Conte 7: Le Retour de la Reine – 11ème partie

5 mins

Dans la cuisine, Nadya était au chevet de Belinda à peine consciente. Amanda et Damian arrivèrent. La jeune fille se dirigea aussitôt à ses côtés et lui prit la main.

– « Da…Damian…réclamait-elle, Dam…Damian…

Je suis là, je suis là.

J…je…je dois te parler…

On aura tout le temps de parler plus tard, pour le moment tu dois te reposer.

N…non…non…je…je voulais pas…vous mêler à tout ça…c’était à moi…de…de le f…faire j’ai…j’ai cru que je pourrais…vous…tous…mais j…j’avais tort…j’au…j’au…j’aurai dû tout te dire, je regrette tellement…tellement…tu…tu peux pas savoir…

Je sais, je sais…tout va s’arranger, on va tout arranger, on va t’emmener… 

Non…non faut….faut pas…faut m’laisser ici…faut m’laisser.

Hors de questions, je t’ai perdue une fois, je ne te perdrais plus, reposes-toi maintenant…[Nadya lui adressa un signe de la tête elle voulait lui parler, elle aussi]… Amanda va veiller sur toi, je suis pas loin ».

Nadya emmena Damian à l’écart.

– « Je l’ai stabilisée pour le moment mais elle a besoin de soins, de vrais soins Damian on ne peut pas la laisser ici…elle ne va pas tenir lui dit-elle, insistant bien sur le fait qu’elle avait besoin de soins urgents.

Ok…écoute, emmènes-là…que veux-tu que je te dise !

On ne peut pas Damian…lui lança Gunz entrant dans cette cuisine, on va avoir besoin d’elle.

Hors de questions ! ».

Belinda demanda Amanda de l’aider à la redresser. Lentement, elle se releva en position assisse sur cette table.

– « Je…je dois faire quoi ?…[elle regarda Damian]…tu…ce…ce n’est pas à toi…de décider pour moi…de…de ce…que je dois faire…c’est…c’est pas à toi me dire ce…que je dois faire pour protéger ma famille…[Gunz sourit en entendant ces mots-là]…mais…mais s’il vous plait…s’il…s’il vous plait ne faites pas de mal à mes bêtes ».

Une demi-heure plus tard, Gunz et Milo, qui s’en donnèrent à cœur joie, avaient retourné entièrement la maison comme si elle avait été fouillée de fond en combles. Le corps d’Oudjiin, de El-Keffhir, quel que soit son nom véritable, avait été ligoté sur une chaise, le tisonnier avec lequel Belinda l’avait frappé, jeté sur le sol. Katy lui arracha quelques dents. Cela collerait davantage au scénario qu’ils étaient en train de créer et les jeta sur le sol comme la pince avec laquelle elle les lui avait arrachées. S’il avait pu être en vie à ce moment-là cette pourriture, ça n’en aurait été que plus amusant.

Ils placèrent une chaise renversée à ses côtés, des liens rompus sur le sol, du sang de Belinda. Ils provoquèrent des abrasions sur ses poignets pour simuler celles qu’auraient faites de véritables liens trop serrés. Ils nettoyèrent la cuisine. Hors de question qu’il y reste d’éventuelles traces de sang qui requerraient éclaircissements et explications.

Baz et Moustik allèrent, eux, déplacer les voitures et effacer les traces de roues qu’il pourrait y avoir ou du moins les rendre inutilisables. Il leur fallait éviter que les gendarmes n’en fassent des moulages et finissent par remonter jusqu’à leurs propres véhicules.

Enfin, Amanda alla libérer les bêtes et les fit s’enfuir loin de la maison. Elle plaça alors un peu de sang de Belinda sur son chemin comme sur la porte de l’étable.

Damian soutint Belinda, qui peinait à marcher, et l’emmena jusqu’à l’orée de la forêt, ses moutons, brebis et chèvres couraient et bêlaient tout autour d’elle. Elle regarda Damian, caressa son visage.

– « On y est…[il tremblait comme une feuille. Elle le regarda, fébrile, acquiesça tentant un sourire]…je te lâche, ça va aller ? ».

Elle acquiesça de nouveau. Il se recula doucement d’elle et allait rejoindre les autres quand elle le rappela :

– « Damian…fais…fais ce qu’il faut pour qu’on se retrouve.

