Féline – Chapitre 1

6 mins

Zenshi caressait le ventre de Zvezda tandis que Luna avait posé sa tête sur ses jambes allongées. Elles étaient respectivement panthère nébuleuse et panthère des neiges. Parmi tous les fauves avec qui elle vivait, les panthères étaient ceux avec qui elle était la plus proche. Toutes les trois étaient en grande conversation sur les couleurs changeantes des arbres en cette fin d’été quand une panthère noire apparût. Solntse, la seule panthère mâle de la troupe, frotta sa tête contre celle de Zenshi en guise de « bonjour », bailla un grand coup et se coucha derrière elle, laissant son humaine allonger le haut de son corps sur lui.

– Pour moi, c’est quand nos montagnes offrent toutes ces nuances d’orange et de vert qu’elles sont les plus belles, dit-il, rejoignant la conversation.

Zenshi sourit du coin des lèvres et confirma qu’elle était d’accord avec lui. « C’est au moment où il n’y a presque plus aucun touriste et où les montagnes sont les plus calmes » confirma-t-elle. Le début de l’automne approchait… et son entrée au lycée aussi pensa-t-elle en soupirant. Zvezda se redressa et se coucha sur le ventre, la tête relevée à la manière de la Sphinx.

– A quoi penses-tu, Koshka ? demanda la panthère en interrompant ses pensées en l’appelant par la seconde partie de son nom.

Elle lui caressa doucement le cou de la main, comme pour lui assurer de ne pas s’inquiéter de son sort.

– Au fait que l’année scolaire commence demain, et que cette fois, je ne serais pas tranquillement avec vous comme seule compagnie.

Ce qui l’inquiétait le plus, c’était qu’elle allait devoir gérer le flux d’informations visuelles, auditives et olfactives qui serait plus fort que ce qu’elle avait l’habitude de gérer. Elle se souvenait encore parfaitement de la catastrophe qu’avait été son unique journée à l’école. Elle secoua la tête comme pour se débarrasser du souvenir embarrassant. Zenshi senti l’inquiétude de ses comparses qui redressèrent la tête, et fit un semblant de sourire.

– Allons, je sais me gérer maintenant, tout se passera bien.

N’est-ce pas ?

*****

Adossée à sa voiture, Zenshi s’impatientait.

– Slepaya, descends ! On va être en retard pour la rentrée… Déjà que je ne veux pas y aller, si on pouvait éviter de se faire remarquer aujourd’hui ça m’arrangerait, dit Zenshi à son amie suffisamment fort pour que cette dernière l’entende mais pas trop non plus pour ne pas déranger l’audition des fauves.

Aya arriva en bas des escaliers avec un grand sourire, sa canne à la main.

– Tu sais aussi bien que moi que nous sommes en avance, alors arrête de t’inquiéter.

Zenshi fit semblant de ne pas l’avoir entendue et lui ouvrit la portière pour la laisser s’installer.

*****

Faites que tout se passe bien, s’il vous plaît, faites que tout se passe bien… se répétait inlassablement la nouvelle élève. En voiture, le bruit ne l’avait pas dérangée : son père lui avait acheté une voiture électrique pour éviter de déranger son « ouïe supersonique » comme il aimait l’appeler. Mais à présent qu’elle était garée dans la rue adjacente à l’établissement scolaire, elle n’était plus si sûre qu’avoir accepté d’y suivre les cours était si une bonne idée. Elle hésita à faire demi¬-tour pour rentrer chez elle, mais se ravisa en voyant l’immense sourire de son amie. Elle souffla un grand coup afin de rassembler son courage avant d’ouvrir la portière pour l’aider à sortir de la voiture.

Arrivées devant le portail de l’établissement, les deux jeunes femmes étaient observées de tous les côtés. Aya sentait les regards posés sur sa canne et elle tandis que Zenshi entendait certains élèves disserter sur son amie. Elles avancèrent dans l’enceinte et se dirigèrent jusqu’aux panneaux pour essayer de trouver leur classe. Zenshi analysa rapidement les douze listes des classes de terminales.

– On est en Terminale 7, Aya. On doit se rendre à la salle C 105.

– Je t’y emmène, répondit la jeune fille en souriant.

A dire vrai, elle ne la guida pas directement jusqu’à leur salle de classe, mais jusqu’au bâtiment B dont le rez-de-chaussée était dédié à l’administration. En traversant la cour pour rejoindre l’administration, Zenshi vit un panneau indiquant plusieurs bâtiments dans divers directions. Elle se demanda à voix haute combien il y en avait en totalité, ce à quoi Aya réfléchi rapidement et lui répondit simplement « six ». Zenshi s’étonna :

– Six ? Mais pourquoi en ont-ils fait autant ?

– Tu sais, quand toutes les classes sont réunies, nous sommes plus de mille-six-cents élèves, alors il faut de la place pour accueillir tout le monde, expliqua-t-elle joyeusement.

