Parallèles…

31 mins

Une histoire écrite en 2007…

Bistrot Parigot

        Fils d’ouvrier, il a l’énergie de ceux que l’on a jamais aidés. Il a aussi la rage de prouver qu’il peut y arriver sans pour autant construire quelque chose de particulier. Une sorte de défi personnel: il s’appelle Giorgio et le monde lui tend les bras. C’est un urbain attentif à toute sollicitation vivante, humant à plein poumon l’air qui l’entoure. Il revendique haut et fort ses convictions à chaque occasion en laissant pointer une note d’anarchie dans son discours. En tous cas, c’est un optimiste qui croît que les peuples trouveront leur essor au fur et à mesure du temps pour s’harmoniser. Giorgio se plaît à Paris. Lorsque le soleil du printemps pointe son nez, il aime flâner dans les rues, lire la transparence des tee-shirts des passantes et discuter avec le premier venu, enfin celui ou celle qui comme lui prend le temps de ne rien faire, juste pour le plaisir de ne rien faire. Malgré tout, il est un véritable oiseau de nuit qui traîne de vernissages en fêtes, au gré de son carnet de contacts. Le jour, il étudie l’histoire du XXème siècle, juste pour avancer dans sa compréhension de la société qui l’entoure. Sociologie… enfin la plupart du temps!

        Il connaît toutes les thèses de comptoir à «l‘Helvète”. Naturel pour un gars qui commence avec un p’tit noir au bar vers 7h30 le matin et qui souvent dîne d’un jambon-beurre  alors que le soleil roupille déjà depuis un bail. Yves, le serveur, un breton des Côtes d’Armor, s’en amuse souvent, sans savoir qu’il est sa principale source d’inspiration. Trapu, les pieds ancrés en terre, alors que les derniers embruns de la mer d’Iroise caressent encore son nez, il porte le ton grave des hommes expatriés sur une voix de basse que l’on ne peut ignorer. Car pour un breton, Paris c’est l’étranger et il faut vite apprendre à y survivre!

                

        Je n’oublie pas non plus Annette, une pulpeuse blonde qui vieillit bien physiquement mais que la tyrannie de son psychanalyste conduit à un alcoolisme grandissant. Bien que consciente en apparence de leur différence d’âge, elle ne peut s’empêcher d’être subjuguée par son charme italien et la classe qui se dégage de son allure nonchalante. Elle s’installe à une table, avec une stratégie inconsciente pour pouvoir surveiller l’entrée, le barman et Giorgio au comptoir sans jamais se trouver directement dans la mire d’aucun des trois. Yves sait bien qu’elle n’en dira mot, il a vu son jeu. Son psy, lui, sait qu’elle en souffre le martyr, seule dans son studio le soir avec ses sitcoms sur internet. N’oublions pas qu’elle le paye pour ça! Pourtant Giorgio l’observe du coin de l’œil avec une sorte d’affection profonde.

        Aujourd’hui les conversations vont bon train car les candidatures à l’élection présidentielles vont se clôturer. Les derniers ouvriers, qui ne travaillent pas en autonome, sont encore une fois inquiets, en avalant un plat du jour et un demi sur le pouce, du potentiel de ceux qui défendent les masses laborieuses. C’est vrai qu’avec les licenciements massifs et le transfert en banlieues éparses, ou loin de nos régions, des centres industriels, les masses laborieuses ressemblent plutôt en ville à des clichés hors du temps. A l’opposé, les citadins blasés qui prennent encore le temps de lire chaque jour “les échos” en soufflant 5 minutes devant un verre, après leur course effrénée à la réussite, attendent le changement virulent que leur promet la droite, voire la droite la plus extrême. Deux éboueurs de la ville entrent en souriant. Après quelques tonnes de sacs plastiques enfournés dans la monstrueuse bouche du camion municipal sous le regard râleur et les noms d’oiseaux lâchés par les automobiliste bloqués, Amadou est heureux de vivre et son collègue, mais aussi ami, Dialo lui raconte encore et encore une histoire du pays. Au Sénégal, comme partout au monde, on aime faire la cour aux belles femmes et parler des charmes qu‘elles voudraient garder secret, mais pas trop longtemps!. Amadou n’y rajoute que le respect scrupuleux de l’Islam et sa joie de vivre en France. Bien entendu, à chaque fois que la radio passe un rythme africain, leur cœur change de vitesse et se synchronise sur cette source de vie. Giorgio connaît bien ce phénomène et s’en amuse d’autant plus. Il salue chacun des deux hommes quand il les croise au bar sur un ton le plus musical possible, ce qui lui procure en retours les deux plus grands sourires de toute la section urbaine. Ils n’ont jamais parlé au-delà de ce salut mais chacun des trois est une pierre fondatrice du monde des deux autres. Il faut dire que leurs univers sont encore étroits! Une seule fois, ils ont partagés le thé à la même table dans un silence religieux et seule la timidité mêlée au respect a empêché l’un ou l’autre de tendre la main pour aller plus loin.

        Yves, qui se sent comme un renard de la vie à l’approche de la quarantaine, a bien essayé de le brancher avec Sofia, la petite portugaise qui vient faire le ménage chez les patrons à l’étage du dessus tous les deux jours. Mais elle aussi , malgré ses “saluts” en entrant dans le bar, est plus farouche qu’un poisson qui approche de la surface pour gober son repas. C’est une petite brunette, plutôt gironde, qui s’écarte brusquement lorsqu’un client maladroit se frotte accidentellement contre son épaule au cours de ses déambulations dans ce bar qui ressemble étrangement à un couloir lorsqu’on y entre pour la première fois. Elle donne l’impression amusante de connaître ce monde de perdition et les êtres qui le peuplent, alors qu’en fait, elle ferme ses sens quand elle y entre, de peur de perdre tous ses repères. Georgio n’est bien entendu pas insensible à ses charmes mais sait aussi lire dans son être et s’effraie de devoir confronter son oisiveté studieuse avec sa laborieuse réalité ménagère dans cet univers clos de codes entendus. Pourtant régulièrement, elle se pose devant un coca light et attends l’heure de son prochain boulot en silence en lançant quelques regards noirs à celui qui pose de trop près les yeux sur elle.

        Cela fait des mois que ce monde tourne comme ça, sans compter les grandes gueules passagères, les buveurs occasionnels et fatigués, les touristes curieux qui cherchent hors des sentiers battus à humer l’odeur de la vraie vie parisienne ou les représentants de commerce qui tuent leurs batteries de téléphone portable en s’enfilant des cafés serrés sans sucre avant de se jeter à nouveau dans la circulation pour tenter d’honorer des rendez-vous prometteurs… Trois autres astéroïdes tournent assez régulièrement autour de ce monde: Louis , un retraité aviné, Éva en proie au remords après son récent divorce et Albert, couramment appelé à l‘extérieur Bob quand il avait encore quelques doses d‘herbe afghane à vendre. A l’origine “l’Helvète” faisait aussi tabac. Mais les lois de santé ont découragés les proprios, vieillissant et cherchant quelque part les grâces de Saint Pierre, de continuer à ruiner la santé de leurs concitoyens en échange de maigres revenus. La porte s’est ainsi petit à petit close sur ce cercle restreint d’habitués qui venaient, comme pour faire un vilain jeu de mot, boire en Suisse à “l’Helvète”. Je suis aujourd’hui presque sûr que c’est la radio Jazz qui était le véritable ciment entre chacun d’eux. La radio et la voix de basse qu’Yves accentuait un tant soit peu le matin pour tenir tout le monde éveillé.

    

        Ce matin là, il s’était mis à pleuvoir alors qu’Avril avait été exceptionnel de soleil obligeant ainsi Yves à sortir sa terrasse. La droite était de nouveau passée au pouvoir et les dernières analyses politiques, fines et de comptoir, commençaient à prendre un goût de déjà entendu qui les abrégeait de plus en plus vite. De toutes façons, cela se résumait toujours à ce que les impôts sont trop haut et la justice de plus en plus inefficace. En bref, un discours stérile, une sorte de résumé rapide des différents journaux télévisés. Giorgio enrageait encore intérieurement et songeait de plus en plus fort à des modèles de société alternatifs. Il venait d’ailleurs de filer du bar pour assister à une conférence sur le “Grundeinkommen”, une idée dans laquelle l’état verserait un revenu à chaque citoyen, du médecin au chômeur, du retraité au nouveau né, à chacun pour lui permettre de vivre correctement. En contre partie, tout le système de prélèvements serait reformé, simplifié, unifié dans un taux unique d’impôts. Une idée qui lui plaisait à priori par son ambition sociale et humaniste. Il avait vite découvert que le socialisme idéologique n’avait conduit qu’à des dictatures et que le libéralisme écrasait tout un pan de la société sans le moindre complexe. L’alter mondialisme le laissait perplexe car sa vision du monde était avant tout collectiviste, c’est à dire qu’il cherchait la meilleure solution pour tous. Quelque fois c’était même au détriment de son propre intérêt surtout quand il prenait la parole publiquement et chantait trop fort devant des adversaires hostiles les louanges de telle ou telle idée. La sociale-démocratie à l’européenne était déjà un souvenir historique pour lui.           
La conférence se termina peu avant midi sous une salve d’applaudissements de ceux qui étaient restés jusqu’au bout sans gueuler “conneries” ou “vive la flemme” avant de partir. Il se retrouva donc à lambiner sur le campus à assimiler tous ces concepts sous une légère bruine qui perlait le long de sa mèche soigneusement entretenue.
Sur le pavé de la place, il ne vit pas venir l’échauffourée qui opposait quelques extrémistes au crâne rasé à une bande de petits maniganceurs, plus intéressés par le vol de portables ou de gadgets électroniques que par un affrontement idéologique. Un violent coup sur la tête l’endormit pour un bon moment…

Screenplay

        Lorsque, lui sembla t-il, il se réveilla, il ne reconnu rien. Son esprit embrumé se demanda s’il était mort et au Paradis, vision chrétienne qu’il avait toujours rejeté à la grande désolation de sa mère. Lui-même avait légèrement changé d’apparence, du moins lui semblait il. Cependant dans sa mémoire, qu’il inspectait dans le moindre recoin à toute vitesse, tout semblait en ordre. Une sorte de clairvoyance inconnue l’habitait et l’aidait à garder le calme devant cette nouvelle situation. Son instinct, au contraire, l’implorait de pousser le plus grand cri qu’il n’ait jamais poussé: Il flottait sans effort au dessus du sol, dont il modifiait en permanence l’apparence, d’une villa avec colonnes et murs de pierres blanches polis. Au bout d’un long moment de semi-conscience, il réalisa qu’il était seul et les battements de son cœur ralentirent progressivement de sorte qu’il reprit petit à petit le contrôle de ses muscles. Plus tard l’idée l’amusa, mais le premier geste qu’il fit fut de chasser sa mèche vers son oreille gauche afin qu’elle lui rende l’intégralité de son champ visuel. Enfin, il pût, sans effort, se mettre debout et ses oreilles perçurent des sons qui lui étaient à la fois familier et totalement inconnus. On aurait dit qu’un DJ génial avait passé au Mix sa propre vie pour en sortir une musique itérative et transcendante. Il s’approcha, encore chancelant de ce qui lui semblait être une fenêtre et découvrit un horizon sans perspective, comme sur le grand écran d’un cinéma, qu’il pouvait, de plus, modifier à volonté sans réellement en contrôler le processus. Il savait aussi qu’il n’y avait pas de vide sous cette fenêtre, que , quelque soit l’endroit où il était, il y avait une dimension supplémentaire aux trois terrestres, trois ou quatre si l’on inclut le temps comme l’une d’elles. Il pouvait physiquement se mouvoir dans chacune des trois dimensions mais, en bonus, son esprit pouvait le transporter n’importe où, instantanément, sans plus d’effort que celui d’y penser. Or c’est toujours difficile au début de penser à ce que l’on ne connaît pas et, en bon terrien qu’il était, il se contenta de marcher droit devant. L’horizon, qui lui était bien à deux dimensions, c’est à dire totalement plat s’effaçait quand on l’atteignait et se recomposait avec un angle différent comme si l’on passait d’une cellule de ruche à une autre. Chacune des cellules avait une taille différente de la précédente et ses coordonnées se gravaient dans sa mémoire de sorte qu’il pouvait y revenir rien qu’en y pensant.

        – Curieux monde, se dit il alors qu’il venait en quelque sorte de réaliser qu’il avait changé d’univers.

Ce monde, bien que totalement nouveau, ne l’effrayait pas et éveillait de plus en plus sa curiosité naturelle…

Naturellement son esprit convergea vers “l’Helvète’’ et l’image de Sofia, souriante, apparut devant lui déployant un regard noir et inquisiteur à son encontre. Au zinc, Yves s‘affairait en arrière plan au nettoyage du grill à croque monsieur qui passerait comme d’habitude pas loin de la fusion vers 12h30. Il comprit immédiatement qu’il était beaucoup plus amoureux de cette fille qu’il n’avait bien voulu le croire jusqu’à cet instant. Giorgio, et son coté méditerranéen, voulu prendre la parole, mais aucun son ne sortit, de peur de commettre l‘impair que son orgueil ne pourrait jamais réparer. Sofia se retrouva simplement là devant lui, son regard rivé dans le sien, heureuse d’être la première à percevoir un message de cet ami, de ce probable amant, qu’elle cajolait en secret à la fin de ses journées sans pouvoir lui avouer ses sentiments. Puis Dialo apparut, dans un boubou vert et travaillé de motifs qui rendaient hommage à la nature africaine, jouant du Djembé à quatre de ses enfants alors qu’Amadou, flottant comme tous au dessus du sol, priait pour ce jeune homme dont au bar on connaissait tous l’histoire. L’émotion l’envahit, plus forte et oppressante, lorsqu’il pensa à ses parents mais ce fut bref car il fut aussitôt rassuré en comprenant qu’ils étaient morts heureux et sans douleurs dans cet accident d’avion au dessus des Alpes italiennes. Cependant, il ne put matérialiser aucune image d’eux ce qui le frustra profondément…

     

