Conte 7 : Le Retour de la Reine – 10ème Partie

6 mins

Damian comptait passer cette soirée-là et la nuit qui la suivrait, comme beaucoup d’autres à partir de maintenant, à retourner tout ça dans sa tête, à cogiter au point que ses oreilles finiraient, certainement, par en prendre feu. Mais…

Alors qu’il regardait les étoiles, scintillantes dans un ciel tellement noir et dégagé, son portable sonna, comme par le plus grand des hasards largement prévisible.

– « Fais chier ! Putain de merde ! Fais chier ! » se grogna-t-il sans même regarder l’écran de ce téléphone. Il savait que ça arriverait. Pas aussi vite. Mais il savait que ça allait arriver. Ça ne pouvait pas en être autrement. Et putain ce que ça faisait chier !

Il se passa plusieurs secondes avant qu’il ne daigne le prendre et en regarder l’écran. Il soupira et répondit :

– « Bel…? 

Dam…Damian…Damian…te plait. Amanda…j’lai pas, j’lai pas Amanda…te plait répétait-t-elle sans cesse, la voix pratiquement inaudible, la respiration saccadée…

J’arrive ».

Il soupira. Les dés en étaient jetés, la vie venait de décider de ce qui adviendrait. Et putain, ce que ça pouvait faire chier le monde, ce bordel de merde !

Il se leva de son fauteuil, rentra chez lui, prit ses clefs de voiture. Amanda se précipita vers lui.

– « J’ai entendu ton portable… ? 

C’était Belinda.

Je viens avec toi !

Certainement pas ! Tu restes ici !

– Tu veux parier ?

Tu m’emmerdes Amanda ! Tu le sais ça, hein ?!

On se laisse emmerder par ceux qu’on aime les autres on les envoie chier !  lui lança la jeune fille avant de courir vers leur voiture.

Ce que je peux en avoir marre de cette putain de vie de merde ! Ce que je peux en avoir marre ! Putain !… se soupira-t-il avant d’aller la rejoindre j’aurai mieux fait de prendre un chien ! ».

Une bonne dizaine de minutes plus tard, tous feux éteints, ils arrivèrent en vue de la ferme de Belinda. Arrivés devant cette maison où toutes les lumières étaient allumées, Damian se gara dans la pénombre de la forêt attenante. Aussitôt, Amanda bondit hors de la voiture et se précipita à l’intérieur.

Damian regarda autour de lui. Heureusement, il était tard et les plus proches voisins étaient à bien deux bornes d’ici. Et à part les lumières de cette maison aucune autre ne venait éclairer la noirceur de cette nuit. L’avantage de vivre à la campagne.

A son tour, il se dirigea vers cette maison, y entra.

– « Papa ! » l’appela alors Amanda.

Il se précipita vers elle. Il entra dans la cuisine, jonchée de morceaux de légumes. Ses yeux passèrent sur le salon retourné, éclairé par de vieilles ampoules à filaments qui lui donnaient cet aspect vieillot et cette atmosphère aux tons ocre. Là, son regard se posa sur le corps du mari de Belinda qui gisait au sol, la joue et le crane ouverts, baignant dans un sang tellement noir. Il alla prendre son pouls. Il n’en avait plus.

Puis, il se dirigea vers Amanda agenouillée aux côtés de quelqu’un qui avait dû être, jadis, Belinda, mais qui, à ce moment-là, n’avait plus visage humain.

– « Fais pour elle ce que tu as fait pour moi…je t’en supplie, sauve-la, Papa ».

Belinda leva les yeux vers lui. Pétrifié, il la regarda et peina à la reconnaître. Un gigantesque hématome violacé lui dévorait la moitié du visage. Le sang ruisselait de son nez jusqu’à sa bouche. Ses lèvres étaient fendues et étaient tellement gonflées que l’on aurait dit qu’elles allaient exploser. Son œil gauche était à moitié fermé et enflait de seconde en seconde. Ses vêtements étaient en partie déchirés et laissaient entrevoir sa maigreur, les bleus qu’elle avait partout sur le corps.

Il sentit alors naître en lui une colère comme jamais il n’en avait ressenti, une peur comme jamais il n’en avait éprouvé, une souffrance comme jamais il n’en avait enduré. Il se laissa tomber à genoux devant elle, la regarda. Il la prit alors délicatement dans ses bras.

– « Pardonne-moi de t’avoir abandonnée…pardon…[elle leva les yeux vers lui. Il n’osa alors pas caresser son visage tellement il était déformé par la douleur]…c’est toi, ça a toujours été toi et ce sera toujours toi, tu le sais ».

Sa tête tomba doucement contre sa poitrine. Amanda hurla alors son nom. Damian prit son aussitôt pouls. Elle s’était évanouie.

Damian demanda à sa fille de lui trouver une couverture et quelque chose à placer sous sa tête. Il la prit alors dans ses bras et releva du sol. Il la porta jusqu’à la table de cuisine sur laquelle il l’allongea délicatement.

