Prologue

8 mins

Le ciel dehors se faisait grisâtre en ce soir de septembre. Un typhon se rapprochera du microcosme tokyoïte, et tout le monde se cachera de la colère de Dieu durant les prochaines heures, peut-être même les prochains jours. A qui lui fera face, à qui y finira mort, à qui disparaîtra de ce monde à jamais. 

Dans une petite maison de banlieue froide et immobile, perdue au milieu d’autres immeubles froids et immobiles, une employée de bureau tout à fait classique étendait son linge. Elle semblait pressée.

La femme savait très bien qu’il y avait un typhon qui venait par là à toute vitesse, mais pour une fois qu’elle avait moyen de changer son quotidien, au moins un petit peu …Elle avait comme souhait de laver ses vêtements grâce au typhon, si possible.
Sur Internet, il n’y avait pas de réponse précise, d’où le besoin de voir par elle-même. 
Après tout, la vie ne valait le coup que si l’on se permettait des petites folies à droite et à gauche. 

A trente-trois ans, la petite dame en faisait encore vingt-cinq. Elle en était très fière, surtout qu’elle faisait énormément d’efforts pour ne pas trop fatiguer son corps, et donc vieillir prématurément.  

Elle avait des cheveux coupés au carré, noirs, des yeux du même teint, mesurait une taille moyenne, avait une poitrine et un fessier assez moyens (peut-être un peu plus que la normale ?). 

Rien de trop remarquable, si on résume. Juste une jolie petite fille trentenaire, divorcée comme des millions d’autres, et otaku jusqu’à la moelle comme des millions d’autres. Aucun complexe sur elle-même, ou les autres. Honnête, droite, sincère. 

Qui aurait cru que ce cliché de la banalité s’amuserait un jour à tenter de laver ses vêtements grâce à la pluie ? Certainement pas elle. Mais il fallait bien se rebeller un peu contre sa routine, sinon on sombrait vite dans la déprime. 

Elle avait perdue la garde de sa fille en même temps qu’elle divorçait. Elle n’avait financièrement pas les moyens de s’occuper d’elle, alors que l’autre fou qui lui servait auparavant de mari les avaient, lui. Et ils les avaient même très bien. 

Rien que de penser à cet individu lui donnait envie de vomir. Il l’avait trompé trois fois en trois ans de mariage. TROIS ANS. Sept ans, encore, mais chaque année il recommençait, il lui brisait son égo de femme. Quand elle avait découvert ses manigances, elle l’avait menacé de divorce, ce à quoi il lui a dit d’oser le faire. Elle avait déposé sa demande, qui avait été acceptée. Le mari s’était métamorphosé en un violent et cruel individu. Il avait commencé à fréquemment la battre jusqu’aux os, à l’insulter de salope, de putain, d’ordure chaque soir, à la forcer à boire l’eau des toilettes, régulièrement. Il le faisait toujours après avoir pissé dedans. Plusieurs fois, elle a fini à l’hôpital à cause de lui. 
Et sa fille avait deux ans… voir ce genre de scènes, à cet âge… Fumier. Mais quel fumier ! Quelle sous-race de sous-merde ! Quel… Mais quel enculé, en fait ! 

Elle n’en revenait toujours pas qu’elle avait dû céder cette pauvre enfant à un individu aussi…raaaah, elle en perdait ses mots, mais… malfaisant, abject, ignoble, et ce depuis presque huit ans ! HUIT ANS AVEC UNE SOUS-MERDE PAREILLE. 

Depuis, plus aucune relation avec un seul homme. Elle avait divorcé avec succès, obtenu l’équivalent d’un million de yens, qu’elle avait investi en partie dans cet appartement qu’elle occupait à présent. 

Elle avait changé de travail, aussi… une vie normale, pour une femme normale. 

Elle regarda le ciel. Il faisait à présent pratiquement nuit. A la télé, ils donnaient les consignes habituelles.

Protégez bien tous vos biens, faites en sorte que le vent et la pluie ne rentrent pas chez vous. 
S’il y a quelque chose dans le jardin, rentrez-le.
Coupez le gaz, l’électricité, l’eau, coupez tout pour les douze prochaines heures, en attendant l’oeil du cyclone. 
Informez-vous par voie radiophonique. Surveillez le moindre détail. Faites attention pendant la nuit. 
Surtout, ne sortez pas. 

Notre héroïne, ayant écouté ce message, décida de ranger les quelques trucs non nécessaires à son expérience, in casa
Puis, elle ferma la porte d’entrée à double tour, ainsi que les quatre fenêtres de son appartement et boucha avec des éponges spéciales chaque interstice pouvant laisser le vent rentrer. 

Elle coupa la télévision, puis alluma nonchalamment la radio AFN Tokyo. Elle préférait celle-ci aux autres, parce que les informations y étaient en anglais. Et il n’y a rien de mieux que travailler ses langues étrangères pendant un typhon… vu qu’il n’y a rien d’autre à faire, de toute façon. 

Ah si ! Il y avait bien quelque chose à faire ! 
Elle se leva, et marcha vers sa chambre d’un pas décidé. 

