriguait mais…il n’était pas ce genre d’homme. Même si elle était sûre qu’il y avait déjà pensé puisqu’elle aussi. Et souvent même.

Comme lorsque l’eau de sa douche du soir ruisselait sur sa peau cuivrée. L’odeur vanillée de son shampoing et du gel douche, avec lequel elle se lavait, parfumait toute sa salle de bain. Elle sentait ses mains parcourir son corps, la mousse crépiter sur sa peau, l’eau glisser sur son cou, sur ses seins, entre ses seins, sur son dos, sur ses fesses. Parfois, elle s’imaginait qu’il était là avec elle, sous cette douche, que ses propres mains étaient les siennes. Qu’elles la caressaient comme elle se caressait en se savonnant. Elle sentait alors son sexe s’ouvrir, cette irrésistible sensation qui, parfois, l’envahissait. Elle s’imaginait alors qu’il était là contre elle. Elle sentait sa chaleur, ses lèvres contre les siennes. Son torse contre ses seins. Son ventre contre le sien. Son sexe durcir contre le sien. Elle avait l’impression de le sentir se serrer contre elle. Elle avait l’impression de sentir ses mains parcourir son corps, la caresser, caresser son dos, ses hanches, son ventre, remonter jusqu’à ses seins. Puis descendre doucement jusqu’à son sexe. Sentir sa main sur son clitoris, le caresser de petits mouvements circulaires tandis que sa langue entrait doucement dans sa bouche caressant la sienne, s’enroulant autour de la sienne. Elle se sentait sa respiration se faire plus rapide, elle sentait son désir grandir. Elle avait l’impression de sentir sa main sur son sexe. Elle laissait alors généralement son propre doigt la pénétrer. Puis elle se caressait de nouveau le clitoris, écartant ses lèvres, le frottant de plus en plus fort, laissant son doigt la pénétrer de plus en plus rapidement. Elle sentait son cœur battre plus fort, sa respiration s’accélérer encore. Elle se retenait alors de gémir sous les assauts de sa main et de son doigt. Elle sentait grandir en elle cette douce sensation alors qu’elle faisait tourner son doigt en elle, le frottant contre les parois de son vagin. Son ventre gonflait et rentrait. Elle se mettait alors à pousser de petits gémissements tandis que son envie de jouir grandissait. Elle caressait alors de plus en plus rapidement son clitoris, son doigt la pénétrait de plus en plus rapidement. Elle se retenait de jouir. Pas tout de suite. Pas encore. Elle gémissait. Et ses gémissements ne l’excitaient que davantage. De plus en plus fort, elle agitait la main sur son clitoris. L’eau qui coulait sur elle, sur ses seins, sur son ventre jusqu’à sa main, dans son dos, sur ses fesses, ne faisait que l’exciter davantage. Elle n’en pouvait plus. Elle s’écarta alors ses lèvres et se laissa jouir. Elle vit le jet sortir d’elle. Elle glissa une dernière fois son doigt en elle, caressa, doucement, encore un peu son clitoris gardant encore un peu de cette sensation en elle qui, doucement, s’évapora le temps que sa respiration redevienne normale.

Généralement, elle prenait ensuite le flacon de gel douche, en versait quelques gouttes dans sa main et lavait son sexe sentant cette douce odeur de gel douche autour d’elle. Puis, elle y passait, délicatement, le jet d’eau pour se rincer. Elle aurait tellement voulu qu’il soit là encore, avec elle.

Ce midi-là, elle le rejoignit au restaurant où il l’avait invitée. Ce n’était pas le genre de restaurant où on allait en jeans et baskets. Le cadre était intime presque romantique même pour un midi. Lorsqu’elle se présenta à la réception, une serveuse en costume impeccable l’accompagna à sa table après avoir pris son long manteau. Il était déjà là, bien habillé. Il l’attendait sans rien d’autre qu’un verre d’eau devant lui. Lorsqu’elle passa dans cette salle, elle regarda tout autour d’elle. Les tables étaient très joliment décorées, les murs ornés de tableau, le sol brillait comme un miroir, les gens qui étaient là était pratiquement tous habillés en costume cravate ou en tailleur. Elle se demanda comment quelqu’un comme lui, qui n’avait pas un sou, pouvait se payer cet endroit. Lorsqu’il la vit arriver un sourire se dessina son visage, comme sur le sien à elle. Il se leva.

