En ce lundi matin, Chambord Maîtrelouis se réveilla, saoul comme une botte. Sa tête semblait partagée en trois morceaux, son estomac faisait des siennes, et à vrai dire, s’asseoir sur le lit était un calvaire, car il avait la tête profondément dans le cul. C’était encore bienheureux qu’il ne soit pas en pleine évacuation dans sa salle de bain.
Hier, la soirée avait été très arrosée. Il était sorti à l’Oiseau Black, un bar à la mode, fréquenté par pas mal de jeunes (et de moins jeunes, coucou Marc !), avec ses trois meilleurs amis. Normalement, Chambord refuse toute invitation au bar, mais là, il en avait vraiment besoin…
Pourquoi, déjà ?
Sa tête tournait, et il avait du mal à se rappeler de la veille.
Hmmm….
Ah oui, c’était ça ! Il souhaitait se remettre de sa rupture. Après deux ans de bons et loyaux services, sa dulcinée l’avait récompensée en le trompant avec un autre pendant six mois, puis c’était lui qui l’avait larguée. Il ne pouvait plus supporter cette mascarade.
De base, quand il avait appris que depuis quinze jours, elle jouait double-jeu, il s’était dit que ce n’était qu’une folie passagère, une petite farce. Ils faisaient toujours l’amour de temps à autre, ils allaient toujours en date. Mais un jour, plus rien. Nous étions en fin août, et plus rien. Pas même un bisou. Des câlins, difficilement. Plus rien.
Il s’était, évidemment, mis en colère. Elle l’avait traité de sexiste, lui avait dit qu’il était saoulant à la longue, et que voilà, elle ne l’aimait plus, celui qu’elle avait trouvé à la place de Chambord était bien mieux.
Chambord n’avait pas accepté ces propos outrageants. Il l’aimait plus que tout, il lui avait présenté ses parents, et elle les siens, il lui avait donné tant. Et elle, si peu. Et voilà qu’elle le traitait de sexiste, de connard, de macho, de raté, de frustré, d’incontinent, d’impertinent. Un flot d’insultes pour tout dire, pour ne rien dire au final. Il l’avait traité avec humanité, il l’avait nourrie, l’avait invitée au restaurant des dizaines de fois, l’avait choyée comme sa propre vie. En deux ans, il en était venu à croire que tout allait pour le mieux, qu’il était l’homme le plus heureux sur Terre.
Elle le haïssait, au final. Il avait raté sa relation. Il avait raté deux ans de sa vie. Sa vie était un véritable cauchemar. Il avait voulu aimer, mais au final, il savait que ça avait été une erreur.
Au final, la veille, il l’avait appelée sur Wassappe, et il l’avait invitée pour un petit fast-food. Elle avait, fort étonnamment, accepté son humble requête.
Il s’était habillé en col roulé brun, jeans et veste noire. Le parfait style d’un petit Anglais, ne pouvait-il s’empêcher de faire remarquer à lui-même.
Il lui avait donné rendez-vous pour 17 heures, mais arriva dix minutes en avance, comme toujours. Il détestait être en retard, être ponctuel était pour lui la chose la plus importante dans n’importe quelle type de relation.
Ce qui était à ce moment-là sa petite amie arriva avec quinze minutes de retard, fidèle à elle-même. Elle s’effondra dans son siège, regarda Chambord d’un air agacé, puis lui demanda d’un air lassé:
“Pourquoi m’avoir appelée ici ?”
“Je… J’ai besoin de te parler d’un truc important.”
“Hum ? Je t’écoute, vas-y.”
“Eh bien… Tu vois… C’est un peu compliqué à dire, mais…euh… je te quitte.”
“Ah ah, très bonne blague ! “
Un court instant passa. Elle qui paraissait moqueuse jusque-là blémit instantanément.
“Non ? Tu es sérieux ?!”
“Oui.”
“Mais… Pourquoi ?!”
“Ah ah, très bonne blague !”
“Comment ça, bonne blague ?!”
“Tu veux dire que tu ne sais pas du tout pourquoi je veux te quitter, Maria ?”
“Mais…”
“Tu sais donc pourquoi…Pas de mais. Maria, tu m’as trompé depuis six mois, tu m’as insulté quand j’ai essayé d’en parler avec toi. Tu refuses catégoriquement de me faire des bisous, je ne parle même pas du reste. On ne va plus en date, on ne fait plus rien ensemble. Tout ce que tu as trouvé à faire, c’est fricoter avec cet espèce de… d’immense fils de pute, là. Alors, vraiment, pas de mais. “
“Non.”