Histoire noire et regard blanc

        Rapidement après l’attaque sur le campus, dans les salles de la maison Poulaga, un légiste annonça un coma profond réversible et la police chercha les proches de ce jeune homme, inconnu de leurs services. Dans son sac en bandoulière que personne n’avait eu le temps de visiter pendant la rixe, on degotta son nom et son adresse, un carnet neuf et vierge, un paquet de tabac sec, sans papier à rouler ainsi que l’annonce de la conférence sur le “Grundeinkommen”. Une enquête de proximité fut ordonnée dés que l’on découvrit qu’il vivait seul au milieu de cette cité dévorante et fût confiée à l‘inspecteur Isabelle Ordanov, une brunette qui passait bien dans les milieux urbains en jouant tantôt de ses charmes, tantôt de l‘autorité que donne une carte de flic. Elle avait passé l’âge de séduire les jeunes gens mais son charme, allié à un physique bien entretenu, une grande bouche pulpeuse et de jolis yeux noisette, lui donnait une douceur persuasive dont elle savait profiter auprès de tous. Du moins chaque fois qu’elle parlait avec ce ton rassurant qui rappelle aux hommes leurs mères et aux femmes les mères qu’elles voudraient être.    

        En moins de deux jours, elle franchit le seuil de “l’Helvète’’ et s’y installa confortablement pour en devenir une habituée. Il faut dire que ce bar était à deux pas de chez elle et que celui qu’elle fréquentait jusqu’alors, deux rues plus au centre commençait à lui sortir par les yeux comme des larmes de colère. La déférence du patron, devenu mielleux dès qu’il connut son job, l’écœurait et elle n’avait pas besoin des petits minables qui cherchaient à camoufler leurs magouilles pour remplir son lit quand l’envie la chatouillait un tant soit peu. A ce sujet, je crois bien que c’est en approchant Annette qu’elle découvrit son penchant pour les femmes et qu’elle obtint la meilleure des descriptions de Georgio. Toutes deux furent vite inséparables dans la vie comme au bar, l’une la psy de l’autre, même si Annette se permettait encore quelques escapades masculines occasionnelles et furtives.
     Au bar, la vie continuait grâce à la bonne humeur d’Yves et aux blagues archi -connues des commerciaux de passage un peu ivres de ce mélange d’alcool et de fatigue en fin de journée. Pourtant, chaque jour à 7h30, où bien le soir après 18 heures, chaque fois que la porte s’ouvrait, dans ce tintement de clochette, chacun sortait le nez de ses occupations, au cas où le beau jeune homme soit de retour.   
      L’enquête conclut vite à une rivalité entre bandes qui avait mal tourné pour ce rêveur qui se trouvait là par hasard. Quelques uns des agresseurs furent appréhendés et, ma fois, bien vite relâchés. Seule, la volonté du professeur Dubonhard de lui rendre la vie au sein de l’hôpital de l’assistance publique encourageait l’inspecteur de police à croire encore, après toutes ces années de service, dans le bien fondé de sa mission. En tous cas, à chaque fois qu’elle était passée le visiter, le visage serein du jeune homme l’avait un peu bouleversée et elle dût vite arrêter d’y aller pour continuer à exister en tant qu‘être humain, non enragé.

     Elle eut vraiment peur, une fois, lorsqu’il ouvrit les yeux un bref instant en découvrant son regard d’abord entièrement blanc puis si doux…

Elle, comme tous, sentait sa présence dans ce bar, sans pour autant pouvoir extérioriser cette impression. Isabelle croyait que cela avait à voir avec son fils, un adolescent qu’elle adorait, turbulent, gâté… quelque part en manque de repères stables. (Il n’y avait qu’une seule chose qu’elle ne supportait pas de son chérubin: le son puissant et horripilant qu’il était fier de sortir de sa guitare électrique. A l’hôpital, tous lui parlaient calmement car, selon la théorie du prof, comme on nommait Dubonhard, il fallait stimuler les méandres de ce cerveau qui avait été salement secoué. La plupart du temps, et très vite, chacun parlait pour lui-même cherchant en quelque sorte des réponses à ses propres questions existentielles, ou bien avouait, à voix basse, les petits secrets qui oppressaient son cœur. Lorsque le soleil hachurait de lumière la pièce blanche à travers le store, il est apparu, à un moment ou un autre, à chacun des visiteurs comme une expression souriante sur le visage de Giorgio, qui le temps de réagir avait disparu. En général, le visiteur en restait perplexe mais aussi réconforté.
     L’automne s’annonçait doux et la force des habitudes avait rythmé le temps tout l’été à “l’Helvète” sous les parasols sponsorisés. Georgio, comme un gisant princier de pierre en sa cathédrale, n’avait pas bougé ni changé d’un pouce. Il faut reconnaître aussi l’excellent travail des infirmières et soignantes de cette section de l’hôpital, qui luttaient pour survivre aussi face aux restrictions budgétaires et au manque d’effectif criant. Déjà six mois que ce jeune homme était installé dans leur vie, comme un nouveau né, surtout pour les moins jeunes d’entre elles. Ann, une vietnamienne hyperactive, utilisait la douceur de ces mains, petites et rapides, pour masser ce corps endormi en murmurant des berceuses nostalgiques. Nadia, elle préférait se recueillir, fermant les yeux, en tenant cette main dans la sienne, comme pour y transmettre une chaleur animale puisée dans le soleil de son Maghreb d’origine. Enfin, Dubonhard, Louis pour ses amis, mettait toute sa conviction à lire Nietzsche ou Marx car il voulait éveiller cette fibre qu’il avait cru comprendre de gauche et humaniste, du moins pouvait-il en croire Isabelle qui s’était renseignée au cours de l’enquête. Cette thérapie n’était pas officielle mais elle présentait le double avantage de faire plaisir au prof, qui ainsi revoyait ses années de fac, et de motiver son équipe qui, de la fidélité, était passée à la dévotion pour cet homme rond sous tous les angles, du menton jusqu’au caractère.

Ce lundi là, Nadia tressaillit en entrant, se figea avant de s‘évanouir. Il flottait à cinquante centimètres du lit…

Humanum Universalis

        Il fallut longtemps à Giorgio pour maîtriser cet univers versatile qui changeait avec son humeur. Il lui fallut du temps pour découvrir que l’espace se révélait aussi vaste à la verticale qu’à l’horizontale. Il se trouvait en quelque sorte dans la situation d’un poisson fraîchement lâché dans un bassin, qui avait fait le tour du fond avant de découvrir qu’il pouvait librement évoluer dans tout le volume de l’eau. La crainte étant partie petit à petit, il se déplaçait librement et souvent au hasard dans ce monde «Rummikube«. Cependant, il n’oubliait jamais de garder un lien fort avec ses souvenirs pour pouvoir revenir, comme il l’espérait de tout son être. Sofia… alors que les mains d’Ann s’activaient en ombres chinoises sur une des visions latérales. Yves… quand Marx refondait la solidarité sous la voix de Louis. Annette… quand Nadia chauffait se main droite jusqu’à l’ébullition. Il avait, même un jour eu l’occasion de voir Isabelle changer de tenue et découvrir sa poitrine non soutenue mais ferme, directement sous la soie, alors que la nuit avançait doucement vers le lendemain. Dialo, amenait quelques gri-gri avec lui et parlait toujours au nom d’Amadou qui, lui, pensait plus utile d’implorer la grâce divine dans le calme de sa retraite que d‘affronter la peur de le voir immobile dans son lit. Il lui contait sans cesse des histoires du pays où toute vie a encore valeur et entonnait des rengaines mélancoliques mais rythmées à voix basse qui paraissaient être des prières intemporelles.