Ils parlèrent, commandèrent, mangèrent, discutèrent de tout, de rien, rigolèrent, évoquèrent des souvenirs. Lui parla de sa fille, elle de son enfance à la campagne. Personne n’aurait pu alors dire, dans ce restaurant, que quelques semaines plus tôt, ils s’étaient envoyés balader et s’ils l’avaient pu, ils se seraient volontiers étripés.

Ce moment effaça un court instant le fait qu’un jour, dans peu de temps tout en elle mourait.

Après un café qui se termina bien trop vite, ils allèrent marcher un peu alors que la neige commençait à tomber. Elle s’arrêta et regarda un flocon flotter devant elle, tomber dans sa main et le regarda y fondre. Lui, il la regarda, elle.

Il n’avait jamais vu combien elle était belle avant aujourd’hui, elle sentait tellement bon. Et ce n’était pas que son physique, que son regard ou ses yeux d’un marron presque noir ou même son visage. Il ne l’avait jamais vue comme il la voyait aujourd’hui, à ce moment-là. C’était aussi et surtout cette douceur qu’elle avait en elle, dans sa façon de parler, dans son sourire, dans son regard, dans chacun de ses gestes. Elle contrastait avec ce qu’il avait pu voir d’elle quelques temps plus tôt. Jamais il n’aurait imaginé qu’elle pouvait être aussi douce, aussi gentille, aussi calme. Et il y avait cette force et cette tristesse qui émanaient parfois de son regard. Son sourire était incroyable. Il n’avait jamais ressenti ça. Il n’avait jamais ressenti cette envie pratiquement irrépressible de la prendre dans ses bras et de l’embrasser. De véritablement l’embrasser elle. Rien qu’elle.

Il dut alors rassembler toutes ses forces et toute sa volonté pour ne pas le faire, pour se contrôler. Elle leva les yeux vers lui. Son sourire illumina son visage. Ils se remirent à marcher sans un mot. Ils se promenèrent dans le centre-ville croisant badauds et autres quidams qu’ils ne virent pas, regardèrent quelques vitrines de magasins pour faire en sorte de prolonger ce moment. Puis, ils continuèrent jusqu’à chez elle.

Lorsqu’ils arrivèrent au bas de son immeuble. Elle se tourna vers lui.

– « On y est sembla-t-elle regretter de déjà y être.

– Tu t’es pas trop ennuyée ? Je suis pas quelqu’un qui parle beaucoup. J’ai plutôt l’habitude d’écouter une petite fille de six ans…je sais bien que ça aurait été mieux de sortir un soir mais…

Non, t’inquiètes pas. J’ai passé un bon moment. Et je te l’ai dit je sais que tu as une fille…je comprends tout ça.

– Ok…ok… ».

Il savait que le moment de l’embrasser était arrivé. Autrement elle tournerait les talons et ce serait foutu. C’était l’une des choses les plus difficiles qu’il eut à faire. Il ne s’agissait que d’un pas vers elle. Un simple pas. Mais cela lui foutait une trouille indescriptible. C’était tellement dur.

– « Bon… je vais te laisser rejoindre Amanda elle doit attendre son papa…

Elle voudra tout savoir…

Je me doute…alors ?…On se voit lundi…à la machine à café  dit-elle sans vraiment s’en aller.

–  Ok  acquiesça-t-il.

Ok…A lundi, alors » se dit-elle voyant qu’il ne bougeait pas.

Elle se tourna pour commencer à marcher vers l’entrée de son bâtiment. Il ne fit que la regarder s’en aller, s’éloigner. Là, la plus grande des peurs l’envahit alors. Il ne l’avait pas embrassée. Il était en train de laisser passer sa chance, leur chance. Elle se retourna vers lui qui la regardait

– « Belinda !…[elle s’arrêta. Il s’avança d’un coup vers elle pour la rattraper]…me frappe pas, s’il te plait ».

