Je me levais et sortis de la tente, je devais absolument parler à Kira. Je vis Amalia et lui demanda où je pouvais trouver la jeune fille. Elle m’indiqua qu’elle était avec Elesthir. Je la rejoignis et demanda à lui parler en privé.
– Je ne crois pas que j’arriverai à vous aider.
– Que se passe-t-il ? Tu avais plutôt l’air confiante hier.
– Vous pensez tous que je suis l’élue et que donc je ne peux que réussir mais je ne suis pas une guerrière, je ne suis pas aussi forte que toi. Et puis il y a Mary et James, si j’échoue, ils ne rentreront jamais, m’étranglais-je en me tordant les mains.
– Tout d’abord, calme-toi, respire profondément.
Je fermais les yeux et tentais de calmer ma respiration.
– Voilà et maintenant dis-moi ce qui s’est passé, me pria-t-elle de sa voix douce.
– Je … en fait, je me rends compte à quel point c’est bête. J’ai seulement fait un cauchemar.
– Quel genre de cauchemar ?
– Je me trouvais dans une plaine, il faisait nuit et la Reine était là, elle s’est moqué de moi, elle pense que je suis incapable de la vaincre …
A l’évocation de la sorcière, la princesse se rembrunit.
– Écoute Kara, surtout oublies tout ce qu’elle t’a dit d’accord, ce n’était qu’un cauchemar, rien d’autre. Moi j’ai confiance en toi, je sais que tu peux le faire. Je sais que beaucoup de choses repose sur toi et si je pouvais faire autrement, crois-moi je le ferai. Je suis désolée de t’imposer tout ceci, ce n’est pas ton monde, ni ton peuple et on te demande de combattre en leur nom, je comprends que tu sois angoissée, déclara-t-elle en posant une main rassurante sur mon épaule.
Je lui souris faiblement :
– Tu as raison, ce n’était qu’un mauvais rêve. Je dois me concentrer sur mon entraînement.
Je rejoignis James et Mary qui prenait le petit déjeuner.
– T’as une sale tête, remarqua James.
– J’ai mal dormi, merci de t’inquiéter, me moquais-je
– Ce n’était qu’une constatation, corrigea le jeune homme, ne t’enflamme pas.
– Bon, vous avez fini tous les deux, intervint la petite fille agacée. On va devoir passer un peu de temps ensemble, ce serait possible que vous arrêtiez de vous disputer tout le temps?
James et moi nous regardâmes, c’était quelque peu vexant de se faire remettre à sa place par une petite fille de huit ans.
– Elle a raison, on pourrait faire une trêve, demandais-je à James en lui tendant la main.
Il la serra en signe d’accord puis ajouta
– Ça ne change pas le fait que je ne t’aime pas !
– On est au moins d’accord sur quelque chose, je ne t’aime pas non plus. Tu n’as qu’à faire comme si je n’existais pas, cela ne devrait pas être trop compliqué pour toi !
– C’est sûr, tu es tellement inintéressante qu’il est facile d’oublier ta présence, persifla-t-il.
– Non mais vous vous moquez de moi ? s’écria Mary en se levant. A se demander qui sont les grands ici. Je vais déjeuner avec Amalia.
Nous regardâmes la petite fille s’en aller. Je savais qu’elle avait raison. Nos disputes étaient puériles mais James avait le don de m’exaspérer au plus haut point.
– Je vais aller m’entraîner, je mangerai en chemin ma pélinhèle, déclarais-je en emportant le fruit violet et un morceau de pain.
Elesthir m’attendait prête à dispenser ses leçons.
– Aujourd’hui, je vais t’apprendre à combattre face à un adversaire.
La matinée fût rude. Et lorsque l’elfe me désarma une fois de plus avec une facilité déconcertante, tous mes doutes m’assaillir à nouveau et je lançais :
– Jamais je n’y arriverai, je ne suis pas une guerrière, je ne le serai jamais.