Cette fois, c’est à toi de jouer ».

Il tourna les talons et alla rejoindre Amanda et les autres qui l’attendaient devant la maison.

– « Prêts ?…N’oubliez pas : ramassez vos douilles ! » sourit Gunz.

D’un coup, ils brandirent leurs armes automatiques et tirèrent en direction de la maison. Les balles ricochèrent sur les murs, fracassèrent les vitres, les cadres photos, les meubles volèrent en éclats, les fauteuils, les rideaux se déchirèrent. Les balles dévastèrent tout à l’intérieur.

Gunz fit alors signe à Baz qu’il pouvait y aller, qu’il pouvait se lâcher. Il attrapa le cocktail Molotov qu’il avait préparé, alluma le chiffon qui dépassait de la bouteille d’alcool et le jeta à l’intérieur. Le feu prit aussitôt. Les flammes se répandirent sur le sol, grimpèrent sur les murs et les meubles, les dévorèrent, avalèrent tout.

Tandis qu’ils ramassaient leurs douilles, le feu grandit, commença à faire craquer les vitres que les balles n’avaient pas brisées. D’un coup, certaines fenêtres éclatèrent sous la chaleur. La maison était envahie par les flammes qui en sortaient par les fenêtres brisées et d’où s’échappait une épaisse fumée noire. Les arbres de la forêt commencèrent à prendre une teinte orangée au fur et à mesure que le feu grandissait.

Belinda avait les yeux rivés sur Damian et Amanda. Il leva alors le bras serrant dans sa main un pistolet. Elle lui fit signe d’y aller. Elle était prête. Mais lui, il ne l’était pas. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas tirer sur celle qu’il l’aimait. Cela lui était impossible.

– « C’est maintenant, mon pote !…[Damian regarda Gunz, acquiesça. Mais il ne tira pas]…C’est à toi de le faire ! ».

Damian savait qu’il devait tirer pour rendre tout ça crédible. Il savait que le temps leur était désormais compté. Quelqu’un allait voir les flammes et ne tarderait pas à donner l’alerte. Ils devraient être partis à ce moment-là. Tout ça, il le savait. Sa raison lui ordonnait de tirer, qu’il devait le faire, c’était un mal nécessaire s’il voulait la retrouver. Mais son cœur lui hurlait qu’il pourrait louper son coup, qu’il pourrait la tuer s’il visait mal. Son doigt refusait obstinément de se presser sur la détente. Sa main se mit alors à trembler. Tous surent alors qu’il ne tirerait pas. Il ne le ferait jamais.

De là, alors, tout était foutu.

Tout à coup, comme si le temps se figea pour lui, il sentit que cette arme lui était arrachée des mains. Il lui sembla voir comme une ombre passer devant lui, tourner sur elle-même. Il lui sembla alors sentir une sorte de souffle d’air sur son visage, de sentir une sorte de parfum.

Amanda lui arracha l’arme des mains, regarda Belinda.

– « Je t’aime, Maman ».

Elle la mit en joue. Sans hésiter, elle tira. Le coup de feu retentit alors dans toute la forêt, résonna entre les collines et tout dans le village. Belinda fut touchée, le choc la vrilla. Elle s’écroula aussitôt sur le sol. Aussitôt, tous s’enfuirent. Damian resta là à regarder le corps de Belinda allongée sur l’herbe, éclairée par la lumière orangée des flammes, seule, entourée de ses bêtes. Il ne savait pas si elle était vivante. Il ne savait pas où la balle l’avait touchée ou si elle l’avait transpercée ou simplement effleurée…si elle était encore en vie. Il n’avait qu’une seule envie : courir vers elle. Mais Amanda le retenait et le tirait par le bras pour qu’il la suive. Elle hurlait son nom. Mais il semblait ne pas l’entendre. Elle hurlait : – « Papa ! ». Mais il ne bougeait pas. Il semblait paralyser.

Tout à coup, sans qu’il ne comprenne pourquoi. Tout redevint clair, le temps s’écoula, pour lui, de nouveau, normalement. Il entendit Amanda hurler, sentit la chaleur des flammes, les odeurs de vieux bois humides et brûlés. Tous les deux se mirent à courir vers leur voiture.

Tous disparurent dans la nuit alors que la maison était entièrement envahie par les flammes qui la dévoraient jusqu’au toit.

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