Je ne suis pas comme ça ! Je n’aurais jamais dû écouter Vanessa ! Elle… me fait faire des folies !
D’abord ces photos suggestives. Et puis, ce site de rencontres coquines ou plutôt ce marché du sexe et ce pseudo Jennifer !
À chaque fois, je me dis, ce n’est rien, de toute façon, je ne le ferais pas.
Mais j’ai tellement besoin d’argent… Je n’aurais jamais le courage d’aller jusqu’au bout, de coucher avec un homme et de me faire payer… Je ne suis pas comme Vanessa !
Je regarde une nouvelle mise en demeure ! On va m’expulser de mon appartement si je ne paye pas. On me prendra ma fille… Non cela n’arrivera pas ! Je ne pourrais pas le supporter.
Je ferais ce qu’il faut. Pour ma fille j’aurais la force.
Je n’ai trouvé qu’un temps partiel dans une supérette. Je ne gagne pas assez pour un travail épuisant !
J’ai dragué un homme hier soir ; non, ce n’est pas moi, c’est Jennifer !
Il a l’air gentil, timide. Je ne l’ai pas laissé respirer. Les autres je n’ai pas eu le courage. Le dernier, je suis allée au rendez-vous et en le voyant en vrai, je me suis enfuie, je me suis dégonflée. Celui-là, j’irais au bout ! Il a l’air doux. Il ne fait pas de fautes d’orthographe, il ne demande pas à me voir toute nue en photo ! Il a peut-être fait des études comme moi. Il ne sera pas brutal comme… Les hommes me font peur maintenant. Une prostituée qui a peur des hommes ! Oui, c’est ce que je suis. Si maman me voyait. Elle ne peut plus me voir. Je l’ai laissée dans cet hôpital de malheur. Je n’ai plus personne. Que ma fille et Vanessa ! Je la déteste ! Et pourtant, j’ai tant besoin d’elle. Qu’elle me garde ma fille, qu’elle me prête des affaires, de l’argent…
On frappe à la porte. C’est elle, cigarette au bec :
− Alors, ça donne quoi ?
− J’ai son adresse mail. J’ai écrit. Je n’ai pas de réponse.
− Comment il est ?
Elle m’agace :
− Je ne sais pas !
− Tu es gourde ! Tu as filé les photos des vacances en maillot ? S’il bande pas avec ça…
− Ne parle pas comme ça…
− Tu sais que tu dois coucher avec ?
− Je ne pourrais pas.
− Tu vas faire comment quand l’huissier va se pointer. C’est encore moi qui vais devoir casquer ! Moi je peux bien aller me faire sauter ! Ça ne choque pas mademoiselle !
J’ai baissé les yeux. Je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Vanessa m’a prise dans ses bras. Elle a un grand cœur. Elle me tend sa cigarette. Je tire une bouffée avec délectation. Je m’étais promis de ne plus fumer. J’avais promis de finir mes études. J’avais promis tant de choses, pour en arriver là. Je n’ai que ma fille et Vanessa. Ma petite fille, si petite encore. Quelle honte si elle savait, un jour, ce que sa mère s’apprête à faire !
Vanessa reprend sa cigarette :
− Envoie un autre mail. Sois impatiente. Bouscule-le. Il te faut un rencard rapidement. S’il n’a pas d’argent tu passes au suivant. Il faut que je file. Il te faudrait un régulier comme moi…
− Je me dégoûte…
− C’est ton salop d’ex, le dégueulasse qui t’as laissée tomber !
Vanessa arrange sa coiffure devant la glace dans l’entrée. Elle a mis sa tenue « scandale ». Je sais ce qu’elle va faire. Elle croise mon regard dans le miroir :
− Arrête de penser. Je ne ressens rien. Je rêve pendant qu’ils me sautent. Ils sont nuls au lit. Des lapins !
− Sois prudente.
Vanessa travaille. Elle fait des heures de ménage dans la semaine. Mais c’est insuffisant pour vivre. Alors… un jour elle a réfléchi. Elle sortait avec des hommes et couchait avec sans plaisir, en espérant à chaque fois que ce serait le bon. Elle était dépendante et elle détestait cela. Ils profitaient d’elle, de sa gentillesse, de son appartement. Ils ne la respectaient pas.
Et un jour, elle a décidé de se faire payer, d’arrêter de subir et surtout, quitte à ne pas être respectée, autant gagner un maximum !
Elle habite l’appartement en face du mien. Elle m’a recueilli plusieurs fois à l’époque ou… j’étais battue et que je m’enfuyais de chez moi avec ma fille. Quand il avait bu…
Elle a toujours été là pour moi. Je n’ai pas le droit de la détester.
Cet homme que j’ai dragué, j’espère qu’il ne répondra pas à mon mail. Et pourtant, il faut qu’il réponde. J’ai tapé un nouveau mail. Non, ce n’est pas moi, c’est Jennifer. C’est elle la salope ! Pas moi.
Très sympa, hâte de lire la suite !