Ezra se souvient de s’être réveillé à cause d’un cauchemar. Son petit corps, trempé de sueur, en tremblait encore, tendu par l’angoisse et l’adrénaline. Il mit un long moment avant de se calmer, cinq minutes peut-être, ou bien dix, l’enfant ne serait pas le dire. Dans tous les cas, il finit par prêter attention à son environnement exigu : sa chambre était petite et ne contenait que le strict nécessaire. Dehors, une tempête faisait rage. Une forte averse clapotait contre l’unique volet de sa chambre, un vent violent faisait grincer la maison, tandis que le tonnerre grondait au loin. Ezra n’aimait pas les orages.
Pas rassuré pour un sous, l’enfant se faufilait à pas de loup hors de sa chambre et longeait le mur jusqu’à atteindre l’escalier où de la lumière se dégageait depuis le rez-de-chaussée. Étrange, avait-il songé. À l’accoutumer, ses parents se couchaient tôt et même en de rares occasions, ils ne dépassaient pas une certaine heure.
Les marches grinçaient à son passage. À sa droite, se trouvait deux gros fauteuils qui faisaient face à une cheminée. L’un des deux était occupé par Lydia, sa mère. Cette dernière fredonnait doucement et chassait l’ennuie en tricotant au coin du feu. Incrédule, Ezra s’approcha de sa mère qui lui demanda :
— Pourquoi es-tu debout ? Il se fait tard, mon ange, tu as école demain.
Ezra ne répondit pas sur le coup, quant à sa mère, elle continuait de tricoter et ne prenait pas la peine de le regarder.
— J’ai fait un cauchemar, souffla-t-il, penaud.
— Un cauchemar ? répéta Lydia.
— Oui… un monstre essayait de manger mon cœur, expliqua-t-il dans un bégaiement.
Lydia en rit :
— Voyons, mon enfant, aucun monstre ne mangera ton cœur.
— Tu crois ?
— Oui, chantonna-t-elle, car ce sont nous les monstres.
Le silence qui survint juste après était poisseux. Lydia continuait son tricot, l’air de rien, tandis qu’Ezra se décomposait. Une mare de sang se rependait à ses pieds.
Cette fois, Ezra était bel et bien réveillé. Il s’en était assuré en se pinçant plusieurs fois. Il étudia le plafond depuis son lit, amorphe. La fatigue l’écrasait et sûrement le poids du monde par la même occasion. Il se leva avec peine, les os craquants, alors qu’il se traînait sous la douche. L’eau était glaciale et ce n’était franchement pas agréable, mais qu’importe, ça remettait de l’ordre dans sa pauvre tête bourdonnante. Une fois propre, il enfila un costume et se coiffa d’un coup de peigne. Ses cheveux étaient un désastre, mais pas grave, cela ferait l’affaire.
On toqua à la porte :
— C’est le lieutenant Arwarh. Êtes-vous prêt ?
— Oui, j’arrive dans une petite seconde.
Ezra ouvrit un tiroir et mit la main sur un brassard bleu brodé d’une tête de loup. Il le glissa à son bras et alla retrouver Arwarh.
— Monsieur, salua ce dernier.
— Lieutenant, répondit Ezra avec autant de politesse.
Sans perdre plus de temps en bavardage, les deux hommes quittèrent l’hôtel.
—Je vous en prie, Mr. Walsh, installez-vous !
Après une courte poignée de main, les deux hommes s’assirent l’un en face de l’autre.
— Avez-vous faim ?
— Non, pas particulièrement, mais je vous en remercie.
— Bien, alors ne perdons pas plus de temps et commençons.
Sur ses mots, il s’empara d’un carnet et d’un stylo.
— Etes-vous prêt ?
Ezra se contenta d’acquiescer et son hôte éclaircit sa gorge après avoir actionné le magnétophone :
— Alors… l’interrogatoire du jour est supervisé par mes soins, le capitaine Hassan. Pour commencer, j’aimerais que vous décliniez votre identité.
— Je suis Ezra Walsh, né le 25 1921 durant le mois des Étoiles au camp Porto à Ikare, capitale d’Ostrea et comme vous vous en doutez, je suis un loup-garou.