         Les mots s’associaient dans son esprit, d’une manière qu’il aurait trouvé étrange quand il courait encore les bancs de la fac parisienne. Une sorte de poésie virulente en prose à la Léo Ferré se matérialisait en images sur les parois virtuelles de son univers à facettes. Il sentait petit à petit qu’un fossé se creusait entre les évènements qu’il ressentait, ou du moins lui semblait-il, et la façon dont ceux-ci se gravaient dans sa mémoire. Une fois par le passé, il avait ressenti une telle sensation après un audacieux mélange d’herbe afghane et de pure malt 15 ans d’age. La sagesse et la solitude ne faisaient-elles qu’une? Il avait depuis quelques temps mis une croix sur ce corps qui le portait fort bien, mais qui, en quelque sorte, le gênait parce qu’il n’avait plus aucune démangeaison, aucun frémissement, aucune vibration, pas même dans son anatomie la plus intime. Il n’était en quelque sorte qu’une tempête cérébrale, une ouverture sur un monde infini de connaissances diverses et variées, une porte sur l’Histoire et toutes les philosophies. Il ne restait qu’un lien qui faisait de lui un Homme, le souvenir qui pouvait se projeter, sur tout écran, de ses amis, voire de celles qu’il n’avait jamais rencontrées avant, comme Isabelle, Ann ou Nadia, malgré cet amour plus ou moins fort qu‘elles lui portaient. Il se sentait comme une galaxie, en pleine expansion, en pleine métamorphose, passant d’atomes simples à des structures chimiques complexes, en pleine composition. Ni Dieu ni Maître. Cette formule l’amusait encore, tant elle avait éveillé dans le jeune homme qu’il était, des pistes bienfaisantes qui s’étaient refermées d’elles même dans une impasse obscure. La physique, ou plutôt la bio-chimie de son cerveau hyper-actif, n’imposait rien mais suggérait ce qui conduisait à la lumière de ses réflexions. Humanum Universalis remplaçait doucement Homo Sapiens. La science laissait la place à la méditation, dans un espace dénué de toute soumission qu’elle soit religieuse, politique ou tout autre. La science s’appuyait sur les démonstrations du passé pour explorer de nouvelles frontières alors que la méditation permettait de sauter de cellules en cellules, d’ouvrir des espaces vierges dont certains laissaient pantois. La science se basait sur l’observation, son esprit se tournait vers la pure introversion. Elle le projetait en avant avec une vitesse initiale prodigieuse, sans barrer la voie du retour dans la cellule première qu’il avait pris l’habitude de baptiser son Nid. Il savait déjà que chaque saut effectué avait crée une liaison synaptique qui continuerait de se fortifier même après un repli instinctif dans la case fœtale, source et douillette, qu’il illustrait de chaque facette d’un visage ou d’une attitude de ses amis d’antan.

     Il pensait “d’antan” car le temps n’avait plus de sens hors de la lumière du Soleil et de son alternance romantique avec la lune, qui se découvrait quand les cumulus ou autres nuages le désiraient. Sur ce socle profondément humain, se construisait une pyramide de tours Eiffel ouvrant des horizons dans tous les azimuts de la pensée…

Giorgio, je t’aime

        Un jour, semblable somme toute au précédent, alors que la radio enchaînait les accords inspirés de Joe Pass sur un standard, l’électronique de garde eu des soubresauts à l’hôpital de l’assistance publique, section des sujets d’études du professeur Dubonhard. Chaque jour la radio diffusait en atmosphère un jazz doux, rythmé et créatif qui donnait envie de claquer des doigts à chaque soignant. D’ailleurs entre intimes, Louis, le prof, avouait avoir choisi cette musique plus pour son équipe que pour le patient, qui comme son nom l’indique semblait tranquille pour un moment, qu‘il espérait malgré tout le plus court possible. L’électronique, quant à elle en dehors des alarmes liées au lampes grillées et aux défaillances des capteurs œuvrait insensible à ces vibrations sonores, selon l’allure programmée des informations qu‘on voulait bien lui transmettre. De soubresauts en soubresauts, le disque dur de l’enregistreur se remplit de plus en plus vite, jusqu’à ce que le seuil fut franchi où un signal lumineux, rouge, brûlé par la chaleur de la lampe, s’alluma dans la salle des infirmières de garde. Nadia, qui somnolait nue sous une couverture brodée au nom de l’hôpital s’éveilla par instinct une fraction de seconde avant que ce visuel irise la pièce, dont le store était clos depuis quelques heures déjà. Un coup d’œil sur la pendule séculaire du mur d’en face la fit sauter dans sa blouse, se frotter énergiquement les yeux et foncer jusqu’à la 122. Elle en avait même oublié ses sabots blancs qui gisaient en vrac au pied du lit de la salle de repos. Aurélie, la vacataire, surfait de “chat” en “chat” sur son portable perso, deux pièces plus loin, dans ce couloir obscur en convoquant des amants virtuels pour des nuits mémorables à des rendez-vous qu’elle n’honorerait jamais. Elle était tellement concentrée à décrire sa poitrine qu’elle n’entendit pas Nadia glisser dans le couloir, comme un patineur de vitesse aurait pu le faire dans une phase finale des Jeux Olympiques.

     La mort frappe si souvent et injustement les personnes que l’on aime qu’un bon sprint à demi-éveillée, la blouse attachée lundi avec le mardi, n’était rien pour Nadia. Elle glissa son regard sombre, et malgré tout gracieux sur l’afficheur orange de l’appareil, alors que la porte claquait derrière elle, et ne saisit rien du capharnaüm de chiffres que la logique numérique crachait en surface. Elle s’affala sur le lit, le prit dans ses bras encore chauds du sommeil, par instinct féminin ou maternel pour lui dire “ Giorgio, je t’aime!…”

    Sur toutes les parois de l’univers “à la japonaise”, cubiques et translucides d’ordinaire, se dessinaient maintenant les rondeurs généreuses de toutes celles qu’il voyait au plus intime de leur cœur. Elles étaient là, nues et belles, sensuelles et malgré tout secrètes , étendues, tendues et lascives, le regardant partir en souriant comme après l’orgasme. Chaque “cloison” traçait le moindre grain de peau de leur frissons à chaque souffle de brise .

