Aya, de son vrai nom Slepaya Dostoïevskaïa, était scolarisée depuis deux ans déjà au lycée tandis que Zenshi, de son nom complet Zhenshchina-Koshka Romanova, avait toujours suivit les cours de chez elle. Elles étaient amies depuis aussi longtemps qu’elles s’en souvenaient, et étant donnée la mémoire de Zenshi, on pouvait tout aussi bien dire depuis toujours. Elles étaient très différentes, l’une ne ressemblant pas le moins du monde à l’autre.
Aya était aveugle de naissance, mais elle faisait partie de « ceux qui voient ». Elle pouvait ressentir tout ce que les autres ressentaient mais aussi ressentir l’espace autour d’elle. Sans avoir la capacité de les voir, elle pouvait sentir les meubles ou les objets qui l’entouraient dans son esprit. Malgré ce handicap, Aya suivait les cours dans un lycée public des Alpes, et elle essayait de convaincre son amie de passer la dernière année avec elle. Cette dernière était une femme-chat, aussi elle pouvait communiquer avec tous les félins qu’elle croisait, ses sens étaient décuplés et elle pouvait courir extrêmement vite. Cela ne faisait pas d’elle une métamorphe, juste une thérianthrope : elle avait certaines capacités animales, ainsi que le caractère associable des félins, mais elle ne pouvait se transformer en fauve comme le faisaient les lycans en loups.
La première tenait son don d’une tante éloignée que sa famille ne voyait plus, alors que Zenshi le tenait de sa mère, Svetlana, entrée dans le coma lors de son septième anniversaire. Pour compenser le manque maternel et son absence, le père de Zenshi, Nikolaï, avait adopté de nombreux grands fauves pour sa fille. Elle était l’unique maîtresse d’une vingtaine de félins, toutes espèces confondues, avec qui elle parlait chaque jour. Les filles vivaient dans le même village depuis quelques années déjà : Aya en bas de la montagne et Zenshi dans les hauteurs. Cette dernière, afin que sa troupe de fauves vive tranquillement, habitait un grand chalet sur un immense terrain en partie caché par la forêt.
Slepaya négociait avec son amie d’enfance pour que cette dernière intègre son lycée l’an prochain et qu’elles puissent vivre ensemble dans la propriété de Zenshi le temps de finir leurs études depuis maintenant plusieurs heures. Zenshi leva les yeux au ciel, cédant à son amie comme chacune le savait avant même la discussion.
– Très bien, tu as gagné ! Préviens Anastassia et Vladimir que leur fille emménage chez moi samedi prochain. Tu me feras penser à appeler mon père pour le prévenir que je ne serais plus la seule personne non-quadripède à vivre au manoir, cela lui fera plaisir.
Aya lui sauta au cou en hurlant des « merci » à tue-tête. Ses tympans sensibles sifflèrent et Zenshi retînt une grimace… Heureusement qu’elles étaient seules !