                                                             ***

Cinq minutes passent, et la femme revient. Elle marche d’un pas décidé, tient un livre fermement, il semblerait que ce soit un manga très récent.
Correction, il s’agit d’une biographie d’Alexandre Dumas, l’auteur du Comte de Monte-Cristo. Que fait ce livre dans la demeure de la trentenaire ? Mystère…

Plusieurs heures passent. Dehors, c’est l’apocalypse. Elle lit toujours, une lampe torche attachée juste au dessus du livre. Elle semble entièrement concentrée sur son livre. C’est peut-être la raison pour laquelle elle ne sait pas encore que ses habits ne sont pas restés à leur place, ces filous. Et qu’elle a donc perdu 10 500 yens d’ensembles tailleur-chemisier-jupe-collants. DIX MILLE. Avec ça, elle aurait pu s’acheter beaucoup beaucoup d’onigiri !

Bientôt, la radio annonça que le cyclone allait connaître une ”accalmie”. C’était le signal que Tokyo entrait dans l’oeil du cyclone, peu à peu. 70 km de paix. A la vitesse où le phénomène se déplaçait, ça laissait environ huit heures avec un petit vent doux….

Notre héroïne sortit de sa méditation, et mit un petit marque-page. Il lui restait un tiers du livre à lire, et c’était vraiment très intéressant. 

Il avait vécu pendant le XIXème siècle, entre 1802 et 1870. Il avait écrit des livres comme le Comte de Monte-Cristo, Joseph Balsamo, les Trois Mousquetaires, Ivanhoé et plusieurs autres.
Et ses deux fils étaient célèbres, à leur manière, surtout Alexandre fils. Il a eu plein d’aventures, il a pu voyager un peu partout…Là où elle s’était arrêtée, il venait d’arriver en Italie. 
Il n’a jamais arrêté une seule fois d’écrire, le bougre, il a vécu comme il se doit…

Au fond, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir de l’admiration pour lui. Et pour cette société. Si la France était encore comme ça, alors ce devait être un paradis, pour qui savait s’adapter. 

Mais bref, il fallait qu’elle sorte dehors. Elle savait qu’il lui manquait des oeufs, et il lui en fallait pour ses ramens ce soir-là. Elle regarda dehors, zyeuta l’heure. 

17 h 34.  Elle sortit dehors, ferma la porte, et là…

Elle reçut un coup de poing dans le dos. Argh. Non. Pile quand elle sort, elle tombe sur un ivrogne. Est-ce qu’elle va se faire violer par un homme, à nouveau ? Elle contracta ses abdominaux, prête à lutter contre son agresseur. Sauf qu’en regardant son ventre, elle compris qu’elle n’avait pas reçu un poing. 

Une lame de katana (ça semblait en être un ?) pourpre sortait littéralement de son ventre. Il y avait une sorte une sorte de fluide à moitié rouge qui sortait de son fichu estomac. Non. Non, non, non. Elle ne pouvait tout simplement pas avoir été poignardée, dis ? Impossible, elle devait être en train d’halluciner…

Sauf que le sang continuait à couler, et l’angoisse montait en elle. Elle allait vraiment mourir aussi bêtement, sérieux ? Il n’y a pas moyen d’avoir une mort plus stylée ?! Du genre, mourir en sauvant quelqu’un d’autre, héroïquement, comme n’importe quel héros d’isekai bien bidon ?  

Comme la pression devenait insoutenable, elle se résolut à hurler. Un long hululement douloureux. Puis, ses jambes se dérobèrent sous elle. Elle n’était plus capable de rien. A ses pieds, il y avait une flaque aux odeurs de rouille. Ses chaussures blanches étaient écarlates. Punaise. 

Elle se retourna mollement, et regarda son agresseur. Une femme. Même ses consœurs voulaient sa mort…  Bon dieu, mais quand est-ce qu’on arrêterait de l’attaquer à tout bout de champ ? 

Quand est-ce qu’elle serait enfin capable d’être heureuse ? 

Bon, je crois qu’on peut tirer le rideau.
Allez, allez, partez ! Ma vie est finie, j’ai été maltraité par tous les sexes, ma vie est pitoyable, je ne serais jamais heureuse. C’est bon, je suis athée, j’assume, youpi je vais mourir ! 

Je ne veux pas mourir… Je rigole, mais je ne veux vraiment pas mourir, vous savez ? 

S’il y a un Dieu quelque part sur cette planète, alors je vous supplie, donnez-moi la possibilité de découvrir le bonheur, s’il vous plaît. Prouvez-moi qu’on a raison de croire en vous, que vous ne nous abandonnez pas au final. Que vous n’êtes pas là que pour nous ôter la vie, mais aussi pour nous la rendre. Faites-moi revivre quelque part où je pourrais accomplir mon objectif. 

Laissez-moi, au moins, vous faire confiance pour de vrai, sans trahison derrière. J’ai besoin de vous. Réellement, sincèrement.

La femme, tandis qu’elle pensait ceci, pleurait à chaudes larmes, tandis que son assassin retirait le katana difficilement, et souriait béatement.  

