Quand je suis née, on a dit à mes parents:
“Quel beau bébé, franchement,
Il vivra une longue vie, avec une gentille famille,
Oh oui, il aura un long futur en tant qu’être humain, en tant que votre fille”.
Quand j’avais trois ans et demi j’ai joué à chat avec une Xsara,
C’était elle le chat.
J’ai couru bien loin, et bien tôt m’a-elle touchée-
J’ai vu noir, et je n’y ai rien compris.
Le ciel est gris, il s’alterne de petits moutons blancs alternant avec des hélicoptères fantasques.
Quand j’avais six ans, je me posais souvent la question qui suit:
“Si jamais une voiture joue avec une fontaine, et qu’elle fonce vers le vasque,
Qui des deux verra noir en premier ? Et qui c’est ensuite qui fuit ?”
Sans réponse, j’ai rapidement avancé vers mes dix ans. Je vois de moins en moins les feuilles,
Pourtant je ne bouge pas de ma chambre blanche.
Les arbres sont-ils morts, ou est-ce juste moi qui ai sauté le printemps ?
Il fait de moins en moins beau. Papa et Maman font une tête d’enterrement.
Des fois, je vois ma mère qui soupire, qui flanche,
Et mon père de la soutenir, alors qu’il se comporte comme un homme en état de deuil.
Pourtant j’suis pas encore morte, je m’sens respirer,
Mon coeur bat toujours, j’ressens encore le monde, et puis j’ai-
J’ai vu noir, et je n’y ai encore plus rien compris.
Quand j’avais douze ans, on m’a demandé ce que je voulais faire, plus tard, comme métier.
Alors, j’ai tendu le doigt vers ma télé, et j’ai déclaré, ”Idol, en vrai, ça me plait !”
Et puis, les femmes en blanc ont ri, et le monsieur aussi.
Mes parents persistaient avec leur air d’enterrement,
Alors j’ai chantonné pour eux, ”Warau, Warau, saa waraimasho !”
Diable ! A l’inverse, ils ont pleuré ensemble comme deux déments.
Quand j’ai eu quinze ans, on m’a dit que si je vivais assez longtemps,
Je pourrais voyager hors de ma chambre, genre le Lac Léman,
Et puis voir les baleines, les tortues, nager avec des dauphins,
D’ailleurs, c’était l’année où je m’étais lancée sur Youtube,
Parce que pour être Idol, il fallait beaucoup travailler,
Et puis sourire, sourire sans arrêt !
Il est entré en furie dans ma salle de repos, l’homme en blanc.
Mes parents le suivait de très près.
Je suis là, debout, et je chante les paroles de ma chanson préférée,
Lui, il ouvre grand la bouche, à croire qu’il cherche à gober des mouches.
Eux, comme toujours, bah ils pleurent, sauf qu’ils s’imaginent un rétablissement.
Pourtant, bam ! Je vois à nouveau noir. A croire que c’est pas mon jour…Putain !
Je hais tellement cette situation, je hais mon impuissance, je veux juste chanter !
Si j’avais reculé face à la Xsara, j’aurais peut-être encore possibilité d’utliser mes jambes,
Être accompagnée de plein d’amies trop kawaii, un petit ami qui s’appellerait Hiro !
J’aurais pu aller au lycée, même au collège si je voulais, être dans le club de Volley,
Ou de judo, ou de mangas, ou même de hand’ !
A la place, je reste là, immobile, et j’attends que mon heure vienne,
J’attends que le Jugement Dernier sur moi advienne,
Qu’il me libère de la vie qui est mienne !
Quitte à être un garçon,
Quitte à vivre loin du Japon,
Quitte à même être un peu con.
J’aurais préféré ça que ce que je suis forcée d’assumer comme ma vie !
Et puis là, maintenant j’ai dix-huit ans. Il fait vraiment tout noir ce matin, et je crois n’entendre plus très bien.
Pour être sincère, je n’y entends plus rien.
Je perçois pourtant des gens en train de sangloter, et je crois que quelqu’un m’a mis sur les yeux un épais bandeau,
Et sur les poumons au moins deux ou trois gros <parpaings.
Est-ce une expérience pour voir si je ne suis pas encore au bout du rouleau ?
Mais plus ça avance, et plus ça m’oppresse.
Je me sens terrorisée, comme si souvent, je n’y comprends plus rien,
Je suis complètement écrasée, je sens que ça croît, que ça me compresse,
Qu’à la fin, il ne restera de moi qu’une crêpe, un vide intersidéral, une galette ou bien…
Est-ce le bout du chemin ? Serais-je enfin libérée ?
A présent hors de cette réalité, je vais pouvoir,
Au parfum d’une e nouvelle vie goûter.
Les portes de Dieu s’étendent devant moi, si grandes qu’on peine à les voir:
-Puis-je rentrer ? On me répond que bien sûr, oui.
Et je m’enfonce enfin vers ma nouvelle vie.