Conte 6 : Premier Commandement – 9ème partie

7 mins

Les hommes des véhicules noirs, ces mercenaires, attendaient. Aucun mot n’était échangé entre eux. Ils guettaient l’horizon concentrés, prêts, le doigt à quelques centimètres de la gâchette.

Enfin, la portière arrière du SUV central s’ouvrit. Un homme en costume de bonne coupe en sortit rangeant son portable dans la poche intérieure de sa veste. Aussitôt, les mercenaires se positionnèrent autour de lui. Tout à coup, il y eut un grondement sourd, brutal, mécanique qui fit trembler le sol.

Alors qu’ils allaient se diriger vers le vieil entrepôt, ces hommes se fixèrent, observèrent ce qui se passait. L’homme en costume se tourna à son tour vers ce grondement. Au loin se dessina lentement, doucement, sûrement, une faible lumière blanche et froide. Tous alors furent comme hypnotisés par cette lueur qui devint de plus en plus de forte, de plus en plus intense jusqu’à devenir éclatante, aveuglante. Tous alors surent.

Aussitôt, trois ou quatre hommes se précipitèrent vers celui en costume, l’emmenèrent aussi vite, à l’intérieur du vieux bâtiment. Les quatre ou cinq autres prirent position derrière leurs véhicules. Ils pointèrent le canon de leur fusil mitrailleur vers cette lumière, attendirent et attendirent encore.

Là, d’un coup, brutal, infernal, un bruit tonitruant, une sirène grave, froide leur vrilla les tympans.

Vomissant de la fumée noire par ses pots d’échappement, un vieux camion benne leur fonçait dessus à pleine vitesse. Ses pleins phares les aveuglèrent. Les mercenaires tirèrent. Son moteur ronflant leur donna l’impression que tout autour d’eux tremblait. Malgré cela, ils firent feu sans discontinuer. Les flashs de leurs armes illuminaient tout. Les balles ricochèrent sur son métal rouillé. Mais le camion benne leur fonça droit dessus sans dévier ni basculer.

Derrière son volant, bien que les balles étincelaient sur le capot du camion, ricochaient sur ses ailes, cassèrent l’un de ses rétros encore en bon état, celui qui avait eu cette idée s’en donnait à cœur joie.

Le camion fonçait. Les mercenaires tiraient. Celui qui était au volant rigolait et s’amusait. Bien vite, les mercenaires se rendirent compte que leurs tirs et leurs balles ne stopperaient pas ce monstre de métal qui leur fonçait dessus.

Tirant et beuglant, ils commencèrent à reculer et reculèrent. Comme s’il avait bondi hors de cette lumière, le camion arriva sur eux. Ils se jetèrent sur le sol, s’écartèrent, s’en protégèrent. Le camion percuta leurs véhicules. Il les projeta dans les airs comme de simples ballots de paille. Ils s’enflammèrent, explosèrent tournoyant dans les airs, retombèrent sur le sol écrasant les flammes qui les dévoraient projetant des morceaux d’aciers brulant et de plastiques flambant.

Le camion fonça encore droit devant lui, défonça la façade du vieil entrepôt qui sembla éclater sous l’impact. Certaines parties s’écroulèrent, s’en projetèrent sur les hommes et les femmes qui fuyaient, sur le sol. Le camion continua à foncer parmi eux, entre eux, sous le feu des hommes des miradors, de ceux des passerelles, de ceux, haletants, qui arrivaient en courant.

Le camion fonça et fonça droit devant comme un camion fou que même les tirs soutenus qui le trouaient de toutes parts ne pourraient arrêter.

Brusquement, brutalement, il happa l’un des véhicules encore stationnés à l’intérieur. Il le frappa fort, violent. Le véhicule fut projeté en arrière comme une toupie, termina sa course en tonneaux. Le camion fut déséquilibré par l’impact, dérapa. Ses roues se décollèrent du sol. Et tel un colosse dont on venait de casser le genou, il frappa le sol, s’y coucha, glissa, le moteur ronflant, crachant sa vapeur d’eau sous les tirs et les cris.