Sa vision se faisait trouble, ses oreilles bourdonnaient. Et puis, d’un coup, abruptement, tout s’arrêta. 

Voilà, c’est fini. 

Quand elle rouvrit les yeux, elle n’était plus au même endroit. Il y avait un croisement entre deux petites routes, il faisait nuit, et elle pouvait percevoir un 7-11.
 Attends, elle n’avait pas lu une nouvelle sur un site avec un homme mort qui se retrouvait devant un 7-11 après… Après sa mort ?! 

Bon, on se calme…

Maintenant, il va en plus falloir assumer sa mort, bon sang de bonsoir ! Mais est-ce qu’elle est vraiment morte ? 

Oui. La question ne se pose pas. Même en se concentrant le plus possible, elle ne ressent aucun battement de coeur, et sa peau, quand elle touche le sol, commence à brûler. Le sol est donc plus chaud que son corps. Et il fait nuit.  

Donc, si on suit cette conclusion, elle est morte, mais morte de morte. Vraiment morte. On ne fait pas plus mort qu’elle. 

Et cette porte qui vient d’apparaître de nulle part devant elle, ça doit être un portail vers un autre monde, tant qu’on y est ?! Mais on nage en plein délire, ou c’est comment ?! Vraiment, qu’est-ce qu’il lui arrive ?! Mais on nage en pleine confusion, là, mais c’est vraiment pas poooossible !???

Elle passait, en un instant, d’une vie normale à trépas. 

Qu’y a-il derrière cette porte ? 

Elle a bien envie de voir…

Mais ça peut être dangereux…

Mais on a qu’une vie.

Quel dilemme. 

Bref. Elle est morte, et ce n’est pas comme si elle risquait sa vie. Si cette porte peut la mener au bonheur, elle accepte n’importe quel danger, même si elle devait presque en mourir. 

Elle s’avance lentement vers la grande porte dorée, puis appuie doucement sur la poignée et pousse lentement le lourd battant. 

Derrière, une lumière l’éblouit, de plus en plus, jusqu’à ce qu’elle en soit submergée. Elle ne parvient pas à garder les yeux ouverts, et finit par les clore, en attendant que la Lumière connaisse une accalmie. 

Elle est débile… Là, elle va sûrement rencontrer un Dieu sans visage qui va lui dire qu’il va l’envoyer dans un autre monde parce que yolo elle a été une bonne personne, c’est ça ? 

“Ouais.”

“Hm ?!” Elle en reste surprise. Qui est-ce ?

“C’est mieux si tu me parles, Akane Sasaki.”

“Vous connaissez mon nom ?!”

“Akane, tu es face à un Dieu. Un Dieu qui ne connaît pas tout de ses interlocuteurs, c’est quel genre de Dieu ?! Tu m’as pris pour un rigolo, c’est ça ?!”

Akane en resta figée. Donc Dieu existait. Contrairement à ce qu’elle pensait, il ne manquait pas de culot, ça c’est certain. Mais c’était rassurant. Il semblait plus humain de cette façon. Il ne restait plus qu’à espérer que ce ne serait pas une-

“Tsundere ?” fit-il avec le même air qu’un savant, fier de sa découverte innovante, devant ses étudiants. 

“Ah… Vous-” 

“Oui, je sais tout. Je l’ai dit à l’instant, tu croyais que je me moquais de toi ?”

“…”

“Je vois. J’ai envie de dire que c’est tout à fait compréhensible, chère camarade. Est-ce que tu sais pourquoi tu es ici ?”

“Je le sais déjà, non ?”

“Oui, oui, baguette. Je te crois…” dit-il d’un air très dubitatif. 

Akane le jaugea avec dépit, puis commença sa partie de devinettes

“Une histoire de magie ?”

“Non.”

“Une histoire d’équilibre ?”

“Non plus.”

“Hitogami ?”

“Tu ne te nommes pas Rudeus.” souffla-il, déçu. 

“Bon, alors tu vas me faire le coup de me faire naître dans un monde sans livres alors que j’en ai besoin pour vivre ?!” hurla-elle, désespérée. 

“Arrêtes de rêver, tu ne te nommes pas Myne.” s’exaspéra-il. 

“Mais alors, quoi ?! Pourquoi me faire venir dans ton monde ?!” fit-elle, choquée.

“Ah ah… Tu verras quand tu y seras. Je vais te laisser profiter du jeu !”

“Du jeu ?! Ma  vie n’est pas un jeu !” 

Il prit un ton coquin, souleva la commissure de ses lèvres en penchant sa tête sur le côté, puis déclara: 

“Oh oh oh ! Tu verras ce que je veux dire par là…. Allez, cheh ! Retournes dans ton pays !” 

“Mais c’est super raciste !” s’exclama brutalement Akane, offusquée. 

“Eh eh !” fit-il en riant légèrement. 

Et tout d’un coup, la Lumière fut. Encore une fois, elle ferma les yeux… Et le pouvoir de la facilité scénaristique assumée la téléporta ailleurs. 

Mais ça, c’est déjà une autre histoire ! 

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Nolwen Noelle
2 années il y a

Sympa ! Hâte de lire la suite

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