Arya resta plantée devant le soleil qui se couchait dans la mer.
Les rayons du soleil lui faisaient penser aux petites étoiles qu’elle voyait autrefois dans les yeux de sa mère.
Sa mère. Elle ne les voyais plus, ces petites étoiles, depuis le divorce de ses parents.
Sa mère. Un femme forte et droite, un poil maniaque et toujours, toujours à l’heure, quoi qu’il arrive.
Peu importe le code la route, sa tenue, son maquillage, sa coiffure, la marque de l’oreiller sur la joue…
Toujours à l’heure.
Mais aussi gentille et prévente que n’importe quel parent.
Ses parents. C’est vrai qu’elle les aime beaucoup, mais elle avait beaucoup de mal à admettre que, désormais, elle ne vivrait plus avec eux.
Ni l’un, ni l’autre.
Maintenant, elle avait son propre appartement, face à ce soleil d’or.
Un soleil d’or, sur le bord de la mer.
La mer.
Un sourire naquit au coin de ses lèvres, accompagné de souvenirs.
Ah, la mer, que de moments !
Elle se rappela avec nostalgie ses frères l’enterrant dans le sable, au point l’étouffer.
Le jour où son père l’avait oubliée à la plage.
Ce jour là, elle avait tellement pleuré, tellement eu peur…
Pour se racheter, son père lui avait offert une glace. Maigre compensation pour les émotions qu’elle avait vécu, mais cela avait été suffisant pour qu’elle cesse de pleurer.
Son père. Un sacré bonhomme, pensa-t-elle en souriant, tête en l’air et dans la lune… Et avocat.
Comment défendre des personnes tout en étant à l’opposé du monde présent, loin dans un endroit imaginaire ?
Car, enfant, elle avait toujours imaginé que son père était un extra-terrestre venu sur Terre et ayant du mal à s’acclimater.
Hélas, il était bel est bien humain.
Son regard glissa de nouveau sur le soleil.
Soleil d’or.
Autrefois, elle adorait regarder le soleil dans les yeux. Elle trouvait ça amusant.
Aujourd’hui, elle était myope comme un taupe et était obligée de plisser les yeux à la lumière.
Les regards changes vite, pensa-t-elle.
Avant, la vie loin, la vie en ville… Tout cela ne l’intéressait pas.
Non, ce qu’elle voulait, enfant, c’était passer sa vie dans la maison de ses parents et les aider lorsqu’il seraient vieux.
Aujourd’hui, elle faisait des études d’art contemporain en ville et à l’étranger.
Son sourire s’agrandit.
L’étranger.
Au collège, elle avait fait un voyage en Allemagne, au lycée en Italie…
Elle aimait découvrir ce qu’elle ne connaissait pas.
Alors elle se retrouvait là, en Ecosse, face à ce soleil d’or.
Or, comme la bague que son amoureux lui avait offerte. Il avait fait la surprise de venir la rejoindre, alors qu’il détestait la pluie.
Il avait finit par repartir, même s’il la rejoignait dès qu’il pouvait, la climat, le travail et l’amour ne font pas bon ménage.
Le ménage. Il faudrait qu’elle fasse le ménage… Habituellement, c’était sa mère qui le faisait.
Plus maintenant.
Un sourire naquit sur ses lèvres.
Le soleil, face à elle, lui renvoya sa lumière vive et sa chaleur.
Arya ferma les yeux. Perdue dans ses souvenirs.
Le soleil, la mer, l’Ecosse, le bonheur…
Les souvenirs, le ménage, l’éloignement…
Elle soupira. Ouvrit les yeux.
La lumière l’éblouit.
Le soleil semblait lui dire “vas-y, c’est les vacances” mais une autre partie hurlait “tu ne pourras pas réviser, travailler et obtenir ton diplôme si tu n’as pas le temps d’apprendre tes cours”.
Un débat intérieur qui faisait rage en elle chaque jour.
Travail ou Famille ?
Avenir ou Amitié ?
Elle en avait assez.
Assez d’attendre, d’apprendre, d’hésiter.
Dans quelques mois, elle commencerait son job d’été. Dans quelques mois, elle devras passer un premier examen.
Métro, boulot, dodo.
Elle jeta un regard noir au soleil.
Il n’avait pas ce problème, lui.
Le soleil, il passe ses journées dehors à regarder ce qui se passe en bas, comme un enfant devant une fourmilière.
C’était épuisant.
Chaque jours être observée par ce fainéant de soleil…
Et elle ? Elle travaillait, trimait du matin au soir, sous la pluie, sous la chaleur…
Il fallait avouer qu’il pleuvait plus souvent qu’il faisait beau.
Dans ce cas, le soleil était encore en, congé !
Non, vraiment, c’était agaçant.
En plus de la rendre nostalgique, de lui brûler les épaules, il fallait aussi qu’il lui rappelle qu’elle n’était encore qu’un étudiante débordée.
Arya fit la moue.
Mais il était beau, aussi le soleil.
Si beau…
Elle se secoua pour se dégriser.
Avec une larme de tristesse, elle vit le ciel rose se teinter de mauve avant de virer doucement au bleu nuit.
Il ne restait qu’un tout petit bout de lumière orangée, toujours aussi vive et aussi belle.
Chaque soir apportait un coucher de soleil unique, et son lot de réflexion…
— Arya ? Tu n’est toujours pas couchée ? Et éteins ce téléphone !
— Mais maman… Quand est-ce qu’on va en Ecosse ?
La pauvre femme soupira.
— On ira en Ecosse lorsque la voiture sera dépannée. Allez, va te coucher…
Arya sourit de nouveau.
Elle y étais, maintenant, avec sa propre voiture.
Elle prit son téléphone et prit en photo les derniers rayons du soleil sur la mer et l’envoya à sa mère.
“— C’est bon, j’ai dix-huit ans ! Lorsque je reviendrais, je vous ramènerais un bout de soleil ?”
L’émancipation, c’était une belle décision, mais, mine de rien, elle restait une enfant ayant besoin de ses parents.
Le soleil avait disparu, loin sous la mer.
Un soleil d’or.
Très beau récit intimiste plein de nostalgie.