Amnésique

4 mins

Ce matin, je me réveillai brutalement, les yeux dans le vague avec cette sensation de douleur dans la poitrine. C’était horrible, j’étais en train de me noyer…dans ce rêve. Je me rappelai seulement cette sensation étrange lorsqu’on se noie. Ce sentiment ou l’on sentait notre respiration s’arrêté et qu’il était temps de remonter à la surface de l’eau.

Mais je ne pouvais pas le faire car quelqu’un m’y empêchait en mettant son bras autour de mon cou. Ce n’était qu’un amusement pour lui. Essayant de lui faire signe que je n’arrivais plus à respirer, il me tourna en pirouette dans l’eau. Je me sentais prise au piège. Il m’était impossible d’hurler car personne ne m’entendrait, alors je me débattais.

Je sentais l’eau rentrer littéralement dans mes poumons, je n’avais jamais ressenti cette sensation dans la vie réelle, peut-être parce que je n’ai jamais été noyée de la sorte. Quel horrible cauchemar ! Je ne m’imaginais pas mourir comme ça ! ça me procurait un sentiment étrange. Je pris quelques instants à penser à ce rêve.

 C’était tellement intense qu’à même mon réveil, je pouvais ressentir cet écrasement dans ma poitrine, cette eau s’immisçant à l’intérieur de moi, m’empêchant de respirer normalement, comme l’impression d’étouffer.

Je me demandais, encore une fois, pour la énième fois plutôt, pourquoi mon inconscient m’envoyait des rêves aussi angoissants. Quelque chose me faisait peut-être peur dans la vie réelle et que c’était une façon de me faire passer un message.

Mon regard toujours dans le vide, je refermai les yeux, m’endormant aussi vite que la première fois. Mon esprit s’en alla dans un état second, je ne savais plus si j’étais en train de continuer mon rêve ou juste penser dans ma tête.

Un lapse de temps plus tard, quelque chose m’effleura le bras, comme une caresse, ce qui me réveilla. Je savais que j’étais entièrement réveillée car j’entendais des voix que je connaissais, celles de mes sœurs, qui se disputaient encore pour la salle de bain au premier étage. Je m’efforçai de sourire, seule dans ma chambre, encore allongée sur ce matelas usé qui me servait de lit.

 Je me sentais très fatiguée, je n’arrêtais pas de penser que quelque chose dans ma vie devait changer. C’était le moment d’accepter qui j’étais réellement, d’arrêter de penser au passé, celui qui me montrait des hallucinations.

C’était impressionnant comment leurs traitements fonctionnaient. C’était la dernière dont je me souvenais lorsque je m’étais réveillée chez moi pour la dernière fois avant que l’on m’emmène ici. Leurs voix si grinçantes, mais tellement agréables à écouter, celles de mes deux petites sœurs. Je revoyais les images dans ma tête, leurs sourires, leur joie de vivre, leur passion pour la mode…nous trois dans la cuisine en train de prendre notre petit-déjeuner…j’oubliais tous mes problèmes avec elles.

Je me donnais l’impression que je pouvais transmettre du bonheur aux personnes les plus chères, celles qui ont souffert à la mort de nos parents lors de leur voyage à l’étranger. J’étais leur seul soutien, et puis maintenant, je les ai perdus à mon tour. Leur voix résonnait sans cesse dans ma tête, je la retournais en boucle, pour ne pas oublier qui elles étaient, comme une musique douce qui m’apaisait et me faisait oublier l’endroit ou j’étais interner.

On m’accusait de les avoir tuées. Non ! je ne souffrais pas de troubles psychologiques, j’étais consciente…oui c’est ça ! c’était comme si mon esprit était ailleurs en l’espace d’un instant et quand je me réveillai, elles étaient toutes les deux par terre, recouvertes de sang, inconsciente et sans vie. Le sang avait giclé sur le sol et les murs de la cuisine. Mais alors, pourquoi je tenais un grand couteau dans ma main droite ? Ma place était peut-être ici, c’était tout ce je méritais.

Pourquoi m’avez-vous laissez tomber ?! je me recassé sans cesse mes souvenirs du passé, puis m’endormais, puis recommencer, en boucle, sans arrêt, car c’était ce que je suis devenue : une tueuse diagnostiquée mentalement instable enfermée en hôpital psychiatrique. Je ressentis comme une montée d’adrénaline recouverte d’un grand sentiment de culpabilité, criant de toutes mes forces demandant à les voir, je voulais les revoir !

 Je frappais contre les murs blancs de cette prison. Les gardiens frappaient sur les barreaux de cette petite fenêtre installée au-dessus de la porte avec leur gourdin demandant le silence. « Silence meurtrière ! » disait l’un d’eux. Je me rendais compte que ma place n’était pas ici, je devais sortir. « Ce n’est pas moi ! je n’ai pas tuée mes sœurs ! » m’exclamais-je à travers ces petits barreaux.

Soudain, brusquement, j’avais l’impression que mon monde s’effondra lorsque je vis cette forme étrange approchée de la cage ou l’on m’a emprisonnée. Une silhouette masculine à la carrure terrifiante. Je pouvais à peine l’apercevoir à cause de la hauteur des barreaux. Je savais qui il était, je reconnus le son de ses pas. C’est alors que je me souvenais ce qui s’était passée ce jour-là, comme si un épais brouillard se dégagea de ma vue, me laissant assister à la scène pendant que j’étais amnésique. Je me souvenais du bruit que ça avait fait, de son rythme cardiaque stable car il ne tremblait pas lorsqu’il leur avait tranché la gorge. Je savais maintenant que je n’étais pas coupable.

C’est à ce moment-là que la porte s’ouvrait. Cette silhouette était maintenant en face moi, le regard neutre et la peau ridée. La vieillesse ne lui avait pas fait de cadeau on dirait.

 Lorsque je jetai un coup d’œil à l’extérieur, les deux gardiens étaient allongés par terre, inconscients. Je ne comprenais pas. Était-il venu me sortir de cette cage ou aurais-je droit au même sort que mes sœurs ? Peut-être regrettait-il son acte et pour se faire pardonner, il me sauva ? Je savais ce qu’il avait fait, mais j’étais toujours reconnue coupable car je n’avais aucune preuve que ça pourrait être lui. Je ne savais pas à quoi il pensait en ce moment-même, allait-il sûrement me tuer ? Il ne dit pas un mot et me regardait avec insistance pendant quelques instants avant de me prendre par le bras fermement et me pousser vers la sortie de façon énergique, comme s’il était pressé…

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