“Ah mais si, tu as déshonoré notre amour.”
“Non.”
“Si, je te dis.”
“Non, je te dis !”
“Et pourtant, si. Hélas pour toi, ton petit jeu s’arrête là.”
“Mais…Qu’est-ce que tu me baragouines ?!”
“Je viens de te l’expliquer…”
“Pourquoi tu ne veux pas comprendre mes sentiments, Cham’ ? Je voulais juste rendre cette relation plus amusante, que ça devienne un défi commun, que tu me prouves vraiment que tu sais défendre ce à quoi tu tiens !”
“Oui oui, baguette.”
“Ecoutes-moi !”
“Brocoli.”
“Ne me fais pas ça, Cham’, s’il te plaît ! Je te jure, mais je te jure que je vais quitter ce type ! Ne m’abandonnes pas…”
“250 g de farine, 50 de beurre, 50 centilitres de lait, dix d’eau, 4 oeufs, 2 cs de sucre en poudre et une petite pincée de sel ! “
“Cham’… Ne fais pas çaaaa ! Retires ce que tu as dis !”
“Et vous, vous allez retirer tout ce que vous m’avez fait à mon insu ces six derniers mois ? Je vous crois moyennement, très chère.”
Elle se leva promptement, et lui assena une gifle en pleurant des larmes de crocodile.
“Retires ça, retires ça, retires çaaaaa…”
“Non ! Tu m’as trahie, maintenant tu assumes !”
La main vint vers lui dans l’intention de se poser avec force sur son visage, mais il l’attrapa fermement, et la lorgna avec rage et dégoût.
“Là, voilà, tu arrêtes ! Tu te couvres de honte, c’est… ridicule ! Tu veux mon pardon ? Tu m’emmerdes, alors je vais être faible, tiens. Nous allons recommencer en tant qu’amis. Si tu arrives à être une bonne pote, alors on pourra discuter pour peut-être revenir à avant. Mais ça va prendre du temps, et c’est bien la seule putain de marque de sympathie que je te ferais, tu m’entends ?!”
“Oui, mais ça c’est si jamais tu me quittes. Sauf que tu ne me quitteras pas.”
“Et pourquoi donc ? Tu crois vraiment que je veux continuer cette relation qui m’est complètement toxique ? “
“Oui, c’est toxique, oui je suis une méchante fille, oui oui oui… mais, Chambord. Tu ne me quitteras pas, et tu comprendras bien vite pourquoi.”
“Ah ah, tu me menaces, maintenant ? Je n’ai pas autant de temps à t’offrir, désolé.”
Chambord se leva, et s’éloigna lentement en laissant la jeune fille en pleurs. Une fois sorti dehors, il contempla la nuit qui s’étalait déjà à moitié dans l’environ proche. Il était dix-huit heures et demie.
Il semblait pleuvoir, mais pourtant, en levant la main en l’air, il se rendit compte que ce n’était pas ça: il était juste en train de pleurer. Pleurer sur son échec sentimental, sur la violence dont il venait d’user à son égard, sur sa cruauté, sur son manque d’empathie.
Sincèrement…Après tout ce qu’il venait de se passer, il ne pouvait vraiment pas rentrer chez lui, il était beaucoup trop déprimé.
Il erra quelques minutes dans les vieilles rues noircissantes du printemps, puis s’assit sur un banc dans un parc pour enfants, qu’il croisa sur son chemin. Quelques couples regardaient leur progéniture s’amuser dans le bac à sable et le coin toboggan, tous les deux semblant avoir connu la naissance du Christ (et celle de Mahomet aussi, par la même occasion.)
Il y avait un peu d’air qui circulait entre les arbres. La fraîcheur du crépuscule s’étendait sur le monde ensommeillé. Tandis que notre homme restait là à regarder dans le vague, un de ses trois meilleurs amis, Raymond, passa par là.
Ce dernier se rendait à une soirée à l’Oiseau Black, un bar pas loin dudit parc où se trouvait son camarade. Comme ce dernier paraissait enterré, il lui proposa de le rejoindre, histoire d’évacuer un bon coup. Et surprise, Cham accepta.
Voilà les deux zigotos qui rentrent dans le bar, et se dirigent à la table du fond, où ils sont déjà attendus par le grand Giorgio et Omar à la voix de baryton.
