Partie 2 : L’écho
Chapitre 9
Moi, Arnaud, j’ai toujours aimé deux choses. Les femmes et les renversements de situation. Aujourd’hui je suis servi.
Alors je ne sais pas ce qu’on vous a raconté sur moi mais oubliez tout. Je suis comme tout le monde. Je n’aime pas qu’on me prenne pour un con. Mais je ne suis pas un salaud. Je fais toujours dans la finesse.
Ce week-end, j’avais mon fils avec moi et cela m’a fait prendre conscience de certaines réalités. La première, les nanas ont l’art de se prendre la tête, et la mienne par la même occasion. La deuxième, je voudrais léguer quelque chose à Raphaël. Je n’ai qu’une bagnole, une vieille guitare. Pas de bien immobilier. Et puis, ce que je voudrais lui offrir surtout, n’aurait pas de prix, plutôt de la valeur. Mon père à moi m’a transmis l’amour de la musique et l’amour des mots. C’est pour ça qu’aujourd’hui, j’ai décidé de me mettre à écrire. Je voudrais qu’un jour il sache à quel point je tiens à lui et lui livrer quelques secrets de ma vie merdique. Peut-être que cela l’aidera à comprendre qui je suis et surtout qui il est.
Commençons.
Durant toute l’année de la seconde, j’avais bavé sur Elizabeth. Elle était brillante, infaillible. Sans relâche, j’avais cherché comment l’impressionner sans arriver à lui décrocher un mot. Comment pourrait-elle s’intéresser à moi le moyen, l’invisible Arnaud ? Elle m’intimidait, m’inspirait une sorte de fascination. Cette aura ne la rendait pas sympathique aux yeux des autres, bien au contraire. Mais pour moi, ça n’avait aucune importance. Je croyais en elle plus que n’importe qui. Plus qu’elle-même peut-être. Et pour le lui prouver, je devais trouver quelque chose d’exceptionnel. Mais ça ne venait pas et l’année scolaire a pris fin. La suivante, elle serait en section scientifique et moi en économique et social. Nous ne nous verrions plus. Comme un idiot, j’avais laissé passer ma chance.
21 juin 2001. Ce n’est pas la première fois que je me produis en public mais aujourd’hui, je suis seul et en plus, je chante. Le trac monte. J’ai mal au ventre. Comme jamais. On m’a installé sur une placette où la situation est loin d’être idéale. La foule se presse, les gens n’ont pas l’air attentifs, certains ignorent même peut-être qu’aujourd’hui, c’est la fête de la musique. Les autres sont attablés en terrasse à quelques mètres de là. Ils boivent un verre, plaisantent, se racontent sûrement leurs histoires, en attendant. C’est une belle journée. Il fait chaud. C’est vrai, je n’ai jamais eu aussi chaud.
Je n’ai que quinze minutes pour les impressionner mais plutôt que de choisir la facilité, j’ai choisi des chansons que j’aime et je les interprète à ma façon. Est-ce que j’ai vraiment bien fait ? Est-ce que je ne devrais pas tout revoir. Non, pas comme ça, à la dernière minute, c’est n’importe quoi. Bon allez, tu verras bien. De toute façon, ça passe ou ça casse et le ridicule n’a jamais tué personne. Enfin… Jusqu’à présent. Ici, face à ce public, je me sens comme face à elle. Je me demande ce que les gens vont penser de moi.
Je commence. Je ne vais pas dire que le naturel reprend le dessus mais je me sens mieux. Je me détends. Certaines personnes se sont arrêtées pour écouter. Je suis étonné de constater que j’arrive à capter l’attention.
À cette heure-ci, je pensais surtout voir des enfants mais le public est varié. Des familles, des personnes âgées, des ados. Je commets des erreurs, on me les pardonnera, j’espère. Certains sourient déjà. Une fillette haute comme trois pommes tape dans ses mains et moi, je prends du plaisir à ce que je fais. Le reste… Je préfère l’oublier.
Je décide de terminer par « Les passantes » de Georges Brassens parce qu’elle me rappelle Elizabeth. L’inaccessible. Celle à qui je penserai plus tard, pendant mes longues soirées d’hiver, comme une douce chimère. Je repenserai à ses cheveux blonds tombant sur ses épaules, lorsque j’étais deux rangs derrière elle pendant le cours de français. Je songerais à ses formes que je trouvais idéales pour les avoir savamment observées lorsque nous nous étions rendu à la piscine, pour le cours de sport. À ses mains aux doigts délicats qui caressaient le tableau pendant la correction des exercices de maths. Ah, si seulement, j’avais pu être le tableau rien qu’une fois !
Elle avait traversé ma vie sans prendre le temps de s’y arrêter mais comme ça, elle ne me quitterait plus. Jamais.
Inspiration : Les passantes, Georges Brassens
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