Ce matin, le premier chant d’oiseau. Les arbres sont encore nus, sauf le mimosa qui est en pleine gloire. Une brise légère diffuse son parfum.
Ce matin, Julie, n’a pas envie de se lever. Elle ouvre les volets. Le soleil tombe déjà en nappes luisantes sur le feuillage des oliviers argentés. Un reflet jaune illumine le mur de la cuisine. Julie éternue : serait-t-elle allergique? En cette fin d’hiver, le jaune du mimosa est omniprésent dans le jardin. Plus discret, le rouge des pommiers du Japon, qui furent les arbres préférés de Charlie Chaplin, attire de gros bourdons d’un noir velouté. Un peu ennervés, ils visitent chaque fleur carmin, à l’heure du déjeuner, lorsque le soleil d’hiver, fait monter la température extérieure plus haut que celle de l’intérieur de la maison. Pour l’instant, le vent léger du matin fait frissonner la jeune femme. Elle ferme la fenêtre et se prépare un café. Dans quelques semaines, le bleu prendra sa place et remplacera le vert tendre des Oxalis qui ont tout envahi. Bleu des lavandes, des sauges, des …
Julie est étudiante en Sciences de l’environnement. Elle mène ici, dans ce jardin semi-abandonné, une étude comparative sur la répartition des espèces autochtones et invasives.
La propriétaire défunte a fait don de ce terrain à l’université, avec, comme condition qu’il soit laissé au bon vouloir de la nature, sans entretien humain, sauvage. Favoriser le retour de la biodiversité, telle était la devise de la dame qui régnait sur ce jardin depuis plus de 30 ans. Tout cela était très mal perçu par le voisinage. Les copropriétaires environnants espéraient qu’au décès de la Dame, on rase tout pour construire une autre copropriété lisse et propre.
Au cours de sa première année d’observations, Julie a remarqué que la coloration du jardin évolu selon les variations de la température de couleur du soleil. Les rouges et les orangés en hiver, puis les roses et les mauves au printemps et enfin, les bleus s’installent avec l’été. Le vert, lui, est comme l’écrin du jardin et se nuance de gris ou de jaune selon l’état de sècheresse et de chaleur de cette nature méditerranéenne.
De leur côté, pendant cette première année du protocole expérimental, les copropriétaires se sont organisés en association pour exiger l’arrêt de l’expérience, évocant la surmultiplication de nuisibles et de nuisances. Ils se sont plaint des nids de mulots dans les parties communes, des chauves-souris qui tournoient à la tombée de la nuit, des croassements les soirs de printemps, et des mouches et moustiques en quantité insuportable. En novembre, Julie a reçu une lettre recommandée. Elle a d’abord pouffé de rire. Puis elle s’est demandé pourquoi les chauves-souris qui tournoient, les croassements des soirs de printemps génaient les voisins. Cela contredisait totalement sa recherche et par là, la remettait en cause. Apparement, les plaignants ne comprenaient pas son travail.