Partie 1 : Suis-moi
Chapitre 6
Je quitte l’immeuble de Paul à la hâte. Je suis venue y chercher du réconfort et je n’éprouve qu’un immense malaise. Je suis ridicule. Je perds de mon assurance. Je sens s’étouffer mes bonnes résolutions. Mais je ne peux plus reculer. Je frappe chez Arnaud.
Il ouvre la porte et je l’observe. Cette chemise bleue que je lui ai offerte lui va à ravir, même s’il est encore une fois débraillé. Comme à son habitude, il a coiffé ses cheveux bruns à la va-vite, peut-être même pas du tout. C’est sa marque de fabrique, ce qui m’a plu. Cette nonchalance incarnée. Le temps passe et il reste fidèle à lui-même. J’ai l’impression d’avoir devant moi l’homme dont je suis tombée amoureuse. Pourtant, quelque chose cloche. Il me dépasse d’à peine une tête, et à présent, je le trouve grandi. Confiant. Et alors qu’il est parti accablé il y a à peine deux jours, un sourire illumine maintenant largement son visage. Je ne comprends pas.
– Je ne t’invite pas à entrer, ma mère est là.
C’est vrai, j’ai vu sa voiture. Et je le sais, Nicole ne m’a jamais porté dans son cœur bien qu’elle aime tout le monde, en général.
J’étais différente. Elle m’avait tout de suite trouvé toxique. Pressentiment de maman ? Quoi qu’il en soit, malgré nous, en avait découlé une relation malsaine, un « je t’aime, moi non plus » qui n’en finissait pas. Comme elle, je prenais un soin particulier à ce qu’elle ne puisse rien me reprocher directement. J’étais brillante, polie, délicate… Mais oui, j’avais mon caractère. Autant je pouvais avoir de vraies attentions pour son fils, autant (sinon plus) je pouvais me montrer parfaitement… égoïste, odieuse ? Certainement. J’étais rarement disponible et je demandais parfois à Arnaud de décommander ses proches à la dernière minute, juste pour me voir. Parce que c’était nécessaire.
Arnaud est gentil, doux, patient, et malgré moi, j’ai essayé de le changer de la plus mauvaise manière qui soit. De repousser ses limites. Moi qui pensais l’endurcir, l’aider, quelque part, j’ai peut-être un peu réussi.
– Je crois que tu as fait le trajet pour rien, Elizabeth.
J’ai mal. La situation se retourne. Je ne porte plus les armes adéquates. Arnaud ne se morfond pas. Non. Il est plus déterminé que jamais à tourner la page. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Il se défend comme il peut. Il a raison. J’ai tout gâché.
Il fait mine de fermer la porte et je la repousse fermement.
– Attends.
– Attends quoi ?
– Je sais pas. Je…
Comme la gamine qui perd les mots de sa récitation, je suis désarçonnée. La rue est calme, quelques oiseaux gazouillent dans le parc voisin. Un vent frais caresse mon visage et moi… Moi, je tremble comme une feuille. J’ose à peine le regarder, je veux juste que mes yeux se fondent dans les siens, comme avant. Dans un dernier effort, j’y abandonne tout mon amour mais ce ne doit pas être assez.
Depuis que je suis arrivée, Arnaud me dévisage comme une inconnue. J’ai toujours été au centre de tout, j’ai toujours imposé mes choix et voilà qu’aujourd’hui, c’est son tour. Au milieu de ce silence gêné, il se met soudain à rire de bon cœur. D’un rire sonore, moqueur, qui ne lui ressemble pas. Tant de fois, je me suis amusée avec lui. Je n’ai aucun droit de m’accrocher. J’ai eu ma chance et je l’ai grillée. Deux fois. Tant pis pour ma gueule.
– J’ai décidé de reprendre ma vie en mains. Je me suis voilé la face et il est temps pour moi d’aller de l’avant. Sans toi. Tu devrais en faire autant.
Son conseil tombe comme un couperet. Je sens mon cœur se fendre en deux. J’essaie de croire qu’il lui faut du temps. Mais au fond de moi, je le vois déjà danser de la plus jolie façon qui soit, comme il le sait si bien. D’un pas sûr, avec entrain, il ne veut pas tomber encore. Et moi non plus, je ne le veux pas.
– Je vais enfin prendre soin des gens pour qui je compte vraiment, et je ne t’apprends rien si je te dis que tu n’en fais pas partie.
Ce n’est pas vrai. Je n’ai jamais autant réfléchi depuis deux jours. Il est l’une des rares âmes à avoir réussi à pénétrer dans mon antre. Personne ne compte autant que lui. Je saisis que nous avons réalisé la même démarche dans nos têtes, mais qu’il en résulte des perspectives bien différentes.
– Au revoir, Elizabeth.
De nouveaux sanglots naissent au fond de ma gorge. Un son tente de s’échapper de ma bouche avant qu’il ne referme la porte mais il n’y parvient pas. Je reste immobile pendant quelques instants et entends soudain résonner à travers le bois la voix d’un petit garçon que je n’aurai sans doute jamais la chance de connaître.
– C’était qui papa ?
– Personne d’important mon cœur. Personne d’important.
Et le flot des larmes déferle d’un coup.
Inspiration : Love yourself, Justin Bieber
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