Et bien, aucun mort ne ressemble à un autre. De la même façon que vivants, nous sommes tous différents les uns des autres, nous sommes tous différents dans la Mort. Cependant, il existe évidemment un lien de cause à effet entre la cause de la mort et l’apparence qu’elle prend physiquement. Mourir d’une longue maladie ne laisse pas les mêmes stigmates que mourir de « sa belle mort », à un âge vénérable en ne se réveillant pas un beau matin comme on en avait bêtement l’habitude. Vous n’êtes pas plus lents que la moyenne et vous vous doutez bien qu’un suicide par balle ne ressemble pas à une rupture d’anévrisme. En dehors de ces choses plus ou moins logiques, nous allons essayer de creuser un peu plus…
Difficile de parler de l’état d’un défunt sans évoquer son degré de décomposition… Cela dépend du délai entre le décès et la découverte du défunt mais aussi de beaucoup d’autres paramètres que nous allons tâcher d’énumérer ensemble.
Parlons d’abord de l’environnement où s’est produit le décès. Sec, humide ? Chaud, froid ? Cela change tout et peut soit accélérer la décomposition, soit la freiner… L’humidité est particulièrement importante dans la décomposition. C’est elle qui accélère le processus, à la seule condition que le défunt soit à l’air libre. Car curieusement, un corps complétement dans l’eau ou sous terre se décompose moins vite car la décomposition a également besoin d’air pour s’activer ! Et pourquoi donc, me demanderez-vous ? Parce que nos amies les bactéries, présentes dans l’air, se font un petit buffet avec le corps et participent au processus de décomposition ! Si le défunt est complètement immergé ou inhumé, elles ne peuvent pas aller manger ! Et bon appétit, si toutefois vous êtes en train de vous nourrir, vous aussi !!!Pour en revenir à l’humidité, plus elle est importante, plus la décomposition est rapide.
Cependant, la température joue elle aussi un rôle non négligeable. Plus il fait chaud, plus la décomposition est accélérée. Petit exemple, peu ragoûtant mais bien explicite : laissez un steak sur votre rebord de fenêtre l’été et refaites l’expérience l’hiver… Je suis sûre que vous voyez où je veux en venir… Bon, l’idéal est de me faire confiance, au vu du prix de la viande actuellement… Mais si vous êtes joueurs, ou que vous avez des denrées périssables à jeter par la fenêtre, vous noterez que l’été, les mouches se mettent de la partie. Et n’arrangent absolument pas notre affaire ! En bref et en gros, le chaud est propice aux bactéries présentes dans notre corps et à celles de l’extérieur mais également à la prolifération des insectes. Ce travail d’équipe contribue à une décomposition accélérée du corps.
Petite parenthèse, histoire que vous ne vous fassiez pas trop de films : généralement, les insectes ne sont pas un problème l’été si on prend les mesures adéquates. Bien sûr, s’il s’agit d’un décès en pleine nature, au mois d’août, et qu’on ne le retrouve que quelques jours plus tard, là, oui, cela va être très très problématique ! Mais nous sommes bien d’accord pour dire que ce genre de circonstances ne représente qu’une toute petite partie dans l’immense diversité du top 1000 des façons de mourir… Pour les décès « classiques » (dans un domicile, établissement hospitalier, EHPAD), à condition qu’ils soient découverts rapidement, vous n’aurez pas à subir de ce genre de désagréments. Attention cependant aux fenêtres ouvertes, sous prétexte d’aérer pour qu’il n’y ait pas de mauvaises odeurs… C’est la porte ouverte aux mouches… Et là, oui, encore problème… Car ses bestioles pondent plus rapidement qu’on ne le croit, dans les cavités naturelles du corps, puis prolifèrent rapidement pour ensuite se taper un petit gueuleton. Et vous n’avez pas du tout envie de voir ça. Donc si votre défunt est resté à domicile ou dans tout autre pièce avec fenêtres, ne les ouvrez jamais ! Même si vous trouvez qu’il fait chaud, ou que vous avez l’impression qu’il y a une odeur, vous n’ouvrez pas les fenêtres. C’est une règle sur laquelle il ne faut pas transiger. Sachez que même un défunt ayant eu un soin de conservation les attire et ne les empêchera pas de pondre… Il est à noter que les courants d’air et changements de température altèrent le corps du défunt et peuvent également accélérer la décomposition… Au final, en pensant bien faire, vous multipliez les risques de dégrader l’état de l’être cher. Petit conseil de thanato : si votre défunt repose dans son domicile, n’hésitez à suspendre des rouleaux de papier tue-mouche… Inesthétique, soit, mais efficace… C’est moche à souhait mais ça reste encore le moyen le plus efficace pour empêcher ces bébêtes de venir squatter le corps ! En sachant que ce n’est pas garanti à 100%, la vigilance sera toujours de mise. Si les pompes funèbres que vous avez choisies sont professionnelles et consciencieuses , elles sauront vous informer des précautions à prendre dans cette situation. Et nous fermons cette parenthèse !