Ces deux-là sont des habitués du lieu, de sacrés buveurs, ils viennent du samedi au lundi soir.
Raymond les rejoint de temps à autre, mais il préfère aller dans une boîte de nuit qui diffuse du synthwave, seul genre musical qu’il puisse affectionner.
Quant à Chambord, il ne les rejoint qu’une fois toutes les quatre morts d’évêques et c’est cohérent, car il ne tient absolument pas l’alcool. En trois verres, le voilà tout déprimé, pleurotant sur toute la misère du monde.
Comme il en a honte, il esquive donc normalement toute invitation. Mais ce soir-là, il n’est vraiment pas en état. Il n’a pas vu ses amis depuis trois semaines, il vient de rompre avec une fille qu’il aimait, ses parents ne vont pas apprécier la nouvelle vu qu’ils l’adoraient.
C’est pourquoi croiser Raymond et le suivre dans ce bar paumé lui faisait du baume au cœur. C’est vrai, tant qu’on avait de bons amis, tout irait bien.
Chambord décida donc, malgré sa résistance tout à fait inexistante, de boire comme un trou avec ses amis, jusqu’à pas d’heure si possible.
L’alcool était bon et pas cher, ce qui ne manqua pas de l’étonner. Ses amis n’avaient pas changé depuis le collège, c’est ça qui est bien. Raymond raconte des histoires de chasse avec enthousiasme, Giorgio fait des blagues et Omar a toujours mille aventures à raconter, chose qu’il fait brillamment. Quant à lui-même, le dénommé “Cham’ ” n’a pas souvent beaucoup de choses à dire. En temps normal, il est d’ailleurs très taciturne, et se contente plutôt d’écouter que de parler, car il n’aime pas parler.
Mais une fois bien rouge, il s’allume comme une ampoule, et réfléchit profondément au pourquoi du comment de la fabrication des verres à champagne, de l’effet précis de l’alcool sur l’humain, de comment obtenir pile la bonne couleur ambrée pour une bière et puis aussi quels vins éviter quand on a un estomac fragile, et puis… Résumons en un mot: Tout. Quand on parle d’alcool et qu’il est correctement cuité, aucune question, aucune réponse ne peut lui échapper, il connaît jusqu’au moindre petit coux, la moindre ultramicroscopique molécule. Aucun individu n’est aussi spécialiste, à dire vrai, que ce spécialiste occasionnel du dimanche.
Cham’ était, souvenons-nous, de ceux qui partaient très vite. Il tenait mal l’alcool, il l’avait toujours triste et déprimé. Le simple fait de tout connaître sur l’alcool l’aurait rendu juste encore plus déprimant à regarder, dans des conditions logiques.
Pourtant, ce qui en cinq minutes devenait une larve était la principale attraction de chacune des soirées où il pouvait bien se retrouver. Ses camarades de table l’appréciaient pour sa culture, et même s’il était triste, le contraste entre sa voix déprimée et ses propos passionnés, faisait rire tout buveur de cette excentrique tablée.
Malgré que la plupart du temps, notre homme soit hors d’action dans les conditions que tous s’imaginent sans description, tous ses compatriotes poursuivaient cette ambiance qu’établissait cet homme avec le plus grand entrain.
Après cette fameuse soirée, il était rentré chez lui en taxi, s’était couché et endormi sans même s’être changé, ni même brossé les dents. La définition la plus juste était: ”il s’effondra sur son lit dans un grand fracas, les lattes gémirent et il poussa un petit soupir”. Chambord ne put s’empêcher de se dire qu’il ne devait pas autant boire si c’était pour laisser sa santé partir en vrille, avant de sombrer dans les ténèbres de son inconscient.
Et voilà, on en arrivait à maintenant. Il avait comme l’impression d’avoir une dizaine de sacs de ciment pleins sur la tête et les épaules. Il avait oublié son bide. Une quinzaine, donc. Son estomac semblait avoir subi trois ou quatre ulcères, ses yeux étaient vagues, du moins en avait-il la sensation.
Et il devait encore aller à l’université, puis à son petit boulot, puis faire les courses, puis –
Oh flemme…
Et encore régler l’histoire de la veille pour de bon. Il sentait un bon petit drame arriver à dix mille kilomètres. Même moins. Cinq mille au maximum , deux-mille a minima.
“Tu ne me quitteras pas.”
Cette phrase, prononcée par ce qui était désormais son ex, résonnait d’une manière très funeste à ses oreilles. Dieu… Qu’allait-il se passer, à présent ?
