Partie 2 : L’écho
Chapitre 18
Déjà plusieurs nuits que je suis là à vagabonder et que l’évidence se fait attendre.
J’ai toujours pensé que la vie est une aventure à durée indéterminée mais qu’elle ne m’aime pas. La preuve, elle a même essayé de se débarrasser de moi. Mais pas facile, je suis coriace. Elle m’a laissée des cicatrices et moi… Moi, je lui fais des pieds de nez. Ce qui m’arrive, c’est la faute à pas de chance. Alors je continue, encore plus fort. Après tout, même si je suis rafistolée, un cœur bat là-dessous et je m’en suis toujours bien sortie jusqu’à présent. Franchement, pas de quoi se plaindre. Un job, un appartement, un chat, vous, moi, la lune. Que réclamer de plus ? J’avoue, j’espère un petit signe du ciel mais en même temps, vous y croyez, vous, au destin ?
Comme d’habitude, après plusieurs heures, je me décide à rentrer. Le mouvement se disperse, chacun part de son côté. Je me sauve toujours avant que ça ne dégénère.
Tout en marchant d’un pas rapide, je fouille mon sac en grommelant, à la recherche de mon paquet de clopes qui n’arrive plus à surnager. Peut-être bien que j’ai oublié d’en racheter, je ne sais plus. Je n’ai pas toute ma tête de toute façon.
Je me démène encore quand je le repère au milieu des autres. Mes mains se mettent à pédaler dans le vide, comme si je tâtonnais des objets invisibles. Je ne suis plus à ce que je fais, je ne distingue plus que lui qui me dévisage d’une manière étrange. Il s’avance calmement, je le sonde. Je ne dois pas paniquer.
Homme de taille moyenne. Je lui donne autour de la quarantaine. Certains de ses cheveux noirs grisonnent, son visage est fatigué, des rides naissent sur son front et au coin de ses yeux.
Ça y est, il est maintenant à quelques mètres de moi. Il entame la conversation.
– C’est peut-être ça que tu cherches, dit-il en me tendant une cigarette.
Ses baskets semblent neuves. Il n’a pas l’air d’être le genre à faire du sport régulièrement mais peut-être qu’il a décidé de s’y mettre à cause de ses poignées d’amour et de sa petite brioche. Je n’en sais rien, je ne peux pas voir. Il porte un sweat trop grand qu’il aurait volé à un improbable frère d’une tête de plus que lui.
– Je vais pas te taxer, on se connaît même pas.
Son look ne colle pas au personnage qu’il veut jouer. Le moindre détail de son physique paraît étudié. De sa barbe jusqu’au bout de ses ongles, il prend soin de lui. Ça se voit. Et malgré son jean et son attitude décontractée, je l’imagine plus facilement représentant démarchant à domicile que devant la télé en train de gueuler contre l’arbitre en vidant quelques bières. Mais après tout, il est peut-être ces deux hommes là à la fois. Dans tous les cas, son regard profond lui donne un air malin. Malin dans le mauvais sens du terme. Il allume ma cigarette avec la sienne avant de me la tendre à nouveau.
– Jérémy mais tout le monde m’appelle Jimmy.
– Elizabeth et tout le monde m’appelle Elizabeth.
Il essaie de sourire mais c’est comme s’il avait oublié comment on procède depuis des années. Pourtant, ses yeux plongent dans les miens et en quelques minutes, il m’a complètement mise à nue. Je voudrais me cacher mais il n’y a pas d’échappatoire. Je n’ai pas d’autre choix que de prendre sur moi.
– Alors on va boire un verre Elizabeth ?
– Maintenant ?
On se parle comme si on se connaissait depuis toujours. Les répliques fusent du tac au tac. Son assurance paraît si naturelle qu’elle en devient troublante. Pour dissiper cette gêne, je plaisante à mon tour.
– Tu perds pas de temps.
– C’est parce que la vie est trop courte.
Ses traits sont fatigués. J’entends comme un regret dans sa voix. Ce mec m’attire comme un aimant. Malgré moi. Ce qu’il dégage me ramène à ma propre existence.
– Pas encore assez courte pour moi ce soir. Je vais rentrer.
– Je te raccompagne ?
J’éclate de rire.
– Ne sois pas si pressé.
– Pourquoi ?
Je sens de l’agacement, du reproche. Il a l’impression que je le prend pour un con et finalement c’est peut-être un peu ça. Je dois le rassurer, je ne peux pas le laisser filer entre mes doigts. Mais je sors tout juste d’une histoire compliquée et je ne veux pas me jeter dans la gueule du loup. Ça se comprend, non ? Comme s’il lisait dans mes pensées, il continue.
– Avec moi, tout sera simple, tu verras.
Il me prend par la main pour m’entraîner dans sa direction. Dans un premier temps, je le laisse faire. Je souris, je dois lui laisser croire qu’il a un pouvoir sur moi. Puis je l’interromps.
– Demain, 22h, même endroit ? Et là, je te promets, on ira siroter un truc quelque part.
Il faut que je m’organise, je ne peux pas tout improviser.
– OK, répond-il à contrecœur. Tu me donnes ton numéro, au cas où.
J’admire sa persévérance. Il n’y a pas de doute, on a lu le même mode d’emploi de la vie.
– Décidément, tu vas tout essayer. Sois patient et peut-être que tu arriveras à obtenir ce que tu veux de moi.
Péniblement, ses lèvres parviennent finalement à inscrire un sourire sur son visage. Et tandis qu’il s’éloigne en silence, je crois deviner le même message que le mien dans ses yeux.
Inspiration : J’ai demandé à la lune, Indochine
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