     Une étrange sensation emplit Nadia eu retour, jusqu’au plus profond de son sexe, qui lui fît savoir que de toute sa vie, cet instant avait été le plus plein, l’instant essentiel, celui pour lequel elle avait lutté contre tous les tabous, tous les empêcheurs de progresser en rond, toutes ces angoisses, ces insomnies et pour lequel elle avait, en solitaire, versée toutes ces larmes d’espoir et de désespoir mêlées. Il revenait… pour elle, certes, mais aussi pour tous et toutes les autres qui avaient pendant ces longs mois franchis cette porte au fond du couloir du dernier étage, coté Nord, de l’hôpital de l’assistance publique. Il ne flottait plus au-dessus du sommier mais gesticulait de manière anarchique sous l’emprise voluptueuse qui le maintenait ainsi. Son visage se colorait un peu plus au sommet des joues à chaque mouvement. Nadia, la vierge orientale, jeune, fière et indépendante, connu cette nuit là les joies de la mise au monde, dans chacune des contractions où son corps tressaillit, pour ce jeune homme qu’elle n’avait jamais vu  marcher ou parler et qui probablement l’aurait un peu effrayé par son ouverture très large d’esprit. Elle s’évanouit, épuisée. Il la serra dans ses bras…

L’hirondelle…

        Assis sur le lit, nu comme un ver, reflétant la lumière blanchâtre du néon de la chambre, le doux visage de Nadia dans les bras et les yeux dans le vague, Giorgio ressemblait plus à une icône catholique du moyen age représentant la bonté divine qu‘à un être miraculé revenant de loin. Il prit grand soin d’étendre la jolie femme sur le lit et commença à la guider dans le nouveau monde qu’elle allait d’ici peu découvrir, multipolaire et à facettes. Il y eut bientôt, devant ce jeune homme en lévitation au dessus du fauteuil de visite, tellement de paires d’yeux ébahies dans le chambre, qu’on en oublia presque la belle endormie sur le lit, le visage serein et inerte. Seul le cri perçant qu’Aurélie lâcha en entrant la dernière fit connecter tout un chacun avec méthode et ordre à ses devoirs de soignants.

     Le répondeur téléphonique du Prof enregistrait son quatorzième message, lorsqu’il entra épuisé dans son appartement, après une nuit laborieuse avec une de ses consœurs qui l’avait finalement accueilli sur son oreiller. Machinalement, il pressa la touche de lecture et aux premiers mots, le temps de rechausser la sandale qu’il venait de faire voler, il fila, comme une comète à l’hôpital…

    La chambre 122 ressemblait plus à un hall d’hôtel peuplé de blouses blanches qu’à autre chose mais Dubonhard avait l’œil et l’esprit vif et saisit immédiatement la situation. Pourtant, il ne put s’empêcher de penser qu’il n’avait pas la gueule des meilleurs jours pour se présenter enfin à ce jeune homme qui n’avait dit mot à personne.

Il bouscula l’interne de service, planté là comme une statue de marbre, pour s’approcher de Nadia et lui prendre le pouls. Un mélange se soulagement et d’inquiétude le fit ressembler en un instant à un père inquiet de ne pas voir sa fille aînée rentrer la nuit d’un samedi soir de ses 16 ans, alors que le réveil indique une heure plus matinale que tardive, quand soudain il entend le bruit familier du moteur du scooter et le bruit des roues sur le gravier de l‘allée.

     Sans chasser personne, il alla se placer devant Giorgio et dit: «Le printemps amène l’hirondelle… Giorgio esquissa un sourire et répondit d’une voix calme et monocorde «L’hirondelle fait le printemps. A partir de ce jour, dont l’aube se dessinait à peine dans le ciel parisien, tout allait être différent. Aurélie, que ces “chat  érotiques avait un peu émoustillée, se sentit soudain gênée devant la nudité pudique et pure du jeune homme et sortit de l’armoire le jean et le pull, qu’on avait soigneusement maintenu frais et parfumé, à tour de rôle et de bonne volonté, dans l’armoire de la chambre.

     L’œil interrogateur du Prof, qui malgré son expérience cherchait ses mots, fit redescendre Giorgio sur la toile plastifiée du fauteuil. Avant de prendre la parole, Giorgio posa une main sur l’épaule du prof et le soulagea de cette dialectique qui ne voulait s’ordonner dans sa tête fatiguée… Il ‘s’assit finalement sur une chaise faite de fils en plastiques tressés qui épousait bien la forme du corps malgré son faible coût et son rythme cardiaque reprit doucement le chemin de la raison .

Nadia…

    Aucun soignant du service ne pensa à l’heure de rentrer chez lui, tous bouche bée et, il faut le dire, heureux d’être au boulot pour ce moment mémorable. Chacun, dans une posture qui trahissait quelque peu le manque de sommeil, était concentré sur chaque son sortant de la bouche du jeune homme sans pour autant oublier de surveiller du coin de l’œil sa collègue allongée sur le lit. Le diagnostic réservé des internes de service avait été rassurant mais laissait une part d’inconnue qu’il allait falloir affronter tôt ou tard.

– L’univers est versatile… Chaque facette s’ouvre sur un nouveau monde peuplé d’êtres proches… L’Amour en est un lien…

    A ces mots qui résonnaient en chambre d’écho dans son crâne, Nadia ouvrit les yeux sur un monde inconnu. Elle se trouvait comme à l’intérieur d’une sphère aux parois irisées, flottant en position fœtale en son centre. Guidée par ses yeux et par un lien externe qu’elle n’identifiait pas encore, elle tournoya sur elle même comme l’a sûrement déjà fait un astronaute en apesanteur, maîtrisant minutieusement chacun de ses gestes avant de déployer ses longues jambes. Des qu’elle toucha ce qui lui semblait être le sol, ce dernier prit une consistance et devint plat, transformant le reste de la cellule en forme d’ogive gothique. Elle n’était pas inquiète, sentant cette présence familière à ses cotés, ce qui lui donna même l’idée de libérer ses longs cheveux pour accentuer sa béatitude. Elle avança doucement, d’abord par réflexe comme un nourrisson, et s’habitua vite à la mouvance des parois qui s’aplanissaient sous ses contacts et s’ouvraient sans se déchirer vers de nouvelles cellules qu’elle illustrait d’images au gré de son envie. Leur contact évoquait la douceur de la chair mais sans la chaleur. Son guide l’avait aidé à franchir le cap de sa peur et elle se sentait pleinement épanouie, bien que fort seule ici…

Giorgio avait fermé les yeux après une longue série de courtes phrases énigmatiques, au premier abord, que l’assemblée s’était habituée à interpréter. Finalement, il dormait comme un enfant sur ce fauteuil et tous furent priés de partir. Le Prof se retira finalement vers la cafetière aux nombreuses heures de service et, au second ristreto, se décida à se raser, comme pour maintenir en action ses réflexions qui s’organisaient peu à peu… Finalement, il a su très vite qu’un transfert s’était opéré et que la présence de Georgio était due en tout et pour tout au départ de Nadia. Cela le chagrina plus fortement qu’il ne l’aurait pensé, d’autant plus qu’ il aimait bien, cette fille, de cœur selon ses critères, avec laquelle il n’était pas nécessaire de parler pour partager des choses fortes.

