Il était parti.
Et je ne l’ai pas rattrapé. Je ne l’ai pas fait, parce qu’Antoine, avait plus besoin de moi à ce moment-là, qu’Axel. Je ne l’ai pas fait, parce que j’avais plus besoin d’Antoine à ce moment-là que d’Axel.
Je le regardais s’éloigner. Sans bouger.
— Tu veux le rejoindre ?
— Non.
— Tu es sur Eliya, ça ne me dérange pas si jamais…
— Non, j’ai besoin de toi et toi de moi.
Je plantai mon regard dans le siens, en espérant lui faire comprendre qu’il ne fallait pas autre chose à ce moment-là.
— On va monter chez moi. Et on va boire. On va boire jusqu’à ce qu’on oublie. Juste l’espace de 10 secondes. Et on dira aux autres de nous rejoindre.
— D’accord. OK.
On est monté. J’ai ouvert, le placard à alcool. J’avais récupéré toutes les bouteilles de mon père. Il y en avait pour tous les goûts.
— Je te préviens, j’ai aucun soft pour mélanger. Ça sera pur.
— Aucun problème pour moi.
— Tu veux commencer par quoi ? Vodka ? Tequila ? Whisky ?
— Va pour la vodka !
J’attrapais deux verres, un paquet de clopes neuf et on se mit sur la terrasse. Je nous servis un verre chacun.
— Je lève mon verre à monsieur Collins, qui a ruiné nos vies.
Antoine trinqua avec moi, et ont bu nos verres cul sec.
J’ai envoyé un message sur le groupe.
12h06 : Eliya : Avec Antoine, on sort de chez le psy ! C’était l’enfer. On a décidé de boire toute la journée pour oublier ce gros connard. Rejoignez-nous chez moi. 13 rue des dunes. Digicode 2212. Deuxième étage porte de gauche. C’est ouvert !
12h07 : Eliya : On n’a pas de softs !
12h07 : Eliya : Oh et j’oubliais… Il sort à 12h30.
J’ai verrouillé mon téléphone et je l’ai balancé sur le canapé. Je ne voulais plus le regarder. Je ne voulais pas savoir l’heure qu’il était. S’ils venaient, ils viendraient.
J’ai allumé la clope qu’Antoine me tendait, et je nous ai resservi.
— Eliya ?
— Oue ?
— C’est quoi qui t’a fait le plus mal ? Enfin, je veux dire en dehors de la mort de tes parents ? Même si c’est déjà beaucoup trop…
— Oui, je comprends ce que tu veux dire… Ce qui m’a fait le plus mal, c’est quand on s’est retrouvé au commissariat, toi, Johane et Julien, vous n’étiez pas là. On vous avait transporté de suite à l’hôpital. Mais Maria était là… Et on nous a annoncé, l’accident. Il était là. Il venait juste d’arriver. Il était complètement ivre. Il souriait. Et en passant, il a lâché un « Je suis désolé ». Sans jamais arrêter de sourire. Je crois que c’est ça qui m’a le plus fait mal.
— Sérieux ? Tu l’as déjà croisé alors.
— Oui. On aurait dit que la situation l’amusait.
Il me resservit un verre. Cul sec.
— Je suis désolé.
— Moi aussi Antoine. Désolé qu’on soit obligé de vivre ça.
On a continué de boire une bonne partie de l’après-midi. Je commence à avoir la tête qui tournait. On était affalé sur mon canapé, comme deux ivrognes. J’avais chaud. Antoine avait les joues roses.
On avait mis de la musique et on chantait à tue-tête.
Julien fit irruption dans le salon.
— Julieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeen m’écriais je.
— Mais qu’est-ce que vous faites tous les deux ?
— T’es venu ! Viens avec nous. Prends une bouteille ! Celle que tu veux. Elles sont à mon père. Mais t’inquiète il ne dira rien.
Un fou rire nous emporta avec Antoine. Tout nous faisait rire. Julien se mit à rire à son tour. Il s’installa avec nous. Johane et Maria ne tardèrent pas à arriver elles aussi. Les bras chargés de chips, et cacahuètes en tout genre.
— On a pensé que vous auriez peut-être faim, nous dit Johane.
On mit la musique plus fort, tout le monde avait une bouteille à la main. On dansait, on chantait, on hurlait. On oubliait.
Et puis j’ai fait ce qu’il ne fallait surtout pas faire. J’ai attrapé mon téléphone. Et je lui ai envoyé un message.
Eliya : Désolé. Tu m’manques. Mesparents sontmorts alor on fé la féte tous enseble !
Oh ! On avait cru qu’Eliya ne s’était pas laissée déplacé quand elle avait affirmé qu’elle avait plus besoin d’Antoine que d’Axel dans ce moment où ils sortaient du psy. Elle était en contact avec elle-même à ce moment. Mais lorsqu’elle s’oublie, c’est à ce moment là qu’elle glisse vers sa dope (Axel).
Ai-je dit à quel point je suis admiratif ?
Et ce chapitre de Fun& Games est magnifiquement bien construit, avec un retour sur le noyau de la souffrance, celle d’avoir vu l’olibrius avoir pris tout cela à la légère.