Quelques secondes plus tard, le moteur commença à avoir des ratés et d’un coup flancha. Il prit feu. Le monstre couché, les tirs stoppèrent. Les hommes de cet entrepôt et les mercenaires s’avancèrent sur leur garde, prudents, prêts. Ils concentrèrent toute leur attention sur ce camion, sur sa benne.

Tout à coup, tel un coup de tonnerre, un coup de feu résonna. La tête de l’un des mercenaires en éclata. Tous se retournèrent. Tous tirèrent sur les hommes masqués à découvert qui venaient d’entrer. Les tirs s’échangèrent. Les balles frappèrent le sol, les poutres, les véhicules, les tas de ferrailles rouillés et de déchets. Les hommes masqués avançaient. Les mercenaires reculaient. Des hommes tombaient frappés, déchirés, lacérés.

La surprise passée, les mercenaires commencèrent à reprendre la main sur les hommes masqués qui venaient d’entrer. Tout à coup, l’un d’entre eux, dont les mains tremblées, fit tomber le chargeur de son arme en essayant de la recharger, le ramassa et d’un coup, se mit à hurler. Certains se retournèrent vers lui juste le temps de voir son regard s’écarquiller.

Une sorte d’aura ocre se dessina autour de lui comme si son corps se retrouvait enveloppé par la chaude lumière d’une bougie qui se propageait en filaments sur lui et au-delà de lui. D’un coup, il prit feu. D’un coup, l’homme qui était derrière le volant du camion surgit des cocktails Molotov à la main. Il les balança sur les mercenaires et les hommes de cet entrepôt. Certains prirent feu et se transformèrent en torches humaines hurlantes tandis que les tirs claquaient partout sur tout, déchirant le sol, claquant contre les poutres, trouant les véhicules et les hommes.

De leur côté, Carole et l’ombre les regardaient se battre. D’un coup, l’ombre sentit un bras venir l’enserrer, la soulever du sol comme si elle n’était rien et la serrer incroyablement fort. Elle se débattit. Carole tenta de se jeter sur celui-là s’en prendre garde à l’autre derrière elle qui l’attrapa au vol. Elle, aussi, se débattit. L’ombre réussit à s’extirper de l’emprise du garde, tenta de la frapper. Il bloqua son poing, la frappa du revers du sien. L’ombre tomba. Son visage claqua sur le sol, sa joue se râpa sur les morceaux de verre et de métaux.

Carole, comme l’ombre, se débattit comme une folle furieuse prise de soubresaut. Le second garde la tenait fermement. Il la plaqua, la claqua contre un amas de palette. Une première fois. Fort. Brutal. Une deuxième. Violent. Acharné. Carole fut sonnée.

Sa respiration saccadée souleva des volutes de poussière brune. Mais aussi vite, l’ombre se releva serrant quelque chose dans sa main. Aussitôt debout, elle lui envoya de nouveau un coup de poing qu’il bloqua comme l’autre, lui tordit la main, le bras. Il lui envoya un coup de boule. L’ombre l’encaissa.

Le second garde recula d’elle, à demi nue, pratiquement offerte. Il se jeta sur elle, se mit à lui lécher le visage, frénétique. Fanatique, il pressa son sein dans sa main. Carole sentit sa langue râpeuse lui parcourir le visage, sa main broyer son sein, l’autre glisser entre ses cuisses. D’un coup, elle sursauta, revint à elle. Elle poussa de toutes ses forces sur ses jambes, le repoussa. Il glissa sur quelques centimètres. Il allait revenir à la charge. Carole attrapa l’une des lames de bois de la palette sur laquelle elle était allongée. Elle l’arracha, l’en frappa.

Instantanément après, il sentit un truc froid s’enfoncer dans sa jugulaire. L’ombre tenait serrer dans son poing fermé entre son index et son majeur le clou qui avait transpercé le pied de Carole quelques minutes plutôt. Il recula tenant son cou d’où le sang jaillissait comme d’un tuyau percé. L’ombre en recula, le regarda s’affaler sur le sol.