Comment ça, il ne la quitterait pas ? Il l’avait quitté, désormais. Il l’avait laissée avec l’espoir de retourner en arrière après une longue phase d’amitié. Peut-être que ”long” signifierait ”toute la vie”. Il ne pouvait rien prédire.
Onze heures, les cours à l’université commencent. Une heure ennuyante de mathématiques appliquées pendant laquelle il décuite en dormant, puis c’est la pause midi. Don doum don DONNNN, DONNN don DINE DON DONNNN.
Chambord sèche la cantine, comme toujours. Il sort, et se dirige vers chez lui, mais par un chemin différent: pour une fois qu’il n’a pas cours de l’après-midi, il peut bien faire un autre trajet, non ?
Une avenue de la Paix est passée, puis un boulevard des airs, puis une rue Mohamed Merah, et une ruelle Saint-Dyle. A droite, de nouveau à droite, un peu à gauche, encore à droite. Tant et si bien, qu’au final, il en perd le nord et se retrouve perdu dans une ruelle très sombre, au milieu de poubelles de ville noires, pleines à ras bord. Il y a des rats qui courent dans tous les sens, gluants de graisse, étincelants de poussière. Leurs poils noirs sont collés, délavés. Leurs dents et leurs yeux sont rouges, ils semblent n’avoir vu le soleil qu’à sa naissance. (et c’était il y a fichtrement longtemps, semblerait-il !)
Au bout de la rue, il y avait une silhouette humaine. Une femme, apparemment jeune. Elle avait des cheveux coupés au carré, des seins assez gros pour qu’on les remarque dans cette profonde pénombre.
Elle tenait une sorte de barre dans la main, sûrement un balai ? Chambord avait un très, très, très mauvais pressentiment. Et il a sûrement oublié quelques “très”. Il n’aurait pas su expliquer pourquoi, mais cette personne lui semblait connue. Qui pouvait bien être cette fille ? Que lui voulait-elle ?
La femme s’avance vers lui, Maria lui sourit. Un sourire vide, morne, désincarné… Cham’ reste immobilisé de peur. Elle semble ailleurs, comme si elle n’était pas du tout là, comme si elle regardait juste un film à travers des lunettes 3D. Voilà, c’est ça qui lui file les jetons. C’est de là que vient son mauvais pressentiment.
Il se mord la lèvre. Enfin, mais qu’est-ce qu’il se passe ?
Il réfléchit intensément. Il est forcé de se reposer la même question.
Qu’est-ce qu’il peut bien se passer, je me demande ?
Il a la sensation d’être submergé par une vague de chaleur intense et brusque, au point qu’il en a le souffle coupé.
Bon, bon, ce n’est rien, elle a juste un balai… peut-être qu’elle travaille dans un restaurant des environs et qu’elle vient jeter les poubelles ? Il ne peut pas juste sauter sur des conclusions…
Pourtant, Cham’ tremble de tout son corps, et, sans aucun doute possible, de sa vie entière, il n’a jamais été aussi terrifié que maintenant.
Ce n’est pas logique, elle n’a qu’un balai, calmes-toi mec ! Elle vient juste jeter des poubelles, logiquement. Peut-être qu’elle vit dans les environs, avec son vieux père divorcé ? (Son père est mort, ta théorie ne tient pas.)
Il faut qu’il arrête de penser à des ”et si”, et qu’il pense à des ”il va se”.
Tout dans le fait, rien dans la théorie.
Pourtant, il est terriblement horrifié. Ses mains tremblotent violemment, comme s’il avait Parkinson. Il a… Il a si peur. Il a tellement, tellement, tellement peur. Il aimerait mieux mourir que de devoir encore vivre cette scène. Il sait, sans vraiment savoir, qu’il va se passer quelque chose d’abominable. Et malgré qu’il tente d’ignorer la situation, son esprit l’y ramène toujours.
Oui, il voûte désespérément ses épaules, et oui, il baisse sa tête dans une tentative de protection.
S’il pouvait se mettre en boule et la prier de le laisser en paix, il le ferait. Ses tempes palpitent, il sent son pouls accélérer de manière exponentielle.
Son corps entier semble peser plusieurs tonnes, il n’arrive même pas à déplacer un seul gramme de son corps. Seul ses bras ont bien voulu écouter son cerveau.
Il est inondé de sueur, au point qu’il aura bientôt vidé toute l’eau hors de son corps. A ses pieds sied la Mer Morte.