On a fait l’humidité et le chaud, faisons le froid ! C’est plus simple : quand il fait froid, il y a moins d’humidité, moins de bactéries et moins d’insectes… Donc ça ralentit la décomposition !
Et dans un milieu sec ? Pareil ! Pas d‘humidité donc beaucoup beaucoup moins de bactéries… et moins d’insectes car ils préfèrent pondre en milieu humide… Donc le sec ralentit également la décomposition !
Pour résumer : le froid, bien ! Le sec, bien ! Chaud et humide, pas bien, mauvais combo ! Ce n’est qu’un résumé succinct et simplifié pour vous démontrer que l’aspect d’un mort peut énormément varier et qu’en dehors des circonstances de son décès (vieillesse, maladie ou accident pour faire simple), l’environnement a également une grande importance.
Je vais maintenant vous parler de la fameuse rigidité cadavérique et sa compagne de route, la lividité.
La rigidité, ou rigor mortis (c’est plus mignon), correspond à l’enraidissement progressif des muscles de votre défunt. Elle s’installe généralement autour de 2 à 4 heures après le décès, atteint son apogée vers 8/12 heures pour disparaître au bout de 36 heures. Ce n’est pas une science exacte, encore une fois, chaque cas est différent et sa rigidité dépendra de l’environnement, de la cause du décès, de la musculature et même de l’activité physique qu’il y a pu avoir avant la Mort ! Ainsi, des températures élevées et une activité musculaire intense avant le grand plongeon accélèrent par exemple l’apparition de la rigor mortis ! Si vous êtes attentifs, vous avez dû comprendre que c’est un phénomène passager… qui disparaît spontanément au bout de 36 heures (approximativement). Votre défunt redevient souple passé ce délai. Mais il est également possible de l’enlever avant ! C’est ce que l’on appelle généralement « casser la rigidité cadavérique » … Formulation qui me rend folle… Car non, les thanatos, quand il s’occupe d’un corps, ne cassent pas les os pour pouvoir l’habiller !!! Nous ne sommes pas des monstres, quoi qu’on en dise ! Nous nous contentons de mobiliser doucement les articulations afin de dissiper la rigidité et redonner sa souplesse au défunt. Les soins de conservation ou la toilette mortuaire, suivies de l’habillage, se font dans la douceur, sans bris d’os et aucun défunt n’est maltraité durant l’opération.