La lamelle de bois cogna si fort contre sa tête qu’elle se brisa. Ce garde resta là, debout, devant Carole. Il ne bougea plus, paralysé, laissant son sang ruisseler de son œil crevé vers sa mâchoire démise. D’un coup, il bascula. D’un trait, il percuta le sol.

L’ombre se précipita vers Carole, l’aida à descendre de ces palettes. D’un coup, elle hurla. Son sang gicla sur le visage de l’ombre. Elles se mirent à couvert juste avant qu’une seconde rafale de balle ne fasse éclater le bois des palettes. L’ombre regarda l’épaule de Carole. Ce n’était rien, la balle était ressortie. L’ombre porta les mains à sa ceinture. Mais ses deux parabellums n’y étaient pas. Elle grogna. Les rafales de balles sifflaient autour d’elles plus présentes, plus précises comme les cris et les beuglements. Elles ne pouvaient pas rester là.

– « On bouge ! » lui cria l’ombre en la tenant par la taille.

Elles se mirent à courir vers ce local d’où elles étaient sorties, ce qui leur sembla être un siècle plus tôt. Elles y entrèrent pour s’y mettre à couvert.

L’homme masqué aux côtés de Damian les vit du coin de l’œil. Tandis qu’il faisait feu, il lui fit signe. Et à la manière d’un commando, il cria :

– « Bougez ! ».

Tous les suivirent tirant, arrosant les hommes devant eux, qui tombaient comme dans un shoot them up, comme dans l’un des jeux vidéo qu’affectionnait Amanda.

– « Putain ! On se croisait dans Call of Duty, les mecs ! » s’écria l’un d’eux.

Les mercenaires leur tiraient dessus. Leurs balles ricochaient à leurs pieds, autour d’eux. Sur l’un d’entre eux. La rafale de balle le percuta en pleine poitrine. Il tomba laissant virevolter au-dessus de lui les pluches arrachées à sa combinaison noire et à son gilet pare-balles. L’homme masqué le traina sur le sol tandis qu’il hurlait. Il beuglait comme un âne égorgé autant qu’il gueulait tous les putains de noms d’oiseaux qu’il connaissait.

– « Tu te crois toujours dans Call of Duty, pauv’ con ! 

Lâche-moi putain ! »

Il se remit sur ses jambes et se remit à tirer. Son gilet pare-balles l’avait protégé.

Enfin, ils arrivèrent à ce local où ils entrèrent chacun à leur tour. Le dernier bloqua la porte et descendit l’escalier branlant alors que les balles en trouaient les cloisons, se brisant en milliers d’étincelles ocre.

Sur leur garde, ils se rejoignirent tous au centre du corridor bétonné empli par les effluves d’essence.

– « Ça va ?… leur demanda Damian.

Ça va répondirent Carole et l’ombre en chœur, euh…elle tu…ok ajouta l’ombre.

Vous deux ! 

Ça va, elle aura un trou de plus ! 

Ok » soupira Damian, de cet hasardeux jeu de mots.

Il appela deux des hommes qui étaient avec lui, leur demanda de trouver une issue. Sans discuter, ils s’exécutèrent. Les autres dehors ne tarderaient pas à entrer.

L’homme masqué regarda sur toutes les coutures celui qui s’était fait tirer dessus. Il n’avait rien. Et c’était tant mieux.

– « Me p’lotes pu toi, putain ! ».

Tandis que là, ils se préparèrent, réarmèrent leurs armes, rendirent les parabellums qui avaient tant manqué à leur propriétaire et en donnèrent une à Carole, les deux autres cherchaient un passage dans ce corridor. Ils passèrent par la même le porte que l’ombre avant eux, ouvrirent le premier box de stockage. Et là ils n’en crurent pas leurs yeux. Ni leur caleçon. Ils se hâtèrent alors d’ouvrir les autres.

Quelques minutes plus tard, l’un des deux revint alors, tout excité, au bout de ce corridor.

– « Les mecs ! Vous devez voir ça ! ». Tous se retournèrent vers lui. « Allez ! ». Tous se précipitèrent à son commandement.

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