Cauchemar – 39

4 mins

                                    VINGT-HUIT — MAËLLE

    Je ne me réveillai qu’à neuf heures et demie et le message d’Alexandre me prit au dépourvu. Je me levai brusquement, m’habillai et mangeai en vitesse.
    Mes parents dormaient encore. Seul Nathan était parti courir de bonne heure et n’était pas revenu. 
    Il ne restait plus qu’une heure et mes parents n’étaient toujours pas levés ! Ce n’était pas possible. Alexandre n’arriverait jamais à l’heure qui conviendrait à Maman. En plus, il pleuvait, donc il ne pourrait pas attendre dehors que mes parents soient prêts.
    Après mûre réflexion, je décidai d’attendre au cas où ma mère se réveillerait avant dix heures vingts, sinon j’irai chercher Alexandre malgré tout.
    Je tentai de faire mes devoirs en attendant l’heure propice, mais je n’arrivai pas à me concentrer. Les chiffres et les formules de mathématiques s’embrouillaient pour former le visage inquiet d’Alexandre. « Comment ça, emprunter de l’argent ? Mais qu’est-ce qu’il avait encore fait ? », « Est-ce que cela avait un rapport avec son oncle psychopathe ? Ou avait-il d’autres problèmes dont il ne m’avait pas parlé ? ». Les questionnements et les hypothèses sans queues ni tête remplaçaient les vers de Victor Hugo.
    Le retour de Nathan interrompit mes pensées. Comme d’habitude, il ne paraissait pas du tout épuisé, alors qu’ils couraient parfois plus de deux heures ! Il fit un signe de tête pour me saluer et monta prendre sa douche. Et je replongeai dans mes réflexions.

    N’y tenant plus, à dix heures et quart, je partis en courant à l’appartement d’Alexandre. Il ouvrit aussitôt après que j’ai sonné, il était pâle et respirait bruyamment, mais il était content de me voir.
    – Te voilà enfin ! s’exclama-t-il dans un souffle.
    – Oui, désolée de t’avoir fait stresser, mais je ne pouvais pas venir trop tôt. Même maintenant, Maman ne va pas être contente, elle sera juste levée lorsque tu arriveras.
    – Oui, je sais. Moi aussi j’aurais préféré ne pas fâcher ta mère, mais le propriétaire ne me laisse pas le choix.
    Je hochais la tête. Je me doutais bien qu’il ne l’avait pas fait exprès.
    – D’ailleurs, on ferait bien de se dépêcher de partir, ajouta-t-il en regardant sa montre.
    – D’accord. Où sont tes affaires ?
    Il désigna un grand sac de sport, son sac de cours et un carton qui se trouvait au pied du canapé.
    – Seulement ça ! m’exclamai-je.
    – Ben… oui. On n’avait pas grand-chose à l’orphelinat…
    Ne souhaitant pas raviver ses mauvais souvenirs, je me dirigeais vers le sac et le mis sur mon épaule. Alexandre réagit aussitôt en me le reprenant pour le mettre sur sa propre épaule, mis aussi son sac à dos et souleva le carton.
    – Toi, tu tiens le parapluie, déclara-t-il en souriant.
    Ce ne furent pas ses paroles qui me surprirent, mais son sourire, ce n’était pas un faible sourire comme d’habitude, c’était un vrai sourire qui se reflétait dans ses yeux. D’un coup, tous mes doutes, toutes mes inquiétudes sur son aménagement furent dissipés par ce magnifique sourire. 
     Remarquant mon trouble, il déposa le carton et les sacs et me regarda. Nous restâmes plusieurs minutes les regards profondément liés. Puis il s’approcha doucement et me prit dans ses bras.
    – Merci, murmura-t-il dans le creux de mon oreille.
    Pour toute réponse, je le serrai plus fort contre moi. Je finis par le relâcher lentement.
    – Allez, il faut vraiment qu’on y aille.
    Il hocha la tête, encore émut par notre étreinte.
    Il me tendit le parapluie, mis un sac sur son épaule, l’autre sur son dos et pris le carton. Et nous sortîmes enfin de l’appartement. Alors qu’il m’avait dit qu’il voulait en partir au plus vite de cet endroit maudit, je le sentis submerger par l’émotion lorsque je fermai la porte. Mais il n’en montra rien et nous mena vers l’escalier.
    En descendant, nous croisâmes le propriétaire ! Enfin, je ne savais pas qui il était, mais je compris rapidement, car Alexandre s’arrêta brusquement et se redressa de toute sa hauteur.
    – Rebonjour monsieur, dit-il en accentuant le grave de sa voix.
    L’homme, qui ne l’avait apparemment pas reconnu, sursauta en entendant sa voix. Mais il se reprit rapidement :
    – Oui, oui. Rebonjour monsieur.
    L’utilisation de cette marque de politesse me surprit, mais ne sembla pas déstabiliser mon ami.
    – Je vois que vous partez, dit le propriétaire.
    – En effet.
    L’homme regarda sa montre.
    – Je constate que vous vous y prenez à la dernière minute.
    – Mais je suis parti. Je vous remercie donc de votre hospitalité et je vous dis au revoir.
    Et, sans attendre une réponse, il recommença à descendre. L’homme fit un vague geste de la tête et continua à monter.
    Une fois en bas, j’ouvris le parapluie et nous sortîmes. Alexandre, qui m’avait paru tendu dans l’immeuble, se détendit instantanément.
    – Je déteste cet homme, marmonna-t-il entre ses dents.
    – J’ai bien vu. Mais, qu’est-ce tu nous as joué tout à l’heure ?
    – Ah, ça. Je n’aime pas que les adultes me prennent de haut alors je me grandis en accentuant sur ma voix grave et je prends un air de professionnel, ça marche plutôt bien.
    – Tu sais, tu devrais faire du théâtre.
    Il se rembrunit.
    – J’en ai fait. Avant.
    – Ça se voit, dis-je simplement.
    Il respira profondément, comme pour chasser les mauvais souvenirs. Alors, je changeais de sujet.

    Arrivés devant ma maison, nous attendîmes plusieurs minutes sous le porche, hésitant de la démarche à suivre.
    – Bon, je vais rentrer et… les préparer, décidai-je finalement.
    Il acquiesça et j’entrai.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx