Partie 1 : Suis-moi
Chapitre 5
Je ne suis pas la bienvenue. Je m’en doutais mais mes soupçons sont vite confirmés.
– Qu’est-ce que tu fous là Elizabeth ?
J’ai connu Paul bien après Arnaud. Déjà quatre ans depuis son divorce. Les femmes défilent dans sa vie comme les dossiers dont on est content de se débarrasser. Ce n’est pas faute d’essayer de trouver la bonne pourtant. Mais non, personne ne semble pouvoir remplacer Séverine. Elle est morte il y a toutes ces années, et lui coûte que coûte, il doit rester en vie.
Tout va bien. La musique résonne, il est le patron. Sûr de lui, il regarde toujours droit devant, le plus loin possible. Il donne le meilleur, dans son job, pour sa famille et il a réussi. Au final, je me demande souvent s’il est vraiment heureux, même s’il reste dans ma vie ce qui ressemble le plus à un repère, ce phare dans la nuit, la seule lumière qui vous attire au milieu du naufrage.
Alors je le sais, ma présence ici ne coule pas de source, mais je suis à bout. Et curieusement, avec lui, je me sens en sécurité. Il veille sur moi, mieux que quiconque et aujourd’hui, il est une étape dans mon parcours du combattant. J’ai besoin de l’énergie de mon homme de la situation, de sa force, de tout ce qu’il y a de meilleur en lui avant d’aller plus loin. Finalement, je continue à me demander si je ne suis pas bonne qu’à ça.
– Tu ne m’ouvres pas ?
– Morgane est là, elle dort.
– Tu ne peux même pas m’accorder quelques minutes ?
J’entends un soupir crachoter dans l’interphone.
– Bouge pas, je descends.
Je trépigne devant la porte. Je voudrais rire, me remuer, évacuer ce trop-plein d’émotions qui me submerge. Il faut que quelqu’un me vienne en aide et ces instants où je le devine en train de descendre les escaliers qui nous séparent me parait une éternité, jusqu’à ce que j’aperçoive sa tignasse gris cendré dans l’encadrement de la porte du couloir, à travers la baie vitrée.
Il m’ouvre et m’invite à pénétrer dans le hall.
– Qu’est-ce que tu veux ?
J’hésite. En théorie, ce que je compte lui demander n’est presque rien mais en réalité, c’est sûrement déjà trop.
– Paul, serre-moi dans tes bras s’il te plaît.
Il me fixe de ses yeux bleus, circonspect, presque dédaigneux.
– C’est pour ça que tu es là ?
– Il me faut du courage.
Il se détend.
– Pourquoi tu ne m’as rien dit hier ?
– Parce que ce n’était pas le moment.
Toute la journée d’hier avait été lourde, pour lui comme pour moi. Je ne l’avais jamais habitué à un tel silence. Mais professionnellement, il n’avait rien à me reprocher, bien au contraire.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je ne réponds pas. J’attends patiemment qu’il s’exécute et après quelques courts instants, il passe ses bras autour de ma taille. Je pose ma tête contre sa poitrine et il inspire ma chevelure comme s’il essayait de retrouver cette sensation que l’on avait perdue.
– Ça fait longtemps.
– Deux ans.
La douleur dans mon ventre se réveille. J’ai mal. C’est trop dur d’y penser. Je ne suis pas là pour ça et Paul a déterré quelque chose qui aurait du rester au plus profond. Ce drame qui nous a lié si fort lui et moi, qui nous lie encore et qui nous lierait à jamais. J’ai déjà tellement galéré pour m’en sortir, revenir à un semblant d’équilibre comme avant. Mais comme avant, c’était quoi ? Déjà le même refrain. La mort nous narguait encore et toujours.
Malgré lui, Paul mène la danse et cela m’agace. Je suis bien plus petite que lui, je suis faible et aujourd’hui, en plus, je me sens sale et moche. Je tente de réparer mes conneries. Mais est-ce que je mérite cette seconde chance ?
Je relève la tête pour croiser son regard. Il se perd dans le vide. Je repose ma tête contre lui et essaie de me détendre à nouveau. Son corps, à la carrure imposante m’étouffe de sa chaleur. Des picotements m’anesthésient les jambes. Je laisse ce sentiment de bien-être m’envahir. Je suis presque arrivée à mon point de rupture quand il relâche son emprise. Je me détache de lui.
À ce moment, un sentiment de surprise et d’angoisse s’empare de mon corps. La fille de Paul se tient là, quelques mètres derrière nous. Elle me fixe d’un regard noir, plein de colère. Comme un avertissement. Encore.
Inspiration : Stayin’ alive, The Bee Gees
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