Personne n’est parfait-chapitre 8

3 mins

Partie 1 : Suis-moi

Chapitre 8

Tout cela m’a semblé si réel. Si épouvantable. Ce cauchemar m’a pourri ma nuit et aujourd’hui, c’est le jour des familles.

Ce jour-là, avec maman, on se baladait. On suivait toujours plus ou moins le même parcours. On partait de l’appartement, dans le seizième et on longeait les quais pour enfin arriver au jardin du Luxembourg. Qu’il pleuve, qu’il vente, c’était notre moment à nous. On passait devant la tour Eiffel, les Invalides, le musée d’Orsay et on bifurquait par la rue Bonaparte peu avant Notre Dame. Petite, je m’émerveillais devant les monuments. Plus tard, j’en oubliais presque qu’ils existaient.

Depuis qu’elle nous avait quittés, je n’avais plus réalisé cette promenade dominicale. La dernière fois, j’avais dix-neuf ans. C’est peu après qu’Arnaud et moi, nous sommes séparés une première fois. On a toujours eu une relation compliquée mais on n’avait jamais réussi à couper les ponts. Onze ans déjà et on était toujours resté amis. Et même un peu plus, à nouveau. Cela faisait un an et demi que ça durait.

Je me débats avec mes pensées et j’avance encore. Dans les parterres, le flot des couleurs m’assaille de vitalité. Des tulipes rouges, mauves, roses, des narcisses… Tout semble renaître. C’est de saison. Autour des sculptures, les feuillages arborent un vert tendre eux aussi. Les moineaux sautillent à même la terre battue à la recherche des premières miettes laissées par les passants, nombreux. J’évolue dans ce monde qui, au fil des années, était devenu un peu le mien.

Je me rappelle qu’Arnaud s’était joint à nous quand nous étions encore lycéens. Il amenait toujours des fleurs pour Maman. Elle les posait dans son vase en cristal et nous nous mettions en route. Elle l’appréciait énormément. C’est drôle mais je la trouvais toujours moins exigeante avec lui qu’avec moi. J’en éprouvais parfois une sorte de jalousie idiote, comme celle qu’on peut éprouver envers le frère préféré. La vérité c’est qu’Arnaud a toujours été adorable. Fondamentalement bon. En toutes circonstances. Le sens du sacrifice l’habite. On ne peut pas ne pas l’aimer.

Ah ! Que ça pue la nostalgie tout ça ! Ça m’écœure. Mais je n’ai pas le choix. Vivement demain car aujourd’hui, tout joue en ma défaveur.

Raphaël et Arnaud sont assis sur un banc, le même où je m’asseyais avec maman. Ça me fait bizarre de les voir. Ce n’est pas vraiment à côté de chez lui. Mais ils sont là. Non loin du bassin central, ils rient. Je m’arrête. Je ne veux pas perturber ces instants. Ils en ont probablement trop peu ensemble. Un week-end sur deux et la moitié des vacances, ou quelque chose approchant.

Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de les observer. Je suis assez loin pour qu’eux ne me voient pas. Alors il me vient une idée.

Je repère une chaise libre, une de ces vieilles chaises vertes, en métal, qui depuis tout à l’heure, m’accompagnent dans mon voyage dans le temps. Je la saisis, m’assois, sors mon carnet et commence à les dessiner.

Ça fait longtemps mais je n’ai rien oublié. J’aime ce geste, j’aime le bruit du crayon qui glisse sur le papier. Je m’attache à chaque détail, j’embellis. S’il savait, Arnaud m’en voudrait certainement de lui voler ces instants. Mais j’ai besoin de me rappeler.

Au parc, Maman me payait toujours un goûter mais je ne savais pas manger. Je m’en mettais partout et elle riait. Elle riait et les éclats se perdaient dans le vent. Je rêvais alors qu’ils partent, qu’ils voyagent à l’autre bout du monde, égayer le quotidien des gens les plus tristes. Le sourire de Maman a toujours guéri mon vague à l’âme. Et je voulais qu’elle apporte autant de joie aux autres.

Je voudrais tant qu’elle soit fière de moi. Mais j’ai tout loupé, je crois. L’expérience nous amène son lot de réussites et de déceptions. C’est quelque chose qui ne s’apprend pas dans les livres.

J’imagine ce que pourrait dire Arnaud à Raphaël. Ses souvenirs, je les connais par cœur. Raphaël, si innocent, ignore ce que va lui réserver la vie, comme nous à son âge. C’est une chance qu’il n’imagine pas. Ce lien qui les unit. Un jour, à son tour, Raphaël réalisera. J’aime penser à ce tourbillon. Les événements suivent leur cours. Il y aura des coups de chance et des coups du sort. Ainsi soit-il.

Soudain, Arnaud se lève. J’ai peur qu’il m’ait aperçue. Je range mes affaires à la hâte, tout en gardant un œil sur lui. Il n’avance pas vers moi, il sourit et se retourne. Il la prend dans ses bras et elle embrasse son fils. Ils ont l’air heureux. Elle s’assoit entre eux, pose sa tête sur son épaule, et leur prend la main. Elle aussi arbore un sourire béat.

Mais… Qu’est-ce qu’elle fout là ? Il est passé où son fiancé ? Je ne veux pas d’elle dans mon décor. Elle gâche tout, je n’y peux rien. Non, je n’y peux rien si malgré moi, je la déteste.

Inspiration : Mistral gagnant, Renaud


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