J’ai quinze ans et tout va bien

J’ai quinze ans, et je suis normal. On me prend souvent pour une fille, vu que j’ai un corps et une voix qui s’en rapprochent. Richard siège bien entre mes deux cuisses. J’aime étudier, et j’étudie souvent l’Amour.

J’ai quinze ans et j’ai des amis cools.
Bruno salive beaucoup quand je suis avec lui, et il apprécierait vraiment si je venais chez lui, un jour, pour qu’on cause tranquille. Je ne viens pas. Il est sympa mais il aura plein de ménage après, avec toute cette salive.  
Astrid ressemble à un boxeur poids lourd. Souvent, elle fait des trucs amusants comme renifler mes culottes en disant ”すごいね, この香水が大好”. Je l’adore, cette fille.  
Philippe et Julienne adorent les animaux. Des fois ils leur font mal, alors je les arrête, et je leur dis que faire mal c’est pas de l’amour, pour déconner. Ils rigolent bien. Moi aussi, je rigole bien. 

J’ai quinze ans et j’ai une famille normale. Papa est là, à la maison. Souvent il passe la nuit ailleurs. Quand il revient, il boit une espèce d’eau qui sent très fort. Ma grande sœur est partie depuis plusieurs années. Elle m’a conseillé de faire de même, une fois majeur. 
Maman n’est plus là depuis longtemps. Je la croise parfois dans la rue avec des mecs bizarres.
 Quand j’étais petit, ma sœur était plus aimée que moi.  Sa peau bleue la faisait souffrir apparemment. J’imagine qu’elle se faisait harceler par des méchants. 
Papy est mort maintenant, mais quand on allait le voir, il adorait nous emmener dans la grange après le repas. Là-bas, il nous montrait ce que c’était d’être adulte, avec sa vache Marguerite. Il est mort avec elle, d’ailleurs. Être adulte, ça a l’air vraiment épuisant. 

Mon père pense qu’il aurait dû nous concevoir avec une autre femme. Quand il boit trop d’eau, comme je ressemble beaucoup à ma mère, il nous confond, et il m’aime avec ses sandales. J’en ressens une gratitude infinie pour lui. Alors il m’aime encore plus. Je suis tellement heureux, c’est le Nirvana, ce plaisir m’amourache. Et je le vois, tout triste, renoncer à m’aimer. J’en redemande, j’adore ça. Il me dit ”Désolé fils. Tu ne mérites pas tout ça.”. Du coup, il s’effondre ensuite dans le canapé devant un film de guerre.

J’ai une vie normale. Quelques fois, ma sœur vient nous voir. Elle et mon père boivent de l’eau qui pue en pleurant. Ils ne veulent pas que j’y touche, et je trouve souvent ça injuste. Pourquoi pas moi ?

J’ai quinze ans et Papa, larmoyant, fait un gros câlin à ma sœur. Elle est tombée, et il y a un gros truc dans son ventre. Elle sourit, le visage noyé de larmes. Sous cette pleine lune, ma sœur a l’air divine. Son sourire angélique, son corps luisant, ses mains graciles…mmh, tout me passionne chez elle. Je demande à Papa si je pourrais enfin l’aimer quand elle rejoindra Dieu. Il le prend anormalement. Ses yeux s’ouvrent, sa bouche se tord dans une grimace furieuse. Il hurle que je suis aussi malade que ma mère, que je ne suis qu’une petite ordure, un idiot.
Et je ne comprends pas. Vraiment, je ne comprends plus rien. J’ai des amis cools, une vie banale et une famille normale. Alors, pourquoi ? 

Comme pour ma sœur, Papa m’a fait un câlin, et j’ai ressenti son amour me remonter dans le ventre. Tout va bien…quel bonheur. Je me soumets à mes désirs, maintenant que je vis mon meilleur orgasme. Papa m’aime toujours. Je souris, j’en pleurerais presque, et je remercie Papa. Il pleure, sans me jeter même un œil, et s’en va dans un coin. Je vois ma sœur. Elle non. Elle voit Dieu. 

Tandis que l’amour bat encore, je pense à Astrid, à Bruno, aux jumeaux. Et aussi aux ”pan, pan” que je viens d’entendre dans la salle voisine.

Voilà…

C’est fini, Julie… Je te rejoindrais dans quelques instants.

Et le jeune homme cracha son sang une dernière fois, baigné dans la luminescente clarté de la pleine lune.

Cordialement,
Le Comité de Protection des Auteurs liés à des Questions Polémiques.
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