Il la prit alors dans ses bras, se serra alors contre elle, effleura ses lèvres des siennes, leurs regards se capturèrent l’un l’autre. Et ils s’embrassèrent.

Ce baiser ne fut pas le plus long ou le meilleur qu’ils partageraient. Mais il effaça tout ce qu’il y avait autour d’eux. Durant ce court instant, il n’y eut plus qu’eux. Seuls.

Doucement, il se recula d’elle, ses yeux dans les siens. Elle regardait, ce n’était pas le plus beau des hommes, le plus grand, le plus fort, le plus intelligent. Mais il avait ce don de la mettre dans tous ses états. Et c’était pire maintenant. Elle tremblait de partout. Son cœur allait exploser tout comme sa petite culotte. Elle avait l’impression un foutu tyrannosaure était subitement né dans son ventre et que, maintenant, il cherchait à en sortir par tous les moyens. Elle avait l’impression qu’elle allait tomber dans les pommes. Et pourtant elle ne s’était jamais sentie aussi bien que là, à cet instant.

Lui, il ne pouvait pas s’empêcher de la regarder, son visage, son sourire, ses yeux. Son cœur frappait dans sa poitrine. Il sentit tout à coup ses mains trembler, ses bras, et tout son corps. Et lorsqu’elle se serra contre lui, qu’il referma ses bras sur elle, qu’il se serra contre elle, tout s’effaça.

Elle leva la tête vers lui.

– « Tu…tu…tu veux monter ? lui demanda-t-elle, la gorge nouée.

Je…oui…non…bien sûr que oui…je…c’est pas ça…c’est pas que j’ai pas envie tu sais…c’est pas ça, tu vois…mais…non…mais non…je…attends je vais me calmer un peu là parce que…je vais tourner de l’œil…[il ferma les yeux, souffla. Elle sourit]…c’est pas que je n’en ai pas envie, c’est pas ça…mais…tu sais, je veux plus que ça…que…monter avec toi, tu vois…je dis pas que j’en ai pas envie, ou que j’y ai jamais pensé mais tu sais… 

Tu veux plus que ça . Il acquiesça.

C’est toi…c’est toi que je veux, tout toi pas juste…je veux dire…si on passait la nuit ensemble demain matin je serai incapable de te préparer ton petit déjeuner parce que je ne sais pas ce que tu prends ou même si tu prends un petit déjeuner tu vois…on ne se connait pas. Ben…c’est sûr qu’on ne va pas attendre des années mais…je crois qu’il faut quand même se connaitre un minimum avant de…tu vois…et puis…ce qui se passe entre nous c’est une chance, une vraie chance et…il ne faut pas la gâcher…je veux pas la gâcher, c’est con ce que je dis hein ? 

Non, c’est pas con, je comprends ce que tu veux dire. Et t’es bien le premier à me dire tout ça tu sais…je…t’es pas comme les autres. Et…je sais pas comment tu fais pour me foutre autant la trouille et en même temps me donner autant envie de t’embrasser…bon j’ai aussi envie de t’en coller une mais…il y a une chose de sûre c’est que t’es pas comme la plupart des mecs.

Je suis pire tu verras…tu vas probablement te sauver quand tu t’en rendras compte.

Je crois pas ».

Elle posa alors sa main sur son visage et tandis qu’elle caressait sa joue, elle vit son visage changer comme s’il avait été touché par la grâce ou par un ange. Elle n’était pas un ange, loin de là, mais pour lui elle l’était. Déjà. Elle l’embrassa alors comme elle n’avait jamais embrassé un homme. C’était le genre de baiser dont on ne veut pas qu’il s’arrête. Jamais. Celui qui vous fait comprendre que l’autre est celui ou celle qui vous complète, celui qui comble tous les vides, celui qui efface tout ce qui vous a blessé ou meurtri, celui qui répare les choses cassées en vous.

Et ce moment fut le premier qu’ils passèrent véritablement ensemble.

De longues minutes plus tard, qui, pour eux, n’avaient été que quelques secondes, elle se recula de lui. Il avait ce regard sur elle. C’était elle qu’il regardait et rien qu’elle. Et cela lui donna la chair de poule.

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