Il aimerait tellement retourner en arrière. Il aimerait tellement fuir. Il aimerait vraiment pouvoir juste fuir ses pensées, ce monde, cette terreur. Pourquoi, mais pourquoi est-ce qu’il en est arrivé là, déjà ?
“Tu ne me quitteras pas.”
Non. Non, non, non. Elle l’a dit, mais ça ne veut pas forcément signifier ce qu’il vient de penser. Tout va trop vite, beaucoup trop vite. Il est complètement incapable de suivre le cours de ses pensées…
C’est faux ! Evidemment qu’il se fait des films ! Ou bien l’est-ce réellement, est-il réellement dans un film ? Il aimerait tellement pouvoir le dire. Que RIEN ne va se passer, que TOUT ira bien. Que la réalité est une bien belle chose, que des tragédies n’arrivent qu’une fois tous les siècles et qu’il ne vivra pas cette rare occurence.
Mais il sait pertinemment que non. Tout va mal aller. Maria est, à vue d’oeil, à cinq ou six mètres, approximativement, de lui. Et elle accélère le pas. Il ne peut pas plus bouger. Il ferme les yeux, et il attend. C’est la dernière solution auquel il puisse penser. Peut-être que son réveil va sonner, et qu’il va se réveiller. L’espoir n’est pas perdu. C’était une technique qui marchait si bien à cache-cache, quand il avait six piges !
Peut-être qu’il se réveillera, ira à l’université, sortira par un autre chemin, et ne croisera pas Maria avec un truc qui s’apparente à un couteau de boucher. Oui, peut-être… Ah ah… ah ah ah ah ! Il rit, son ventre se serre comme dans un étau.
Une goutte de sueur, un gros choc, son corps tombe brutalement à terre, son souffle s’en coupe. De tout son être, il se sent envahi par une sorte de paix. Oui. Il a définitivement fait un mauvais rêve. Le monde est paix, la paix est mondiale.
Il réouvre ses yeux. Autour de lui, il n’y a plus rien. Il entend, comme si derrière un mur épais, les pleurs de Maria. Il sent ensuite une odeur rouillée, si caractéristique. Il comprend, enfin, que ce n’était pas un cauchemar.
“Tu ne me quitteras pas.”
Hélas ! J’y ai été forcé, Maria. Je ne comprends que maintenant à quel point tu étais biaisée dans tes morales. Et sincèrement, je te plains.
Foi de Chambord Maîtrelouis, si j’avais encore été là, je t’aurais pardonné, et j’aurais pleuré avec toi jusqu’à la nuit des temps. Mais Dieu en a décidé autrement, et pour les siècles des siècles, il n’y aura plus rien.
Il n’y aura pas de scène irréaliste où, le cou percé, je te parlerais pendant cinq minutes, et on aura des adieux émouvants qui feront pleurer le lecteur. Et une fandom qui pleurera toutes les larmes de son corps en criant ”Nooooon Chambord ! ????????????” ou des anonymes qui écriront sur Fourrechan des messages comme “sal put maria wsh pk ta tue cham xD Owo uwU ☠???? “.
Rien de tout cela, évidemment, plus rien du tout.
Il n’y aura pas de vie pour moi, car tout s’arrête. Pas de futur pour nous, évidemment. Plus de sentiments, plus rien.
Il n’y aura plus d’amour, plus de joie, plus d’espoir, plus de salvation, plus de rires, plus d’euphorie, oui, il n’y aura vraiment plus rien.
Le Néant s’installera sur toi et moi, une obscurité profonde, un désespoir sans fin. Même morte, tu ne te pardonneras jamais l’acte que tu as commis.
Mais ne t’en fais pas, pourtant. Je te pardonne, en vérité. Malgré tout le mal que tu m’as fait, je sais qui tu es.
Tu es une idiote, tu es naïve, tu es influençable, oui, tu es une sombre conne, et je peux bien te haïr.
Pourtant, tu es gentille, tu es attentionnée, tu es entreprenante, tu travailles beaucoup, et tu m’as aimé comme personne ne m’a jamais aimé.
Et rien qu’avec tout ça, le mal équilibre le bien, et je peux bien te pardonner. A quoi bon t’en vouloir, puisque je suis déjà mort et que je disparaîtrais dans quelques instants ?
Au… revoir, Maria, et…
N’oublies pas….que…
Je….
t’aime…
Ah oui !
Vis…heureuse…s’il te plaît,
Ma-