Tojo était son nom, je ne l’expliquerais pas, je n’ai su que plus tard que c’était un surnom.
C’est un soir de dérive, comme à mon habitude, accoudé au comptoir de mon bar préféré. Il existe toujours si vous passez un soir dans ma ville de Toulouse, la Bretagne en cocagne, son nom “La cale sèche” n’a gardé que le titre et refait une beauté.
Des ressacs en Garonne pour vous faire voyager, surtout après l’écume de rhums diversifiés, quelques verres ébréchés de la dernière marée, du mobilier en bois fait avec des tonneaux, de vielles bouteilles d’alcool qui sentaient le poisson ainsi qu’ un sol humide pour faire croire aux embruns, vous avez la recette pour être dépaysé.
En dissertant l’effluve des couleurs de mon rhum, j’aperçois à la proue de mon navire qui tangue, un drôle de matelot qui dessine sur des cartes, je m’accroche à la corde et je glisse vers lui, s’il me semble sympathique il paiera la prochaine.
C’était un architecte en mal de sa promise, elle venait de partir pour d’autres horizons, il avait tout lâché pour devenir artiste, préférant maintenant dessiner ses espoirs sur des toiles à gâcher, plutôt que sur des murs qui ne retiennent rien.
On a passé des heures, et quelques verres de plus, à compter les écailles de sirènes assassines, nous mêlons des breuvages en cherchant la potion qui nous rendrait plus sourd aux chants de leurs appels, et finir sur le quai, quand le port doit fermer.
Au fil de nos sorties, nous devenons amis et fervents habitués de tempêtes en tous genres.
Souvent dans son hangar, j’ai dormi j’ai mangé j’ai tiré mon filet, une fille dans chaque port, une amarre à chaque bitte, il continuait à peindre.
Il arriva un jour, mais c’est une autre histoire, j’ai arrêté de boire, j’ai trié mes amis, les lieux de perdition.
Tout à fait par hasard, dans un livre d’histoire, le dignitaire Tojo d’un ancien Empereur me revient en mémoire, mon ancien téléphone à gardé sa mémoire.
Dans un fond de garage, au milieu de cartons qui lui servaient de meubles, il ne reste que l’odeur de nos anciens ressacs, j’ai oublié son nom, je ne l’ai jamais su.