VINGT — MAËLLE
Je ne savais pas exactement pourquoi je lui avais proposé de venir chez moi, mais je commençais à regretter. Je lui avais donné de l’espoir alors que ça n’avait que très peu de chance d’aboutir. Premièrement, ma mère n’allait jamais accepter : pour une bourgeoise comme elle, aider une personne en difficulté était hors de question. Deuxièmement, Alexandre n’allait jamais pouvoir vivre avec ma famille : ma mère allait lui poser des questions embarrassantes, mon père allait lui faire des blagues à longueur de journée et mon petit frère allait le regarder curieusement sans dire un mot (ce qui allait énerver mon ami).
Mon téléphone vibra. C’était Alexandre, il me disait qu’il avait obtenu dix jours. Dix jours ! Ça allait être juste. Il faudrait que j’en parle dès ce soir. Comme le dit si bien Géronte : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? ».
Au dîner, j’attendais le moment propice pour parler d’Alexandre. Mais ma mère ne parlait que de son travail.
– Oh ! Vraiment, je n’en peux plus !
Ça y est, cette phrase enclenchait toujours un blanc. Je me lançai :
– Ah, maman. J’ai lu un truc qui m’a fait penser à toi, ce matin.
Voilà, je jouais la carte de la curiosité. Cela sembla marcher, elle se tourna vers moi.
– C’était un article qui parlait d’une nouvelle tendance, continuai-je.
Elle avait mordu à l’hameçon. Ma mère adorait les « nouvelles tendances ».
– Ça consiste à aider une personne en difficulté, lançai-je finalement.
Mon annonce tomba à plat. Dans ma famille, assembler les mots « aider » et « personne en difficulté » était interdit. Mais je le faisais pour Alexandre. Je jetai ma dernière carte, que j’avais nommé « la carte du bourgeois méprisant ».
– En fait, une personne aisé aide une personne en difficulté, comme ça elle ne passe pas pour un bourgeois méprisant.
Ouf ! Ça avait marché. Maman s’était penché, intéressée. Ma mère détestait qu’on pense qu’elle était une bourgeoise méprisante, ce qui était en fait le cas. Et je lui avais donné une solution pour rehausser sa popularité.
– Vraiment ? dit-elle, tu crois que ça marche. Ça pourrait être une de ces idioties à deux balles.
– Bien sûr que ça marche. Ça marche même super bien, parce que la personne que tu as aidé va aller dire à tout le monde que tu l’as aidé.
Elle fronça les sourcils, je ne l’avais pas convaincue.
La chute de l’histoire va très bien avec le titre !!