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La première journée du trajet se déroula sans encombre avec toujours la même forêt sombre pour paysage. Liney commençait à s’endormir bercée par le cheval. Tholgan lui de son côté ne montrait aucun signe de fatigue et était bien décidé à ne pas s’arrêter, alors même que le soleil commençait à disparaître derrière eux.
– Nous pourrions nous pas nous arrêter et nous reposer Tholgan ? Demanda Liney suivi d’un long bâillement.
– Plus vite on arrivera à Tihri, plus vite je serais débarrassé de vous.
– Vous savez, je peux être très agaçante lorsque je suis embarrassée. Si vous ne voulez pas que je sois un calvaire les prochains jours, je vous conseille de ne pas joue à ce jeu avec moi.
Tholgan fit arrêter sa monture en la faisant se cabrer, ce qui fit violemment chuter Liney. Il descendit à son tour s’approchant lentement d’elle. Le compagnon lui pinça fortement les joues et lui dit.
– Et moi je peux être particulièrement violent quand je suis agacé. Pour votre bien, je vous conseille de ne pas trop l’ouvrir et de faire ce que je vous dis. C’est compris ?
Elle hocha la tête rapidement les yeux emplis d’une crainte envers lui puis il la lâcha. Après un petit silence embarrassant Tholgan lui demanda.
– Vous savez faire un feu ?
– Vous me prenez une paysanne ? Répondit elle froidement.
L’homme soupira en regardant au ciel. Il sortit une pierre brillante de son manteau, ainsi qu’une tige en acier et les tendit vers elle.
– Ceci est une pierre à feu. Il vous suffit de la frotter sur cette tige près de quelques brindilles sèches pour allumer une flamme. Vous pensez pouvoir y arriver ?
– Vous me prenez pour une idiote ? Bien sur que j’en suis capable. Répondit elle en saisissant violemment les objets. Et vous, qu’allez vous faire ?
– J’ai faim alors je vais chasser ce que je peux dans cet endroit qui ne me plaît pas. Criez si vous voyez quoique ce soit, j’essaierai de rester à porté de voix.
Tholgan sortit l’arbalète de sa selle et partit dans la forêt dense et encore humide qui les entourait. Liney se retrouva seule, Avec pour simple compagnie le bruit des feuilles se frottant entre elles au gré de la légère brise. Elle se mit alors à chercher quelques brindilles avant de se retrouver dans l’obscurité de la nuit.
Après avoir scruté chaque recoin autour d’elle, elle ne trouva que quelques petites branches qu’elle estima suffisamment sèches. Elle les posa et se souvint avoir entendu de son père qui chassait régulièrement, qu’il fallait faire un cercle de pierre pour éviter la propagation du feu, évitant un incendie.
Une fois prête, elle sortit la pierre et la tige puis frotta timidement une première fois près des branchages. Aucune étincelle n’en sortit. Elle frotta une deuxième fois en y mettant plus de force. On pouvait à peine constater les quelques lueurs qui s’en dégagèrent. Elle essaya une troisième fois en frottant avec conviction et plusieurs flammèches se mirent à embraser les branches dans une intense lumière. Elle sursauta devant la violence de cette flamme. Puis elle se précipita à mettre deux bûches pour alimenter le jeune feu. Elle installa par la suite deux grands rondins de bois près du feu en guise de chaise et s’y installa en attendant son retour, se réchauffant auprès de cette chaleur réconfortante.
Plusieurs minutes passèrent à être seule au milieu de nulle part. Elle n’avait guère d’occupation hormis regarder les flammes danser avec le vent. Un bruit inhabituel bouleversa sa tranquillité derrière elle. Liney se retourna et vit l’apparence d’un homme s’approcher vers elle. C’était Tholgan brandissant ses prises avec un sourire, tenant deux maigres rats et un chat qui n’était guère plus gros par leurs queues.
– C’est tout ce que j’ai pu trouver.
– Non mais je ne mange pas ça. Répondit elle avec une expression de dégoût.
– Vous n’avez jamais mangé de rats ou de chats ? C’est très bon vous verrez. J’avoue que le chat est une viande avec un goût assez particulier.
– A Tihri nous avons des plats plus raffinés en général comme cu cerf, du lapin, du poulet ou du bœuf.
– Va falloir se contenter de ça, on est très loin de votre confort habituel ou de vos hôtels luxueux où vous pouviez vous pavaner librement et sans danger.
– Aussi curieusement que ça puisse paraître, ça m’a coupé l’appétit.
– Comme bon vous semble jeune demoiselle des cités. Mais lorsque vous aurez vraiment faim, je vous garantis que vous allez regretter ces rats et ce modeste chat.
Tholgan s’installa près du feu et se mit à dépecer et à vider les animaux, Liney essayait de fuir du regard cette scène qu’elle trouvait horrible, mais la curiosité humaine l’emportait et elle ne pouvait s’empêchait de regarder du coin de l’œil.
Après plusieurs minutes de cuissons, Tholgan prit la viande du chat et en prit une bouchée. Il essaya quand même de tendre un des rats empalés sur un bâton vers Liney en lui disant la bouche pleine.
– Toi qui mange du lapin, le rat a un goût quasiment similaire tu sais. Tu ne verrais même pas la différence si tu n’avais pas vu l’animal avant. Affirma-t-il.
– J’ai dit non. Répondit fermement Liney.
– On peut dire que vous êtes têtu. Que je ne vous entende pas vous plaindre de votre faim demain ou je vous laisse seule au milieu de cette forêt.
Liney se coucha sur le sol pour éviter de le regarder manger. Malgré les sons ambiants de la nature qu’elle n’avait pas l’habitude d’entendre, elle réussi à s’endormir.
Elle se réveilla en sursaut au bout de quelques heures d’un sommeil profond suite à un cauchemar. Elle pouvait revoir la tête de Nesyre en train de lécher ses multitudes plaies ensanglantées. Ses longues dents pointues lui frôlaient la peau tout en passant ses mains glacées sur ses seins. Son couteau restant constamment près de sa gorge, prêt à l’entailler de nouveau.
Elle remarqua que Tholgan était resté éveillé à regarder et à alimenter le feu. Il avait un regard vide et pensif en se caressant lentement sa barbe hirsute et n’avait même pas remarqué son réveil.
– Vous ne dormez pas ? Lui demanda-t-elle.
– Vous comptez peut-être monter la garde à ma place ? Maintenant dormez, je ne m’arrêterais plus tant que nous ne serons pas sorti de cette forêt.
Elle ne rêva pas tout le reste de sa nuit et fut réveillé par les faibles rayons du soleil qui perçaient difficilement les feuillages des arbres. Tholgan était en train d’éteindre le feu et de préparer sa monture. Liney le rejoignit et monta de nouveau derrière lui et reprirent tout deux la route.