« Les filles sont belles et les dieux sont ravis, enfin l’été ! »*

 (* Paroles tirées de la chanson « voilà l’été » – Les Négresses Vertes – groupe de rock alternatif français)

« Voilà l’été ! »…chante gaiement et plein d’enthousiasme le groupe Les Négresses Vertes, oui, voilà l’été, et avec lui les supers illusions perdues…

Je vais moins manger, j’aurai enfin envie de légumes et de fruits frais, je vais bouger, je vais méditer, je vais lire, je vais m’occuper de moi, de mon corps, de mon esprit, les journées seront plus longues, j’aurai tout mon temps, mon être va sortir de sa torpeur hivernale, mon corps va fondre au soleil et se muscler pendant les tas d’activités sportives que je vais faire, un esprit sain dans un corps sain…bla bla bla !

Oui mais mon œil, l’été, c’est hyper vicieux, parce que pour moi, ça devient surtout prétexte au farniente, aux heures de lecture sur un transat (à l’ombre !), à l’apéro avec les potes, au barbecue, aux bières, aux chips, aux saucissons, aux glaces magnum, aux soirées qui s’étirent, aux grasses mat’.

Les cigales chantant à tue-tête m’abrutissent le cerveau et la chaleur écrasante m’empêche de bouger le petit doigt ce qui me fait faire des siestes interminables desquelles je sors encore plus épuisée que quand je les commence. Alors pour la fonte au soleil et les muscles, on repassera…

C’est dimanche aujourd’hui, on est début juin et j’ai décidé de sortir enfin les vêtements d’été parce que je pense que ça y est, la chaleur est en train de s’installer et y’a urgence ! Je vais dans le garage chercher les cartons de fringues étiquetés « fringues-été » (oui en général, il n’y a pas de piège) qui y ont été entreposés en automne dernier. C’est marrant je traîne des pieds, à croire que j’ai l’intuition que ça ne va pas être un moment agréable…

C’est l’heure du tri…alors…humm trop joli ce short en jean, je crois bien que j’étais mimi avec l’an dernier. Mince, mais c’est fou ça,  pourquoi il ne veut plus coopérer…pourquoi mes fesses refusent de s’y glisser ? C’est quoi ces trucs qui sortent sur les côtés ?? C’était aussi gros l’an dernier ? Super allure vraiment, non seulement je suis étouffée mais en plus c’est d’un gracieux…bon, je ferais bien de commencer une liste parce que je sens que ce déballage va être déprimant : acheter un short en jean qui accepte de collaborer avec mon postérieur et mon bidon (et avec de l’élasthanne, beauuucouup d’élasthanne). On ne négocie pas avec le confort, surtout celui dont on a besoin pendant les apéros.
Non mais, c’est quoi cette histoire ? Cette robe ne veut plus contenir ma poitrine… je ne comprends pas, je l’ai bien mise en juillet dernier…non mais les lutins du dressing sont venus faire joujou dans les cartons ou quoi (si si, ça existe les lutins de dressing !). Je sais bien que je me suis un peu laissée aller cet hiver, mais bon, déjà, j’ai des excuses, je suis en pré-ménopause (et bim !), alors depuis quelques temps c’est le gros boxon dans mes hormones et par conséquent dans mon corps et dans ma tête, en plus j’ai toujours eu tendance à manger mes émotions (et des émotions, j’en ai beaucoup !), du coup il est vrai qu’à l’heure d’accueillir la nouvelle saison d’été, je l’ai toujours un peu mauvaise. Mais cette année, je me surpasse. Le carton va partir direct chez Emmaüs !

Il y a tout juste quelques jours, je me rêvais sirène ( depuis toute petite mon imagination est débordante…), évoluant sur la plage, avec mon nouveau maillot (une pièce, je reste un peu réaliste dans mes rêves), lunettes de soleil, ma chevelure ondulée volant, au gré d’une brise légère et agréable (appelons la Zéphyr ça fait plus classe), dense, aérienne et brillante (soupir), et voilà que je suis là, avec ma sueur qui me déclenche des pustules qui me démangent sous la poitrine à cause des plis, que mes cheveux sont secs et fourchus, que ma peau est déjà couverte de boutons de moustiques aussi gros que des grains de raisins, que mes appâts, sans soutien, se rapprochent dangereusement de mon nombril, qu’en plus je découvre qu’on peut avoir de la cellulite sur les bras et que pour couronner le tout, j’ai de nouvelles rides, notamment une qui me traumatise un peu il faut bien le dire. Je fais une pause devant le miroir et j’observe la vilaine, pile-poil à la commissure de la lèvre supérieure, à droite, bien gravée la garce…je la remarque de plus en plus, elle se creuse et progresse au fil des nuits ; faut dire que je dors n’importe comment. N’importe qu’elle femme censée, passé cinquante ans (et même avant si elle est maline !), va dormir sur le dos (si si, comme une morte !) ce qui permet non seulement de ne pas rajouter de rides supplémentaires, ni sur le visage, ni sur le décolleté mais en plus de les atténuer. Tout le monde sait ça. Sauf que moi, ben je n’y arrive pas ! J’essaie pourtant, j’y mets vraiment de la bonne volonté, je me couche dans la bonne position, raide comme un piquet, un masque sur les yeux (ah oui, quitte à faire les choses, autant les faire à fond !), mais d’une, le sommeil ne vient pas facilement dans cette position, et de deux, à peine endormie, je m’auto-trahie, je commence à me tourner, m’étaler, le masque finit sur le sommet de ma tête…en fait, je dors, le corps et le visage en tableau de picasso, alors forcément, au réveil, quand je croise mon image c’est sûr qu’on est pas sur le succès d’une expo du grand peintre, c’est un peu effrayant à vrai dire…il faut quelques heures (trop) pour que tout se déplisse (un peu), ce qui fait que tous les jours, depuis quelques mois, chaque matin, je me demande ce qui s’est passé. Je fais des bilans devant le miroir (et avant le café, je vous promets que ce n’est pas tâche facile) et chaque jour je constate que la situation a empirée.

Hier, j’étais une gamine insouciante, une ado, une jeune fille amoureuse, une mariée, une jeune maman, une amante, une femme regardée, une femme désirée et là…pouf, je suis une femme de 53 ans qui a les hormones en furie, la peau qui ramollit, le menton et les joues qui s’avachissent (par pudeur je ne parle pas du reste…), les articulations qui grincent au réveil et j’ai du mal à comprendre ce qui se passe…enfin je sais ce qui se passe, la valse des saisons, l’été qui revient trop vite et trop souvent à mon goût et les chiffres sur le calendrier qui avancent inexorablement…

Mon reflet me révèle aussi de nouveaux cheveux blancs, c’est sûr fallait s’y attendre, m ais bon, ça ne fait jamais plaisir d’observer la décrépitude s’installer sournoisement…rien ne me sera épargné cette année c’est déprimant… Je vais finir par croire que ça sent déjà le sapin pour moi ! J’ai une furieuse envie de remballer les cartons et de me pelotonner sur mon canapé devant ma série avec un thé et un paquet de biscuits.

Encore que, malgré tout, j’ai grand espoir de changer les choses bientôt, de renverser la vapeur radicalement et de pouvoir me pavaner cet été en petite robe à bretelles, petit short-débardeur, voire même en maillot de bain (toujours une pièce bien sûr).

Allez, je vous raconte. Figurez-vous que j’ai commandé des huiles ayurvédiques exceptionnelles pour le corps, le visage et les cheveux, totalement adaptées à mon dosha « pita » (j’en vois qui rigolent ! Attention ou j’arrête de raconter hein !) et qui vont me rendre la peau de mes 30 ans (ou de mes 40, j’ai pas bien compris mais bon, en résumé, on gratte des années de jeunesse quoi). Visage, ventre, bras, cuisses tout sera retendu grâce à ces merveilleuses huiles miracles, sur mesure, qui vont redonner un aspect pulpeux à tout mon corps (j’ai hâte ‼). J’ai perdu un bras pour ça (le plus moche, celui qui a le plus de boutons de moustiques et de cellulite) et, il faut l’avouer, un chouia de mes valeurs, vu la distance qu’elles doivent parcourir (pas mes valeurs, les huiles !). Parce que je peux vous dire qu’avec le trajet qu’elles se payent mes huiles ayurvédiques, depuis New Delhi, en passant par les Emirats Arabes Unis et même Chypre, ça vient de loin le machin, (Oui oui, j’ai honte, niveau conscience écologique, ça coince un peu, mais il me les fallait ces huiles, parce que moi, à ce stade, je n’ai pas d’autres solutions qui me viennent à l’esprit, à part contacter le chirurgien esthétique de Jane Fonda !) et avec le prix qu’elles me coûtent, ben j’ai envie d’y croire moi au résultat, je suis certaine que je vais me réveiller avec une peau douce, lisse et repulpée dès la première application (on est prié de ne pas me casser mes rêves les rabat-joie, j’ai le droit d’avoir le désespoir crédule). Je viendrai vous en parler après l’été, vous serez tous jaloux c’est certain, et ceux qui ont rigolé (j’ai les noms !) n’auront pas les infos !

Bref, je me suis égarée, mais en fait, je voulais dire que « voilà l’été » oui, effectivement il est là, et avec lui, une nouvelle saison, encore, qui va en pousser une autre et une autre, et que c’est pas forcément aussi gai que veulent vous le faire croire les Négresses vertes dans leur chanson, parce que les saisons, moi j’ai l’impression maintenant que ça défile comme un train lancé à grande vitesse, et qu’à nouveau, avec ce nouvel été, je remets mes émotions à nu en même temps que mon corps, que j’enlève, contrainte et forcée, les couches qui me protégeaient si agréablement, que je sors de ma confortable hibernation, que j’atterris sur un sol trop dur et que c’est encore une nouvelle confrontation avec mon corps qui devient une nouvelle confrontation avec moi-même, avec ma propre évolution, avec mon parcours de vie, avec mes limites, mes amertumes, mes regrets, mon désespoir parfois, mes renoncements, mes acceptations, ma finitude en fait… l’été, le corps est sans défense, exposé…et moi aussi.

J’étais bien dans ma torpeur hivernale, dans mes illusions, avec mes survêts, mes “moon boots” et mes doudounes.

Franchement l’été, c’est tout pourri ou bien ?