In Vinum veritas…

        

        Les jours passèrent et la relation du Prof avec Giorgio fut conduite sous la plus grande rigueur scientifique. Chaque entretien fut consigné. Chaque entretien se passait dans la bonne humeur et dans l‘intimité de la chambre où gisait Nadia, belle et sereine comme un ange. Giorgio s’y prêtait de bonne grâce, d’autant qu’il se sentait comme un coq en pâte. Le Prof, quant à lui, contenait toute son impatience, sa soif de savoir, et évacuait cette tension contenue devant un grand Bordeaux, lorsqu’il rentrait chez lui, en écoutant du Jazz instrumental. Des volées de notes emplissaient alors son univers alangui et pansaient les plaies cérébrales qu’il avait ouvert la journée. Quelquefois, quand l’étiquette soigneusement dessinée du Château, ne masquait plus aucun tanin, il lui semblait que son esprit se décloisonnait, comme par ironie du sort. L’histoire de Giorgio n’était-elle pas liée à un bar parisien? Mais bien plus que pour Giorgio, qui s’ouvrait de nouveau au monde terrestre, avec toutefois un regard détaché sur les événements qui déchaînaient la presse, l’attention du Prof allait à cette fille qu’il avait côtoyée ces dernières années sans réellement la connaître. Et là, point de réponse. Comment? Pourquoi? Où? Rien ne filtrait dans la journée, ni les nuits où il s‘agitait spasmodiquement sous sa couette en plume d‘oie.

     Un soir de Première Côte de Blayes 1986, il comprit qu’il devait trouver seul les réponses à ses propres questions. C’était déjà une chose que sa mère lui avait dit quand il l’avait harcelée de questions sur la sexualité, alors qu’il n’avait que quatorze ans. C’était déjà une chose qu’il s’était rappelé quand il s’était aperçu qu’il allait finir célibataire à plus de trente ans, dévoré entièrement par son boulot et sa passion professionnelle. Pat Martino faisait vibrer au son fluide de sa guitare l’air ambiant et tranquille, chic, de son appartement bourgeois, mais aussi en désordre le plus complet, lorsqu’il comprit que cette fille allongée sur le lit de la chambre 122 était la projection mentale de la fille qu’il aurait aimé avoir. Pas la femme, mais la fille, l’enfant. Il avait une envie, une volonté, un devoir de transmettre. Cette volonté de laisser une trace est tellement humaine. A la fin de la seconde bouteille, face à la bibliothèque qu’il avait toujours pris soin de garnir des meilleures éditions des ouvrages qu’il voyait en référence, il s’allongea sur le canapé et s’endormit, paisible et souriant …

Tectonique des plaques

     Nadia avançait, enfin si l’on parler ainsi dans un voyage en trois réelles dimensions, par la force de son esprit. Elle sentait depuis quelques temps que son guide lâchait les rennes. En contre partie, elle prenait de l’assurance, et son caractère oriental, issu d’une lignée de gens indépendants et volontaires reprenait le dessus. Elle pensait souvent à ses proches, mais en dehors de ceux de sa génération, elle ne parvenait qu’à matérialiser peu d‘entre eux. Petit à petit, elle s’était même focalisée sur ses collègues, car dans la vie, elle comptait ses véritables amies sur ses pouces!

     Louis ouvrit les yeux au milieu d’un carré de grandes draperies qui pendaient. Il se rendit vite compte que quelque chose d’autre que l’endroit clochait. Des draperies “pendaient” aussi du plafond mais à l’horizontale ainsi qu‘au sol dans l‘autre sens. Le souffle d’un vent, qu’il ne ressentait pas le moins du monde, agitait les draps sans que pour autant il ne puisse avoir la moindre vision de ce qui se trouvait au delà: Un horizon tout blanc, voire écru, dans les six directions que ce cube lui offrait. Bizarrement, il pensa d’abord à la bouteille de Bordeaux vide, puis à Giorgio et enfin à Nadia.

     C’est alors que l’un des rideaux, probablement celui du haut, car les repères sont perdus à ce niveau là, s’ouvrit et la belle Nadia apparut dans toute sa splendeur de jeune femme épanouie et radieuse. Par opposition à la sérénité de la jeune femme, un trait d’angoisse envahit le Prof, juste le temps de vérifier qu’il ne se trouvait pas à poil, alors qu’il se sentait si bien en apesanteur, oubliant sa bedaine naissante. Une violente secousse l’anima, comme lors de la rencontre de deux plaques continentales sur terre, jusqu’à ce que les mains de Nadia plongent vers lui et le calment dans leur contact doux et chaud. Il sut à cet instant qu’elle l’aimait comme son père …

     Autant dire qu’à l’hôpital de l’assistance publique, le monde était éruptif lorsque l’enregistreur patient de la chambre 122 envoya des signaux sismiques annonçant le retour de celle dont on avait assimilé l’état à un sacrifice pour la résurrection du jeune homme intemporel.

     Ann, de garde ce jour là, bien que préparée à cette éventualité, ne comprit que ces mots: le Prof… des draps… chez lui… transfert… et éclata en sanglots en serrant de toutes ses forces cette fille bien plus grande qu’elle contre sa maigre poitrine.

Convention…

     La convention s’ouvrit le dernier week-end du mois de Juin à Paris dans le salon “Pervenche” d‘un grand hôtel dans le huitième arrondissement. Depuis que le Prof avait intégré la chambre 122 , il ne s’était pas vraiment passé grand chose dans le service. Sans l’aide de sa précieuse et convaincante collègue Ludmilla, qui, le bruit courrait, partageait avec Dubonhard une passion pour le vin de Bordeaux et plus si affinités, il aurait été transféré dans un service VIP au Val de Grâce. Depuis ce jour, d’ailleurs, elle n’avait eue aucune difficulté à obtenir la direction par intérim du service, tant son charme slave et sa verve affûtée avaient contribué à remplir son carnet d’adresses au ministère. Enfin, aujourd’hui ils étaient là, Nadia, Ann, Giorgio et un interne qui répondait au doux nom de Jésus, à cette convention européenne sur “l’activité cérébrale dans l’état second: un transfert de la conscience, tous préoccupés par le sort de cet homme allongé dans les draps usagés de l’Hôpital de l’assistance publique. Ludmilla allait d’un instant à l’autre ouvrir la convention par une présentation sur retro-projecteur dont elle avait le secret, surtout lorsqu’il s’agissait de convaincre quelque mécène de financer telle ou telle opération. Les derniers rangs de la salle étaient complets, envahis par des étudiants motivés bruissant d’impatience. Au premiers rangs, les tempes grisonnantes et les tailleurs de marque répétaient une dernière fois leur texte, mémorisant les mots qu’ils allaient devoir accentuer pour convaincre leur auditoire, sans provoquer un flot de questions dérangeantes pour la confidentialité de leur travail.

     Ludmilla, s’installa rayonnante au pupitre, en prenant soin de ne pas prendre une posture trop hasardeuse, car elle ne s’était jamais réellement faite à ces tailleurs étroits qu’on se devait de porter à toute manifestation officielle. A ses premiers mots le silence s’installa.

     

     – Chers collègues, chers amis… et déclina ainsi pendant dix minutes l’étendue du sujet avant de finir par : je laisse la parole au Professeur LeBoeuf, un grand homme pour notre spécialité, un grand ami aussi, qui nous vient de Belgique. (Cette dernière remarque était bien entendu destinée aux étudiants des derniers rangs, car tous les autres avaient lus les nombreux écrits dans les revues scientifiques d’Eric Leboeuf). LeBoeuf illustra un propos sur la schizophrénie post-comateuse et, petit à petit les diverses sommités discoururent à grand renfort de néologismes médicaux que les traducteurs entraînés improvisaient du mieux qu’ils le pouvaient.

