Timshel

En 2050…
Est-ce qu’on lira encore en 2050 ?
Y aura-t-il encore des gens qui lisent ?

Ou tous les cerveaux seront-ils grillés par la pensée unique et formatée, le politiquement correct, l’instantané et la mémoire ultra-courte de l’excès d’informations de la société virtuelle ?

Des gens incapables de se fixer, ne lisant que des SMS ou des bribes de mots, des phonèmes, des symboles…
Une pensée d’idéogrammes non structurée, balbutiante, tout de suite happée par la dernière nouveauté qui n’aura droit qu’à sa micro-seconde de gloire…

Tous les livres ne seront-ils pas écrits par des IA qui reprendront et ré-arrangeront
les millions de textes stockés pour “l’éternité” dans les serveurs ?
Ces IA qui reprendront même les tournures à la mode et les fautes d’orthographe les plus communes.
Ces IA qui feront croire à l’existence d’auteurs vivants tout aussi virtuels, voire qui feront revivre les morts.

Ces IA qui décideront de qui doit apparaître dans le résultat des moteurs de recherche en fonction d’algorithmes cachés et “vertueux”.
Qui doit exister ou non en fait…

Je m’en fous.
Je n’y serais pas en 2050.
La fête se fera sans moi.
Le tourbillon du monde frénétique, je ne le verrais pas, je n’en sentirais pas le frisson.
Il ne me grisera plus.

Mon credo c’était le mot de la bible TIMSHEL : tu peux.
Le “tu peux” de la parabole de Caïn et Abel : tu peux décider de faire ou NON.
Tu as le choix.
Faire le bien ou le mal.
Ce “tu peux” était pour moi : j’ai fait plein de choses et sans retenue, avec frénésie -non- avec gourmandise et délectation.
Et surtout, je voulais tout faire : le bien ET le mal.
Ce “tu peux” c’était la liberté et même si je ne faisais pas, c’était l’illusion de croire que je pouvais.
L’illusion c’est bien aussi.
Ça peut suffire à vivre l’illusion, c’est aussi ce qu’on appelle l’espoir. 

Et les années ont passé, sans que je le sache, ou plutôt, sans vouloir le savoir.
Je ne m’en suis rendu compte que d’une manière détournée et insidieuse.
Un jour, je me suis dit : j’aurais pas le temps. Non, je pourrai pas…
J’ai commencé a hésiter…
J’ai commencé à me dire : non, cette fille est trop jeune pour moi, je vais pas la laisser s’attacher; ou, faire un gosse, non, c’est trop tard, ou, cette bécane est trop lourde, je la tiendrait pas… ou….

Et mon credo a changé; maintenant c’est “tomorrow is to late“.
J’ai senti un grincement dans mon âme, comme un mécanisme sinistre qui s’arme, un couperet qui s’enclenche. Une chose terrifiante qui se met en branle.

Je m’en suis rendu compte finalement, parce que j’ai eu peur, une angoisse terrible.
Le truc qui vous laisse une sueur froide dégoulinante dans le dos et des douleurs au bout des doigts.
Je venais de comprendre que j’avais vieilli !
Je venais de comprendre à quel point j’aimais la vie, moi qui ne vivais que de risque, d’insouciance et d’adrénaline.
Vieillir, c’est ne plus pouvoir.

C’est comme si j’étais déjà mort.

Alors 2050…
Quelles folies j’aurais faites en 2050 ?
Non, moi, je n’y serais pas.
Je n’y aurais pas ma place.

Et ça me gonfle !

Mumford & Sons – Sigh No More

Cold is the water
It freezes your already cold mind
Already cold, cold mind
And death is at your doorstep
And it will steal your innocence
But it will not steal your substance.