– Pourquoi doutes-tu de toi ainsi? Je trouve pourtant que tu te débrouilles bien. C’est normal de ne pas réussir tout de suite, il faut du temps pour apprendre …
– Du temps que nous n’avons pas, la coupais-je sèchement
Je tournais les talons et me réfugiais dans le seul endroit où je me sentais bien : les bords du lac.
Peut-être que la Reine avait raison, peut-être ont-ils tous tort de me faire confiance, je ne suis sûrement pas celle qu’ils attendaient. Soudain une voix me sortit de ma torpeur :
– Pourquoi tu n’es pas à l’entraînement ?
– James, je ne suis pas d’humeur, lâche-moi!
Le jeune homme s’assit à côté de moi, il observa les bords de la rive opposée puis il lâcha :
– Que se passe-t-il ? Je ne pensais pas que tu étais du genre à abandonner facilement.
– Ce qu’il y a? Tu veux que je te le dise? M’énervais-je en me levant. Ce qu’il y a c’est que tout le monde compte sur moi. Kira veut que je l’aide à battre la sorcière, son peuple pense que je suis l’élue et toi et Mary comptaient sur moi pour rentrer. Mais je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel, je suis juste moi …
A présent, de nombreuses larmes coulaient sur mon visage.
C’est alors que James me releva le menton et me regarda droit dans yeux :
– Tu as raison, tu es “juste” toi et c’est déjà bien suffisant. Quand Kira t’as demandé de l’aide, tu n’as pas hésité une seconde alors que tu ne savais rien d’elle. Tu te mets une pression de dingue parce que tu ne veux décevoir personne. Les grands héros ne sont pas ceux qui ne tombent jamais, ce sont ceux qui sont à terre mais se relèvent quand même, encore et encore. Et je pense que tu n’es pas du genre à abandonner. Je sais que tu peux y arriver.
Le discours de James me fit chaud au coeur et me redonna courage. Je séchais mes larmes du revers de la main et lançais :
– Tu as raison, peu importe les difficultés, je n’abandonnerai pas! Merci de ton soutien.
– Oh tu sais, moi je veux juste rentrer chez moi, répondit-il avec un haussement d’épaules.
Je retournais donc voir Elesthir et la trouvait en pleine conversation avec Kira. A mon approche elles se turent et la princesse se dirigea vers moi :
– Viens avec moi, nous devons parler.
Elle m’invita à prendre un siège dans sa tente puis s’assit à côté de moi :
– Je n’ai pas été tout à fait honnête avec toi, confessa-t-elle. Ce cauchemar que tu as fait, ce n’était pas un simple cauchemar. Je pensais que tu oublierais et que tu passerais à autre chose. Mais cela t’as plus secoué que ce que je pensais. La vérité c’est que la Reine a usé de ses pouvoirs pour s’introduire dans tes rêves.
– Elle peut faire ça? Mais pourquoi? Questionnais-je
– Elle voulait sûrement te déstabiliser, elle a profité de tes doutes. Sans toi, la prophétie ne se réalisera pas. Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins.
– Cette sorcière ne l’emportera pas, je vais lui montrer de quoi je suis capable, jurais-je en serrant les poings.
– Peut-être tentera-t-elle à nouveau l’expérience, ne la laisse pas voir tes faiblesses ou elle s’en servira contre toi. Tu devrais aller déjeuner et après tu pourras rejoindre Elesthir si tu souhaites toujours apprendre à te battre.
– Plus que jamais, affirmais-je.
Je mangeais alors rapidement. Je voulais reprendre l’entraînement au plus vite, j’avais besoin de me défouler. Comment cette magicienne avait osé entrer dans ma tête ? Comment avait-elle pu me faire croire que j’étais seule? Je n’étais pas seule, bien au contraire, mes amis comptaient sur moi et je ne les laisserais pas tomber.
Je m’entraînais donc assidûment. En milieu d’après midi, ma professeure me proposa une pause. Elle m’offrit un eddlewin, ce petit fruit à la teinte orangée.
– Tu seras une très bonne combattante, affirma cette dernière en me souriant, tu apprends vite.
-Merci, j’essaie de faire de mon mieux, je dois être capable de me défendre si nous voulons nous débarrasser de la Reine.
