QUINZE — ALEXANDRE
Deux semaines étaient passés depuis le malaise de Sébastien. Il ne buvait plus, et se ne sentait pas très bien car il était en manque, mais il tenait.
Ce week-end, nous avions décidé de proposer notre aide à un déménagement pour nous faire un peu d’argent. C’était un grand appartement à Paris. Nous tentions de faire passer une étagère dans l’embrasure de la porte mais elle s’était coincée, je tirais et Sébastien poussait.
– Bon, attention, me prévint-il, je vais pousser un gros coup, d’accord.
– OK, répondis-je.
Il inspira profondément. Et il poussa de plus belle. L’étagère se délogea brutalement et s’enfonça dans ma main qui était coincée contre le mur. Un craquement sinistre se fit entendre, je hurlai. Il lâcha tout et se précipita vers moi.
– Je crois que je me suis cassé la main, gémis-je.
– Bon, je vais t’emmener à l’hôpital.
Il s’excusa auprès des déménageurs qui lui dire que ce n’était pas grave.
Nous descendîmes donc pour rejoindre la voiture qui nous attendais dehors, c’était la voiture que nos parent nous avaient léguer. Il m’aida à m’attacher, puis s’assit derrière le volant.
Après plusieurs minutes de conduite, je l’entendis pousser un soupir tremblant. Je me tournai vers lui, il était en sueur et n’arrêtait pas de gigoter.
– Tu te sens bien ?
– Oui, oui, dit-il, mais je sentais qu’il mentait.
Il grilla un feu et se fit klaxonner.
– Oh là ! m’écriai-je, arrête toi ! Tu as grillé un feu, tu n’es pas bien ! Arrête-toi !
– Non, non, marmonna-t-il, il faut que je t’emmène à l’hôpital.
Il s’était trompé de route, nous étions sorti de Paris mais pas du bon côté. Je le lui fis remarquer et il poussa un gémissement entre ses dents pour toute réponse.
Il y avait un espace sur le bord de la route pour se garer et il décida d’y faire demi-tour. Mais son virage était mal engagé, je vis l’arbre foncer sur nous.
BOUM !
Nous l’avions percuté. Sa ceinture n’étant pas bien mise à cause de ses gigotement, Sébastien fut projeté en avant et il défonça le pare-brise. Moi, je m’étais préparé au choc et je ne me pris que l’airbag en pleine face.
Le visage en sang, Sébastien se tourna vers moi. Il respirait difficilement, sa cage thoracique avait dû être enfoncée dans l’accident. Il fallait qu’il soit soigné au plus vite. Je m’apprêtais à saisir mon téléphone, mais il murmura :
– Je suis désolé. Je t’aime.
Et il mourut, là, sous mes yeux.
– NON !
Je ne voulais pas y croire. Il pouvait encore être sauvé. Ce n’était pas possible, je venais juste de le retrouver.
Je sentis des bras me tirer vers l’arrière, des gens me parler. Mais je n’entendais rien, je ne voyais rien. Juste son visage couvert de sang, ses lèvres qui remuaient doucement pour dire ses dernières paroles : « Je suis désolé. Je t’aime ». Je revoyais aussi le parquet ensanglanté, le regard vide de maman, celui, suppliant, de papa, et le chef des hommes qui avaient bouleversé ma vie. Les derniers mots de mon frère se mélangeaient avec la phrase qui hantait mes cauchemars : « Regarde, c’est un morceau de ton papa. Garde-le pour te souvenir de moi. ».
On m’emmenait dans une ambulance, mais je m’en fichais.
« Garde-le pour te souvenir de moi », « Je suis désolé », « Regarde, c’est un morceau de ton papa », « Je t’aime », « Je suis désolé »…
Je hurlai.
Je sentis une douleur dans l’avant-bras, et je sombrai dans un sommeil agité.