    A midi trente, un cocktail peu alcoolisé fût servi, alors que les étudiants fonçaient à l’extérieur dans les fast-food voisins pour déjeuner rapidement et à moindre frais. L’ambiance était bon enfant mais consciencieuse et concentrée, car chacun avait pleinement conscience de la nécessité de croiser les expériences et les méthodes pour avancer

Mes chers et éminents collègues, j’ai bien noté que bon nombre d’entre vous, avez quelque peu abusé du café pour tenir le programme de cet après-midi, mais rassurez vous, je vous ai gardé une surprise. Ne tenez pas compte de cet imprimé que nous avons pris soin de vous remettre et encouragez, Isabelle Grandin, inspecteur de police qui va vous faire partager son expérience sur un cas qui nous tiens tous à cœur, celui de notre ami, passionné, Louis Dubonhard…

Non conventionnelle…

    Un bruissement parcourut l’assemblée lorsque Isabelle arriva au pupitre. Son charme, quelque peu renforcé par un décolleté sexy, sa diction claire et son regard perçant qu’elle plantait au fur et à mesure dans celui de tous ceux qui avaient exposés le matin, lui valurent le grand prix du public, pour peu qu’il ait été attribué. Pour un outsider c’était le grand jeu. En général, ce genre d’effet avait plutôt lieu dans les cours de justice que dans une conférence européenne médicale! Il faut dire aussi que le Prof était connu, sympathique et ne comptait que des amis dans l’assemblée.

    Son coté flic lui dicta de commencer chronologiquement par l’histoire de Giorgio, qu’elle présenta à l’assemblée. Ludmilla jubilait devant tant de présence, songeant en partie à ce qu’elle allait pouvoir obtenir en contre partie. Elle ne put cependant pas s’empêcher de réprimer une pointe de jalousie, tout à l’honneur de sa féminité, devant cette femme qui avalait l’attention d’un auditoire non préparé, goulu et ravi. Isabelle n’insista pas sur le coté “neurologique” du choc sur la tête mais s’épancha sur la phase consécutive au “transfert” vers la belle Nadia. Cette dernière, bien que s’étant préparée psychologiquement, se serait réfugiée dans un trou de souris, si elle en avait vu un à sa portée. Elle était rouge comme un poivron au soleil de midi. Giorgio lui prit la main ramenant progressivement se température à une valeur raisonnable alors que son cœur s’emballait en zone rouge. Isabelle parlait de relations humaines, d’amour, de clans. Elle parlait du Prof, dont l’investissement personnel était voisin de celui des enquêteurs consciencieux, comme d’un de ses meilleurs collègues, en improvisant dans son texte avec une grande dextérité lorsque sa voix se fit un peu caverneuse. Un sourire serein éclairait son visage. Sa diction semblait maintenant sortir d’un ampli avec chambre d’écho. Elle flottait à cinq centimètres du sol et le son de sa voix disparu dans une autre dimension. Seul, un roumain qui devait justifier de ses frais, s’était muni de son appareil photo. Mais il était comme tous, paralysé devant cette vision qu’il avait plus l’habitude d’entendre de ses patients en psychiatrie que de voir de ses propres yeux.

     Chambre 122, l’électronique s’agitait de nouveau en clignotements et alarmes…

Stratégie

     Deux semaines passèrent, avant que le Prof ne fût en état de convoquer un cabinet de crise. L’ordre du jour était des plus simples: Récupérer Isabelle sans perdre quelqu’un d’autre. Les invités n’étaient personne d’autre que les membres du personnel du service et ceux qui avaient fait le voyage. Pour être clair, il n’y avait que Giorgio en plus de l’effectif habituel, et les inconditionnels de “l’Helvète”. Chacun de ceux qui avaient traversés, avaient quelques réminiscences de leur voyage, comme ils l’appelaient aujourd’hui, étrangement plus floues qu’ils n’auraient voulus l’espérer, tant leur sensation à leur retour était clairvoyante sur leurs relations avec le monde terrestre. Le quotidien et les événements liés à leurs remplaçants semblaient jouer le rôle d’une gomme qui estompait le souvenir au fur et à mesure que les jours s‘écoulaient. Dubonhard stoppa vite les murmures et s’assit pour avoir la base la plus stable possible pour diriger son auditoire.

     – Écoutez, mes amis, nous sommes face à une situation nouvelle que nous nous devons d’affronter de manière non conventionnelle. C’est pourquoi je ne vous demanderais qu’aujourd’hui de vous focaliser sur mes propos afin que vous appréhendiez bien la stratégie que je vous propose. Je sais que Giorgio, en recevant ce coup sur le crâne, a ouvert une porte sur une dimension nouvelle qui aspire, un par un et seulement un à la fois, celui ou celle qui éprouve un je ne sais quoi de fort pour celui qui erre dans ce monde labyrinthe. Je sais naturellement que cela parait surréaliste pour vous qui n’avez pas fait le voyage. Je sais aussi que nous sommes tous revenus sains et sauf mais je ne crois pas que cela soit la règle de base. J’ai, personnellement, connu l’angoisse de la solitude, la peur de me perdre dans la déraison et d’autres émotions, amplifiées, au souvenir de mes proches disparus. C’est vrai qu’en contre partie, j’ai eu l’impression d’atteindre quelque fois la plénitude, dans cet état quasi d’apesanteur mais globalement que vaut un monde “pur” s’il nous maintient isolé. Je me rappelle avoir lu de longues heures à Giorgio des textes que je pensais importants pour lui, dans l’espoir d’éveiller les régions profondes de son cerveau. Je me rappelle avoir maudit mon diplôme de médecin pour m’avoir laissé dans l’impuissance devant lui, qui petit à petit se transformait en un fils. Puis un jour, Nadia, tu as manifesté un amour si sincère qu’il t’a emporté…

    Louis fit une pause, but un verre d’eau car sa gorge s’asséchait d’émotion. Tous le voyaient directement à ses yeux qui revêtaient un bleu nuit sombre et vitreux, mais personne ne pipait. Tous savaient qu’ils étaient là pour un moment avant que la parole leur soit donnée, mais ils étaient prêts.

     – Nadia, merci de m’avoir ouvert les yeux. J’ai longtemps cherché ce lien qui t’avait emporté au-delà de cette frontière, car je m’étais imposé à moi même des frontières trop marquées: soigné-soignant, docteur-infirmière, et j’en oublie sûrement. Nous avons tous été élevés dans une culture particulière et au fur et à mesure de notre développement nous en avons oublié des pans entiers au profit d’autres, que nous avons entretenus ou totalement découverts par nous même. Qui sommes nous au regard de nos sentiments, de nos émotions profondes? Quand donc ai je pu briser cet écran mental qui m’a fait partir à ta place? Quel lien ai je tissé secrètement avec Isabelle pour la retrouver chambre 122? Je ne saurais vous répondre. L’univers extérieur qui semble nous avoir invité se présentait légèrement différent pour chacun d’entre nous, bien que sa structure, son essence, paraisse être la même. Ma stratégie ne va pas être la plus simple à mettre en œuvre et c’est pourquoi je vous demande à tous d’y adhérer ou d’en sortir. Je ne vous chasse pas de votre emploi, en aucune façon, il y a assez d’autres cas à traiter dans ce service, mais après votre décision, si elle est négative, plus d’accès chambre 122 ni de contacts avec ceux qui se sont engagés avec moi. Il n’y aura aucun jugement de valeur suite à votre décision, chacun peut et à sûrement de bonnes raisons à mettre dans la balance.

