Phoenix, USA, 2 semaines après
Cela faisait deux semaines qu’elle avait été libérée. Libérée de ces ravisseurs, certes, mais pas de ces tourments. Elle entamait un nouveau de chapitre de sa vie qui s’annonçait tout aussi ardu que le précédent. La récupération et la reconstruction allaient être longues. Ce retour fatidique, elle l’avait rêvé, imaginé et répété dans sa tête de nombreuses fois. C’est ce qui lui avait permis de tenir bon, de ne pas sombrer. Sauf qu’aujourd’hui, elle redoutait la concrétisation de ce doux rêve. Tout avait dû tellement changer pendant ces mois d’absence. Elle avait changé et ce jusqu’au plus profond de son être. Elle n’était plus la jeune femme enthousiaste et quelque peu crédule. Elle avait été témoin de la noirceur de la nature humaine et en avait fait les frais. Elle revenait l’âme meurtrie d’une nouvelle réalité qu’elle souhaitait oublier.
– Tu es sûre ?
Erm réfléchit un instant. Ils étaient garés devant l’allée des parents de Daniel. Elle regarda par la vitre. Elle pouvait entendre la musique à l’extérieur.
– Oui. Ça va aller
– Ok j’y vais.
Alex descendit du pick-up pour trouver Daniel. Erm le regarda traverser l’allée et disparaître derrière la maison. Elle se perdit dans la contemplation de l’allée de sable. Il faisait chaud, très chaud. Elle se rappela le contact brûlant du sable sur sa peau et frissonna. Elle s’arracha à sa contemplation et tenta de rassembler ses esprits. Qu’allait-il dire ? Comment allait-il réagir à sa vue ? Allait-il même simplement la reconnaître ? Elle se tourna de nouveau vers la vitre de la voiture et aperçut son reflet. Comment pourrait-il la reconnaître derrière ce visage meurtri ? Elle regretta tout à coup d’être venue. Elle se dit que s’était trop tôt, qu’elle aurait dû attendre d’aller mieux, que ses plaies se soient estompées. Comment pouvait-elle lui infliger un tel spectacle ? De plus, elle allait lui gâcher sa fête. Alex lui avait dit que Dorian, le frère jumeau de Daniel, avait convié toute la famille et une bonne partie de leurs amis pour leur anniversaire. Elle allait débarquée comme ça sans avertir personne. Pas très poli, pensa-t-elle. Elle s’était très égoïstement précipitée chez Cate et Alex Sr pour retrouver celui qui lui avait le plus manqué au monde sans jamais penser à l’impact qu’aurait sa venue. « Je n’aurai jamais dû venir. Je n’aurai jamais dû venir ». Sa respiration se fit haletante. Elle entendit la portière s’ouvrir.
– Erm, ça va ?
– Je n’aurai jamais dû venir. Je vais tout gâcher et qu’est-ce qu’il va se passer s’il ne me reconnaît pas, s’il ne veut plus de moi, s’il …
– Chut ! Calme-toi ! Il sera plus que content de te retrouver. Ça fait huit mois qu’il t’attend et deux mois qu’il vit dans l’angoisse de te savoir séquestrée. Tu ne crois pas qu’il est temps de le libérer, de le rassurer ?
Elle ravala ses larmes et dompta son angoisse. Elle hocha la tête et fit signe à Alex de démarrer. Il avança le pick-up dans l’allée. Lorsqu’il s’arrêta, elle vit à travers la vitre teintée une trentaine de personnes debout dans le jardin, s’amusant et profitant de la musique. Alors qu’Alex descendait de la voiture pour lui ouvrir la portière, elle l’aperçut, entouré de ses frères et de ses parents. Ses doutes disparurent, elle n’avait plus qu’une envie, courir le rejoindre même si elle savait que ses jambes ne le lui permettraient pas. Alex ouvrit la portière, l’aida à sortir ses jambes atrophiées et la porta pour la sortir de la voiture. Elle s’appuya sur sa béquille et sur l’épaule d’Alex. Malgré le plâtre à sa cheville, la genouillère et l’attelle à sa jambe gauche, elle avait décidé de marcher jusqu’à lui. Il était hors de question qu’elle lui apparaisse infirme. Elle releva la tête et avança d’un pas décidé vers Daniel. Au fur et à mesure qu’elle réduisait la distance entre eux, elle vit son visage changer. Il passa de l’incompréhension à la surprise puis à la joie avant de passer à la tristesse et de s’effondrer au sol en pleurs. La vue de l’homme qu’elle aimait au sol tiraillé entre joie et douleur lui était insupportable. Elle hâta le pas et se laissa tomber à ses genoux et le prit dans ses bras.
– Ça va aller. Je suis là maintenant. Tout est fini.
Incapable d’apaiser ses sanglots, elle le serra de nouveau dans ses bras et le berça. Elle sentait le soleil d’Arizona sur sa peau raviver ses brûlures profondes. Cela lui était égal. Elle n’était plus en Afghanistan, elle était rentrée à ses côtés. Rien ne pourrait gâcher son plaisir. Son cœur s’emballait, elle s’étourdissait. Elle s’en moquait. Elle pouvait mourir ici, cela lui importait peu. Elle l’avait retrouvé ; ils étaient de nouveau ensemble et c’était le plus important. Les voix et les cris de surprise autour s’assourdissaient, sa vue de brouillait. Il faisait chaud, tellement chaud. Dans un sentiment de plénitude totale, elle se laissa porter par l’instant présent, blottie dans son cou.
Pas mal
J’aime beaucoup la manière d’écrire ! Très joli !