DIX-NEUF — ALEXANDRE (suite)
Mais la tâche qu’il me confiait n’allait pas être facile à réaliser. Et j’avais des problèmes plus urgents pour le moment. Je n’arrivais pas à croire que mon oncle ait tué mon père et ma mère.
« Regarde, c’est un morceau de ton papa. Garde-le pour te souvenir de moi. ».
Je m’assis sur mon lit et posai le testament de mon frère et le journal de mon père à côté de moi. Maëlle s’assit de l’autre côté.
Soudain, une toute autre réalité m’apparut : j’allais devoir retourner dans un orphelinat. Cette constatation me foudroya. Non ! Je ne voulais pas retourner dans un tel endroit. Je me levai.
– Où vas-tu ? demanda Maëlle.
– Je ne peux pas rester ici. Cet appartement ne m’appartient pas. Je vais envoyer un message à Mme Mousset pour la prévenir de mon retour.
– Qui est cette dame ? Ton retour où ?
– À l’orphelinat.
Je crachai ce mot. Ce mot infâme qui signifiait l’horreur pour moi.
– Quoi ? Mais je croyais que tu détestais cet endroit, remarqua mon amie.
– Oui. Mais je n’ai pas le choix, je ne suis pas majeur.
– Bien sûr que tu as le choix, on a toujours le choix. Tu dois bien connaître quelqu’un qui peut t’héberger, un ami de tes parents ou un oncle ?
Sa remarque me fit rire.
– Un oncle ? Oui, j’en connais un. Même qu’un jour, il m’a offert un doigt.
Elle comprit immédiatement. Apparemment, l’histoire de l’homme qui a mis un doigt dans ma poche l’avait marquée.
– Oh. Je suis désolée, je ne savais pas.
– Moi non plus, marmonnai-je.
Elle ne releva pas, même si je savais qu’elle n’avait pas compris. Elle réfléchissait.
– Ce n’est pas grave, tu ne peux pas me sauver à chaque fois, la rassurai-je.
Ma remarque semblait l’avoir interpellé. Elle pesait le pour et le contre d’une solution. Cela ne me semblait pas une bonne idée. Mais elle proposa tout de même :
– Tu peux venir chez moi.
J’étais bouche bée. Je ne m’attendais pas du tout à ça. J’allais protester mais elle me prit de vitesse.
– Juste quelques mois, le temps qu’on te trouve une solution plus stable.
– Non ! Évidement que non ! Je ne vais pas m’imposer chez toi !
– Réfléchis Alexandre. Est-ce que tu préfères t’imposer à une famille aimable qui pourrait t’accepter ? Ou tu préfères vivre à nouveau à l’orphelinat avec des imbéciles ?
Je réfléchissais. Pourquoi pas ? J’aurais le temps de trouver un logement, une collocation par exemple, je pourrais mentir sur mon âge. Mais il restait un souci.
– Euh… Pourquoi pas ? Mais… j’ai deux questions : un, tu crois vraiment qu’ils vont accepté d’héberger un SDF ? Deux, elle est comment ta famille, tu crois que je pourrais vivre avec eux ?
Elle sembla hésiter.
– Je pense que je peux réussir à les convaincre. Et mes parents sont un peu spéciaux mais ils ne sont pas méchants et mon petit frère… il ne te posera pas de problème.
« Un peu spéciaux », je sentis que ça n’augurait rien de bon.
– Dans ce cas, on peut essayer, dis-je malgré tout.
Elle hocha la tête, comme pour se convaincre que c’était la meilleure solution, et elle s’en alla. Je m’allongeai sur mon lit.
Je ne comprenais pas pourquoi Maëlle tenait tant à m’aider, mais, en ce moment, j’avais besoin d’aide, alors je ne disais rien. Elle était vraiment une fille extraordinaire, elle voyait le bon dans les personnes les plus sombres, elle souhaitait une vie meilleure aux personnes les plus mauvaise, sa personnalité n’était que bonté. Elle m’épatait, et j’étais content qu’elle soit mon amie.
Mais l’idée d’habiter chez elle me semblait un peu trop. J’allais entrer dans son cercle privé, j’avais remarqué qu’elle ne m’avait jamais parlé de sa famille, alors qu’elle me propose d’habiter sous le même toit qu’elle avec sa famille… Elle s’en fichait que je découvre ses problèmes tant que cela résolvait les miens. Elle était vraiment incroyable.