    Une nouvelle pause lui permit de jauger discrètement les regards des personnes présentes. il reprit:

     -Ma stratégie est collective. Ce lien, passionnel, nous fait passer la frontière et nous allons la passer collectivement… pour tous en revenir, nouveaux et plus forts.

     Ann, avait tout de suite vu ce qu’il voulait dire alors que l’assemblée paraissait sceptique face à ce discours. Il faut dire que dans sa culture, d’immigrée d‘Asie récente, elle avait depuis longtemps sacrifié son ego à la collectivité de ces gens qui se serraient les coudes pour s’en sortir. Elle se rappelait même, en cet instant précis que le choix d’apprendre le français, avait plus été dicté par un besoin communautaire, que par une profonde motivation personnelle, du moins à l’origine, dans son jeune âge.

     Giorgio, qui serrait la main de Sofia dans la sienne, comme une pépite d’or depuis qu’il avait osé lui dire les élans de son cœur, en ayant bien pris soin de vérifier que Nadia n’était pas sur la même longueur d’onde, souriait sereinement. Nadia, quant à elle, ignorait toutes les implications d’une telle demande, mais, elle aimait tellement les autres, qu’elle allait s’y jeter à corps perdu. Yves et Annette étaient perplexes, chacun pour des raisons différentes. Ils connaissaient l’équipe depuis longtemps et se voyaient au bar de temps en temps lorsqu’ils étaient harassés, en soirées privées pleines de rires d’alcool et de bonne humeur. En général, c’était d’ailleurs Isabelle qui débridait l’ambiance par quelque histoire dont elle avait le secret ou la mémoire… Si ce n’était cette histoire qui lui mettait le cœur à vif, elle avait hérité de son père un caractère tranché et un esprit vif, qui avait souvent fait pleuré sa mère. Si le prof avait énoncé une stratégie, elle savait d’instinct qu’elle devait et qu’elle allait en être le généralissime.

Sed fluctuat nec mergitur

     Isabelle a vingt ans. Elle vient d’annoncer qu’elle tente le concours d’inspecteur de police car la vie mondaine poitevine que lui promet sa mère ne lui convient pas. Sa sœur aînée Lise s’est mariée avec un dentiste du centre ville ayant pignon sur rue et plusieurs zéros avant la virgule sur le compte en banque, mais elle ne veut pas compter les petites cuillères, chaque mois, comme si c’était une activité en soi. Le père, qui fronçait ses sourcils garnis, vient de prendre dix ans mais n‘ose ajouter le moindre mot de peur que la rage le dépasse. Il s’était pourtant préparé à entendre tout de sa cadette, sa préférée, même s’il ne l’avait jamais avoué, car elle tenait de son propre caractère, secret et puissant. Plus tard, Isabelle avait détruit quelques amoureux et usé quelques amants sans pour autant ralentir sa course vers les objectifs qu’elle s’était fixée. Le bateau tanguait quelques fois mais restait toujours à flot, quelque voile tendue vers un monde à découvrir. Au boulot, ses indics avaient pliés les genoux devant elle. Son insatiable envie de vérité, couplée à peu de sommeil, lui donnait un taux de réussite qui laissait quelques collègues rêveurs. Une réplique du “Radeau de la Méduse” ornait son salon sur le plus grand mur et le désordre apparent qui régnait dans cette toile lui permettait de retrouver son calme, lorsqu’elle s’asseyait devant avec un Saint-émilion Grand Cru dans un verre en cristal de Bohème. Pourtant, ce soir, l’à propos de la situation avec le tableau ne lui avait jamais auparavant semblé plus grand. D’autant que le niveau de la carafe dans lequel le breuvage décantait depuis la veille baissait. L’amour, cette notion si puissante qui avait fait couler des tonnes d’encre commençait à se mêler avec des notions différentes, comme… la solidarité, l’esprit d’équipe, la fraternité, la peur aussi devant cette vision de corps dénudés, épuisés, au bout du rouleau. L’amour qui avait fait sombrer chacun ou chacune de ceux qui avaient rattrapé celui ou celle de l’autre coté de ce monde n’était pas la clef. Il n’était là que pour nous aveugler. Maintenant l’appartement tanguait. Les cris des naufragés résonnaient avant de se perdre dans l’infini. Isabelle gisait sur ce qui semblait être un canapé avant qu’il ne se transforme en madrier ocre. La solidarité…La solidarité était la clef. Pourvu qu’on puisse voir la luminosité. C’est en voulant effacer la nuit qu’elle s’endormit, une main contre son sein. La structure triangulaire et protectrice qui l’hébergeait se rétrécissait comme peau de chagrin… De multiples voix nourrissaient l’univers avide qui se relâchait. Les cloisons invisibles ou trop lointaines de sa cellule réceptrice se déchiraient un peu plus au son régulier de l’alarme électronique de surveillance vitale qui s’excitait en multiples fréquences itératives. …

Épilogue

     Je me souviens encore de l’histoire de cette femme que son mari avait laissée. Elle était belle bien que la quarantaine ait laissé quelque traces, sans compter l’éducation, et la mise au monde de deux enfants. Je la voie encore imaginer ce monde dans lequel les frontières se rompent et les êtres se regardent du fond d’eux même. Je la vois encore franchir la frontière, du gouffre de sa solitude, de cet univers sans dimension qui ne la mène nulle part.

     Je me souviens encore de l’histoire de cette femme dont le mari est décédé. Elle est belle bien que la soixantaine soit dépassée depuis longtemps. Je la vois encore imaginer ce monde dans lequel elle a virevolté, bien qu’aujourd’hui , plus personne ne croit encore en elle, et surtout plus personne ne prête attention à sa son histoire.

     Je me souviens aussi de celui que la rue a absorbé alors qu’il croyait dur comme fer en son avenir, quelques dizaines d‘années plus tôt. Un pas de coté et tout avait glissé dans ce monde diagonal qui conduit droit au bas de l’échelle sociale.

     Je n’oublie pas non plus l’homme sage et raisonnable que sa solitude agricole à enlevé aux hommes de son entourage.

     Tous, autant que nous sommes, avons franchi le pas de cet univers.

Je me souviens, encore un peu, de mon histoire qui n’a pas plus d’intérêt que ça. Pourtant, comme vous tous, combien de mondes transverses, de mondes parrallèles ai-je traversé!!!

                                 Les mondes parallèles sont à notre portée!

E.V-2007

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1 Commentaire
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Marie Mahé
4 années il y a

Les textes si longs sont difficiles à lire d’une seule traite, ce n’est pas l’envie qui nous manque c’est bien souvent le temps. Voilà pourquoi wikipen.fr devrait nous permettre de stocker certains textes en attendant de poursuive notre lecture ?. Merci j’y reviendrai promis.

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