Après ce court interlude, l’entraînement repris de plus belle. Je n’arrêtais que lorsque mon bras fût trop fatigué pour tenir une épée.
Elesthir et moi rejoignîmes alors les autres pour le repas du soir.
Nous dînâmes au coin du feu, en écoutant des histoires de trésors, des récits sur les nayaës, petit peuple de l’eau, et divers contes anciens. Puis à la nuit tombée, il était temps pour tout le monde de prendre un peu de repos.
Je rejoignis vite les bras de Morphée. Je fus tiré de mon sommeil par un cri. Je regardais autour de moi mais ne trouvais pas Mary. Mon sang ne fit qu’un tour et je sortis immédiatement de la tente. La Reine Noire était là. Son faune maintenait la fillette et elle menaçait James de son bâton.
– Alors, petite fille, dis moi quel est le prix de la vie de tes amis? Interrogea-t-elle menaçante.
– Que voulez-vous? Grondais-je, en serrant les poings.
– Ce que je veux c’est que tu rentres chez toi. Je sais que le moyen pour y parvenir se trouve dans le château. Je suis prête à te laisser l’utiliser avec tes amis. Mais tu devras me donner le collier, proposa-t-elle
– Ca voudrait dire abandonner Kira et son peuple. Non, je ne peux pas faire ça !
– Ce n’est pas ton peuple. Ni ton monde! Rentre chez toi, cela vaudrait mieux, riposta la Sylvanar en me jetant un regard noir.
– Jamais vous ne me forcerez à partir.
Elle brandit alors son bâton et toucha James qui se transforma en statue de glace. Puis elle donna un grand coup qui l’a fit éclater en milles morceaux.
– Non, m’écriais-je choquée. Qu’avez-vous fait?
– Tu as une deuxième chance, indiqua-t-elle en désignant Mary.
Je regardais la sorcière avec horreur :
– Ce n’est qu’une enfant, suppliais-je
– Sa vie est entre tes mains, que choisis-tu?
Soudain, je pris conscience que j’avais crié et pourtant personne ne s’était réveillé, et où donc étaient passés les sentinelles?
Je me redressais et regardais la Reine droit dans les yeux :
– Rien de tout ça n’est réel, n’est-ce pas ? Vous êtes entrée dans ma tête.
La sorcière ricana :
– Tu n’es pas si bête finalement. C’est vrai, ce n’est pas réel mais ma proposition l’est. Si tu me donnes le collier je te laisserai retourner dans ton monde avec tes deux amis indemnes.
– Non! M’insurgeais-je avec force.
– Pourquoi t’obstines-tu?
– Parce que je ne laisserai pas le peuple de Kira aux mains d’une personne aussi malfaisante. Vous essayez de vous débarrasser de moi parce que vous avez peur que la prophétie ne se réalise. Et elle va se réaliser, je ferai tout ce qu’il faut pour!
– Comme tu voudras, mais quand tu verras tes amis mourir les un après les autres souviens toi que je t’ai laissé une chance, riposta la Reine avant de disparaître.
Je me réveillais en sursaut. Je me levais et lançais un regard vers Mary qui dormait paisiblement, cela me rassura. Je sortis de la tente et me dirigeais vers celle de James. Je savais que ce n’était qu’un rêve mais je voulais m’assurer qu’il allait bien. Je soulevais la tenture qui bloquait l’entrée, la lune éclaira l’intérieur et vint caresser le visage du jeune homme, ses cheveux blonds brillaient sous la lumière. Il ressemblait à un ange.
Je me retournais et admirais l’astre brillant, un vent frais vint caresser mes cheveux. Sous le clair de lune, la forêt avait quelque chose de magique.
Je rentrais dans mes quartiers et tentais de retrouver le sommeil. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas réellement pris conscience de ce dont était capable notre ennemie. Cette femme n’avait aucun scrupule et n’hésiterai pas à user de tous les moyens pour arriver à ses fins. Le danger était bien réel, j’allais devoir redoubler d’efforts car nos vies en dépendaient. La fatigue eu raison de moi et je ne me réveillais qu’au petit matin.