Elle lui expliqua alors l’emplacement et la fonction de chacun des bâtiments du lycée : le bâtiment A était réservé aux cours technologiques, légèrement en retrait des autres avec le gymnase, le B aux mathématiques et à certaines langues (aux étages), le C aux autres matières, le D à l’internat (pour ceux qui y étaient), à la cantine et à l’infirmerie, et enfin le E (son futur lieu favori) était réservé au CDI et aux salles informatiques. La cour était au centre de tous ces bâtiments. Tout cela rendait l’établissement bien plus grand que ce qu’elle avait pu s’imaginer.

Elles firent tout un détour avant de pouvoir rejoindre leur salle, et au moment où elles arrivèrent enfin, Zenshi fit la remarque à son amie que les autres élèves étaient déjà installés à leurs places. Le professeur présent soupira en roulant des yeux.

– Mesdemoiselles, être en retard pour votre première journée n’était peut-être pas le meilleur moyen de commencer votre année.

Gênée que toute la classe se soit tournée vers elles-deux après la remarque du professeur, Zenshi s’excusa.

– Bonjour Monsieur, je suis vraiment désolée. Comme je ne connais pas le lycée, puisque c’est mon premier jour ici, je ne pouvais pas trouver la salle du premier coup.

Aya fût moins avenante.

– Je suis désolée Monsieur, mais je ne peux pas marcher vite, et j’ai dû faire un détour par l’administration. Comme Zenshi ne connaissait pas le lycée, elle m’a accompagnée pour que je puisse lui montrer la salle sans qu’elle ne se perde.

Le professeur sembla seulement remarquer la canne d’Aya, aussi il se confondit en excuses et pria silencieusement les deux comparses de rejoindre des tables. Fort heureusement elles trouvèrent une double table au premier rang où elles s‘installèrent…

*****

Le professeur prit la parole, un carton posé sur le bureau devant lui.

– Très bien. Maintenant que tout le monde semble être arrivé, nous allons pouvoir commencer. Je m’appelle Martin Mitchell, et je serai votre professeur d’histoire géographie durant cette année. Vous n’êtes pas sans savoir que cette année, vous êtes en terminale, et donc que vous devez avoir votre bac à la fin de l’année. Je ne suis ni vous, ni vos parents, donc si vous ne me demandez pas d’aide, je ne serai pas derrière vous. Bien, maintenant je vais vous distribuer vos carnets.

Il en prit une pile dans le carton et qu’il fit passer. Il sorti ensuite la liste des emplois du temps qu’il se mis à distribuer selon l’ordre alphabétique des noms de famille des élèves.

– […] Slepaya Dosto.. Dosta..

– Slepaya Dostoïevskaïa monsieur, l’interrompit Aya en levant la main pour qu’il la voit.

– Oui, merci, j’allais le dire, affirma-t-il tandis qu’Aya semblait se retenir de rire. […] Camille Raurelli… Camille Raurelli ? Quelqu’un la connait ? Non ? Très bien alors suivant. Zhen.. Zhensh.. Mademoiselle Romanova ?

Zenshi soupira. A tous les coups, il ne serait pas le dernier à ne pas savoir comment prononcer son nom.

– Zhenshchina-Koshka Romanova monsieur, mais Zenshi est plus facile à retenir et à prononcer si vous voulez.

Monsieur Mitchell leva les yeux et, lorsqu’il vit que la seconde élève au nom imprononçable était aussi l’une de celles qu’il avait méjugé au début de l’heure, il décida -dans son esprit- qu’il l’appellerait Zenshi s’il le devait lui parler en cours.

– Merci.

Il reprit sa distribution puis demanda aux élèves de sortir une feuille en notant leurs coordonnées et l’orientation professionnelle qui les intéressait.

*****

La sonnerie résonna dans tous les couloirs, et Zenshi grimaça, l’entendant au centuple.

– Ils sont vraiment obligés de la faire sonner aussi fort ? chuchota-t-elle à l’oreille de son amie.

Aya s’immobilisa alors qu’elle rangeait ses affaires pour tourner la tête sur la gauche.

– Désolée, mais pour nous le volume est normal. Essaie de passer outre, tu finiras par t’y habituer.

Elles finirent de ranger et sortirent de la salle tranquillement. Les couloirs semi-bondés déstabilisaient Zenshi. Aya semblait plus détendue, et marchait tranquillement, sa canne devant elle. Elles prirent l’ascenseur et descendirent jusqu’à la cour pour se diriger vers la cantine. Dans la file d’attente, elles discutaient de leurs cours de la journée.

– Donc, si j’ai bien compris, on aura tous nos cours en commun c’est ça ?

Aya sourit doucement et rassura son amie. Elles parlèrent de tout et de rien durant leur repas et le reste de la journée.

*****

Zenshi vint s’allonger devant l’immense cheminée du chalet, sur le tapis où l’attendait Solntse. Il leva une paupière pour la regarder.

– Alors cette journée ?

– Ça aurait pu être pire, lui répondit-elle avec un petit sourire.

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