VINGT-SEPT — ALEXANDRE
Vendredi matin, je commençai sérieusement à m’inquiéter. Il ne me restait que deux jours et si Mme Stern refusait (ce qui était hautement probable) je n’aurais pas le temps de prévenir l’orphelinat et je passerais une nuit (peut-être plus) dehors.
Alors que je prenais mon petit déjeuner avant d’aller au collège, je sentis la crise de stress arriver. Je me levai d’un bond et m’agrippai au plan de travail en respirant profondément. Mais je n’arrivais pas à me calmer, la tension était trop forte. Ma respiration devint saccadée.
Trop concentrer sur ma crise, je ne prêtai pas attention à la porte qui s’ouvre, sûrement chez les voisins. Soudain, je sentis une paire de bras m’entourer par derrière, ce contact ne m’aida pas à me calmer, au contraire.
– Maman a accepté ! Tu es sauvé ! entendis-je dans le lointain.
Lorsque, au bout de plusieurs secondes, je compris ce que je venais d’entendre, je me retournai et fit face à Maëlle, qui s’était reculée en remarquant que quelque chose n’allait pas. Je ne me détendis pas pour autant, je ne parvenais pas à y croire.
– Quoi ? bredouillai-je.
– Maman a accepté, répéta-t-elle calmement avec un grand sourire, tu vas pouvoir venir habiter à la maison.
Elle confirmait ce que j’avais compris.
Sous le coup de l’émotion, je ris à gorge déployée, presque hystérique. Une fois calmé, je m’approchai d’elle et la pris dans mes bras, elle répondit à mon étreinte.
Pendant qu’elle me serrait dans ses bras, une révélation s’imposa à moi : j’allais pouvoir partir de cet appartement, j’allais pouvoir vivre sous le même toit que mon amie, j’allais pouvoir venger mes parents.
Cette réalité me fit sursauter. Je me détachai de Maëlle et me précipitai dans ma chambre. J’attrapai un grand sac et commençai à y fourrer des affaires en vrac. Maëlle m’interrompit :
– Alexandre, qu’est-ce tu fais ? Tu déménageras demain, il faut qu’on aille au collège maintenant. On est déjà en retard.
Je la regardai. Elle ne comprenait pas l’urgence de la situation, il fallait encore que je lui explique.
– Maëlle, je ne peux pas attendre. Je ne veux plus jamais remettre les pieds dans cet appartement.
Elle ne pouvait pas comprendre que cet appartement me rongeait de l’intérieur. J’y voyais Sébastien partout, ici en train de rigoler à ses propres blagues, là en train de s’énerver parce qu’il n’y a plus rien dans le frigo, là-bas en train de désespérer parce qu’il n’y a plus rien dans le porte-monnaie. Je revois chaque moment que j’ai passé en sa compagnie dans cet endroit. Je ne peux pas y rester alors que je sais que je peux partir.
– Je sais, dit-elle. Mais ça ne sert à rien. Maman est partie au travail et elle n’aimerait pas voir que tu t’es installé alors qu’elle n’était pas là. Et puis, on doit aller au collège, il ne faudrait pas que Maman pense que tu as une mauvaise influence sur moi.
Elle avait raison, je le savais. Je lâchai mon sac et m’effondrai sur le lit en soupirant. Elle attrapa mon sac de cours et me pris par l’épaule pour me relever, je la suivis dehors. L’air frais me revigora et je repris une contenance.
– Désolé, marmonnai-je. Je me suis un petit peu emporté.
Elle sourit, et ne dit rien.
Nous arrivâmes avec dix minutes de retard en cours de maths. Le professeur nous regarda de travers, mais ne dit rien. Les élèves, quant à eux, nous observèrent tandis que nous gagnions nos places en silence, ils étaient surpris de nous voir arriver tout les deux en retard. Tout le monde savait que nous étions amis, mais ils ne s’imaginaient pas que nous nous retrouvions le matin, ce qui n’était pas le cas.