On passe à la copine ? La lividité, ou livor mortis, correspond à la coloration violacée de la peau du défunt dans les parties déclives en épargnant les points de pression. Pour faire simple, comme il n’y a plus de circulation sanguine, le sang se dépose par gravité… Si le défunt est allongé sur le dos, les lividités apparaîtront au niveau du dos, de la nuque, des mollets. À contrario, les points de pression comme l’arrière du crâne, les omoplates, les fesses et les talons resteront de couleur normale. Les lividités commencent généralement à apparaître au bout de 2 heures suivant le décès mais sont effaçables quand on appuie dessus, et ce, jusqu’à la 12ème heure. Ensuite, elles deviennent permanentes… Mais heureusement, les thanatos et leurs soins de conservation sont là ! Oui, je prêche un peu pour ma paroisse mais c’est par réelle conviction ! Avouez que ce serait louche si je doutais de ce que je fais… Alors nous disions que grâce au travail méticuleux des thanatos, les lividités peuvent disparaître lors du soin de conservation, si celle-ci sont encore mobiles, donc si le soin se fait dans les 12 heures après le décès. Quand les lividités sont fixes, il reste la solution du maquillage pour atténuer celles qui sont visibles lors de la présentation du défunt. Il est nécessaire également de comprendre que seul un soin de conservation est susceptible de faire disparaître les lividités. Ce n’est pas possible dans le cadre d’une toilette mortuaire, même si le thanato tâchera toujours de positionner votre défunt de telle façon que les lividités soient le moins visibles possibles. Pour cela, il est notamment essentiel de bien relever sa tête afin que le sang ne s’accumule pas au niveau des oreilles, du cou et de la nuque et de placer les mains vers le haut (sur la poitrine ou sur le ventre). Ces simples gestes permettent déjà d’épargner les parties du corps qui seront visibles une fois l’habillage fait. Retenez que tout est toujours mis en œuvre pour que votre disparu soit le plus beau et présentable, dans la mesure du possible.
Si malheureusement le corps du défunt ne permet ni soin, ni toilette, ni même une présentation, les professionnels du funéraire sauront vous donner les explications adéquates, voire peut-être vous proposer des solutions alternatives. Par exemple, à la suite d’un suicide par balle (au niveau de la tête), il se peut qu’une présentation soit difficilement envisageable si le visage est trop abîmé. Quand le thanato peut faire une reconstruction faciale, il en avise la famille et lui donne les précautions à respecter, comme ne pas embrasser ou toucher le visage du défunt. Mais dans le cas où ce n’est pas réalisable, il est toujours possible par exemple de cacher le visage et de ne montrer que les mains et les avant bras, surtout s’il y a toujours la présence d’une alliance ou d’un bijou habituel, voire d’un tatouage, d’un grain de beauté ou tâche de naissance. En gros, n’importe quel signe distinctif qui permet de reconnaître le défunt malgré le visage dissimulé. Certaines personnes ont un besoin absolu de voir, pour réaliser et commencer leur travail de deuil. Il ne faut jamais hésiter à en parler aux professionnels et à poser vos questions. Un thanato répondra toujours et saura vous rassurer. Son rôle consiste aussi à vous conseiller et vous orienter vers la meilleure solution.
Un dernier point avant de clôturer ce chapitre. Qu’en est-il de la température du corps ? Pour ceux qui ont déjà touché un défunt, vous l’avez trouvé froid. On dit toujours que le corps refroidit après le décès. Ce qui est généralement vrai. Car dans les faits, la température du défunt s’équilibre avec la température de l’environnement dans lequel il se trouve. Ainsi, dans une pièce à 30°, sa température sera également de 30°, ce qui, par rapport à nos 37° à nous, vivants, nous paraîtra toujours froid. En règle générale, le corps perd 1° par heure jusqu’à s’harmoniser avec la température ambiante. Mais vous l’aurez compris, si le décès survient dans un milieu très chaud (plus chaud que nos 37° corporel), le corps ne refroidit pas, il se réchauffe ! Et oui ! C’était une petite précision pour la route, histoire de pouvoir se la jouer au détour d’une conversation… et si vous avez ce genre de discussion, bah, on dira juste que vous abordez de curieux sujets pour alimenter un dialogue ! Je vous conseille toutefois d’éviter d’en parler au cours d’un repas en famille (on vous traitera de dégueulasse) ou lors d’un rendez-vous drague (on se demandera si vous n’êtes pas un psychopathe)…
Je vous laisse avec ces nouvelles informations et n’oubliez pas, en parler, ce n’est pas trépasser!