Et maintenant ? se demanda-t-il la regardant. Il ne pouvait pas la perdre, pas encore une fois. Il devait agir vite. Mais de quelle façon ? Il l’ignorait. Il était totalement incapable de réfléchir, incapable de penser à autre chose qu’à sa colère, qu’à la souffrance qu’elle avait dû endurer à cause de lui. Incapable de penser à autre chose qu’à sa propre connerie, incapable de penser à autre chose qu’à elle. Il aurait pu lui éviter tout ça. Si facilement. S’il l’avait cherchée au lieu de s’apitoyer sur son sort de merde, au lieu de lui en vouloir. S’il ne l’avait pas fait, elle ne serait pas dans cet état aujourd’hui. Elle ne serait pas à moitié morte sur cette putain de table. Et il était incapable de penser, de bouger, de prendre la moindre décision. Il aurait tellement voulu être à sa place, prendre sa place, que ce soit lui sur cette table. Il n’arrivait plus à penser à autre chose. Il était aveuglé par la souffrance de la voir endurer tout ça et sa colère de ne pas avoir su l’en empêcher.

Amanda revint alors avec une couverture et deux oreillers qu’elle plaça délicatement sous sa tête et la couvrit.

Elle regarda alors son père. Elle ne l’avait alors jamais vu comme ça. Son visage, son regard était rempli de colère et haine autant que de souffrance et d’envie de vengeance qu’il ne pourrait assouvir.

Il fallait faire quelque chose. Ils ne pouvaient pas rester comme ça sans rien faire. Belinda n’allait pas pouvoir attendre que son père trouve la force en lui de réagir. Elle fit alors la seule chose à faire : elle appela à l’aide. Elle appela sa famille.

A peine quelques minutes plus tard, tous arrivèrent. Les garçons d’abord : Bastien, surnommé Baz aujourd’hui et hier Bastide, Mickaël-Louis dit Milo, Moussa, le p’tit Moustik qui pique comme il le répétait à l’envie et le plus vieux d’entre eux, Grégory toujours surnommé Gunz. Ensuite, Nadya, portant sa mallette de soins, qui se précipita à l’intérieur de cette maison suivie de sa compagne Katy aujourd’hui mais que tous appelaient, jadis, Tika.

Tous se réunirent autour d’Amanda, de Damian et de Belinda, qui n’avait jamais cessé de faire partir de leur famille. Encore plus là, comme ça. Peu leur importait ce qu’elle avait fait ou pourquoi elle était partie. Elle avait besoin d’eux et ils étaient là.

Tandis que Nadya et Katy s’occupaient de Belinda et d’Amanda, Gunz et les autres garçons se réunirent autour de Damian dans la pièce d’à côté où gisait le corps sans vie du mari de Belinda.

– « C’est lui cette pourriture ?!  lança Baz juste avant de lui cracher dessus.

Vous avez quand même vérifié qu’il était canné le mec…[tous le regardèrent]…je dis ça, je dis rien ! Putain ! Je pose une question c’est tout !  leur répliqua Milo

Alors on fait quoi maintenant ?  leur demanda, à tous, Moustik

Tu vois ça comment ?  demanda alors Gunz à Damian

J’en sais rien, j’ai beau retourné ça dans tous les sens…j’en sais rien.

Tu m’étonnes c’est un bordel sans nom… acquiesça Gunz, si on appelle les gendarmes, ça risque de partir en vrille aussi bien pour Belinda que pour nous, sans compter le fait que si ça vient aux oreilles de Carole, elle va nous pourrir, tu le sais elle nous a prévenus…et de là tout va nous péter à la gueule, l’entrepôt, Milclock et tout le reste…donc…y a pas trente-six solutions il faut que cette saloperie disparaisse, qu’on l’efface…pas de corps, pas de crimes, pas d’enquête.

Tu veux l’effacer ? Comment tu veux faire ça ?! Réfléchis un peu !… lui lança Baz, on sait même pas s’il a une famille, s’ils ont des amis, s’il y a pas quelqu’un quelque part qui va le chercher. Ça fait des années qu’on a pas vu Belinda, on sait rien de leur vie.

Putain ! On fait quoi alors ! De toute façon même si on le fait disparaître dans un putain de baril d’acide enterré dans un putain de champ, y aura forcément toujours un putain de glandu pour aller le déterrer tôt ou tard. On peut pas vivre avec ce merdier qui risque, qui va forcément à un moment ou un autre, nous retomber sur le coin de la gueule…forcément, putain ! dit Milo.

Cette fois on est dans la merde, les mecs ! compléta Moustik.

Tu crois pas si bien dire !… leur lança Katy, qui vint les rejoindre accompagnée d’Amanda, C’est un El-Keffhir…[tous la regardèrent]…Sérieux ?! Les mecs !…Vous avez déjà oublié ! L’entrepôt !…[elle regarda alors Damian]…Le mec que t’as dessoudé là-bas, c’était son frère ! 

Tu vois, Papa je te l’avais dit elle est partie pour nous protéger, je te l’avais dit, elle ne nous a pas abandonnés lui dit Amanda avant de retourner vers Belinda. Damian l’y suivit.

Ok… acquiesça Moustik, donc on est dans la merde double dose, d’un côté on a les keufs et de l’autre la mafia genre égorgeurs de porcs…ok ! J’vais avoir besoin d’un truc à bouffer, moi !

Tu penses comme moi ? lança Gunz à Katy

Ça va nous servir acquiesça-t-elle.

Putain ! Si on vous dérange faut le dire, là ! Putain ! Oh ! » s’exclama Milo. Baz sourit alors.

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