À son bureau,
14h15
Mon entretien avec Monsieur Duval étant terminé, je le raccompagne à la porte de mon bureau et l’ouvre. Il me salue une dernière fois, le quitte et je referme derrière lui. Je dénoue ma cravate et enlève les premiers boutons de ma chemise. J’étouffe. Ces rendez-vous d’affaires, remplies d’hypocrisie et de courbettes me désespèrent et m’épuisent. Jouer les fils parfait et digne héritier de l’empire pharmaceutique Smith me rend malade. Surtout quand tu sais que tu n’as été conçu que pour ça. Et que l’homme qui te sert de père ne voit que le profit et tente de diriger ta vie comme il l’entend. J’ai grandi dans un monde de faux-semblants, élitiste et superficiel. L’authenticité de Laure est réellement une bouffée d’oxygène. Elle représente tout ce dont j’ai besoin et que j’ai recherché jusqu’à maintenant.
Je me sers un verre de scotch et retourne m’asseoir dans mon fauteuil. Tourné vers la baie vitrée qui m’offre une vue panoramique de Paris. D”ici, je vous la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, les Champs Élysées et ma faculté. Je bois une gorgée de mon verre en consultant ma messagerie. Je relis mes dernières conversations avec Laure. Depuis deux jours, les choses entre nous ont commencé à prendre une tournure plus sérieuse voire amoureuse et intime et ça me perturbe. Je ne suis pas habitué à avoir ce genre de discussion avec une femme et Cécilia me hante depuis que j’ai repensé à elle. De plus, je n’ai toujours pas trouvé des réponses à mes questions. Cependant, lâcher du lest et laisser mon instinct s’exprimer à ma place lors de mes échanges avec Laure me fait du bien.
Les effets qu’elle a sur moi sont de plus en plus présent et semblable à ceux qu’avait Cécilia voire identique, mais je n’en suis pas sûr. Se pourrait-il que cet imbécile heureux de Valentin est raison ? Et que je sois amoureux de Laure sans m’en rendre compte ? Serait-ce la raison pour laquelle Cécilia me hante à ce point ces derniers jours ? Est-ce que la réponse à mes questions serait aussi simple ?
Bientôt, Judith vient toquer à la porte de mon bureau pour m’annoncer sa présence avant d’entrer.
— Je suis désolé de te déranger Aaron, mais il faudrait que tu signes les derniers accords passés pour ton père. Il me les réclame depuis une semaine.
Je soupire et me désaltère avec une seconde gorgée de scotch puis, je me retourne vers mon bureau à l’aide de mon fauteuil et pose mon verre.
— Donne, je lui dis.
Elle acquiesce d’un hochement de tête, s’approche et me donne les dossiers pour je les signe. Ce que je fais avec chacun d’eux en les relisant pendant que Judith passe ses doigts dans mes cheveux. Bien que mon père me l’a imposé, je me suis lié d’amitié et je m’entends bien avec elle. C’est une blonde pulpeuse aux yeux bleus, mesurant 1m64 pour 60 kilos. Elle a une personnalité atypique et est avec son compagnon – plus âgé qu’elle – depuis sept ans.
— Tu m’as l’air épuisé en ce moment ? Tu es sûr que tu vas bien ?, s’inquiète-t-elle.
— Oui. Enlève tes doigts de mes cheveux. Tu sais très bien que je déteste les contacts physiques.
— Pourtant d’habitude, ça ne te dérange pas et tu apprécies. Est-ce qu’il y aurait une femme là-dessous ?
— Peut-être bien. Je ne sais pas encore, je lui réponds en continuant de parapher.
J’appose encore quelques signatures avant de refermer la pile de dossiers et de lui tendre.
— Tiens, j’ai terminé.
— Merci. Puis-je au moins connaître le prénom de cette femme, qui te tourmente à ce point ?
— Laure, je souffle. Satisfaite ?
— Oui, m’avoue-t-elle, souriante. À tout à l’heure.
Ceci dit, elle quitte mon bureau et referme la porte derrière elle. Bientôt, je reçois un message de la sœur de Valentin, Charly.
« De Charly à Aaron
Bonjour,
Je suis désolé de te déranger, mais
est-ce que Valentin est avec toi ? »
« De Aaron à Charly
Non. Pourquoi ?
Il y a un problème ? »
« De Charly à Aaron
Non. Mais il devait m’emmener récupérer mes affaires
chez Jonas au déjeuner, mais il n’est pas là et il ne répond pas. »
« De Aaron à Charly
Il est sûrement avec Ethan.
C’est pour ça qu’il ne répond pas.
Tu es où là ? »
« De Charly à Aaron
Devant l’immeuble de Jonas.
Mais, je n’ose pas monter toute seule. »
« De Aaron à Charly
Ne bouge pas, j’arrive.
Envoie-moi, l’adresse. »
Je termine mon verre de scotch en attendant qu’elle m’envoie l’adresse de son ex. Et lorsque, je la reçois, je l’entre dans mon GPS avant de sortir de mon bureau.
— Judith, annule mon rendez-vous de cet après-midi. Et reporte-le à demain, à la même heure, je lui annonce.
— D’accord. Qu’est-ce qui passe ? Il y a un problème ?
— Cet imbécile heureux de Valentin a oublié son rendez-vous avec Charly pour qu’elle récupère ses affaires chez Jonas.
— Jonas ? LE Jonas ?
— Lui-même. Je ne sais pas à quelle heure je reviendrais… Je te dis à demain ?
— À demain. Fais attention à toi et à Charly.
— Ne t’inquiète pas. Toi aussi, fais attention en rentrant.
Je quitte aussitôt les locaux et rejoins ma voiture pour me mettre en route. Je n’en reviens que cet abruti est oublié sa sœur. Franchement, être amoureux d’Ethan et sortir avec, ne lui réussit pas. Maintenant, je n’ai plus qu’a espéré que Jonas ne remarquera pas Charly en bas de son immeuble avant que j’arrive. Sinon, ce manipulateur pervers-narcissique violent pourrait bien la convaincre de rester et de lui donner une seconde chance. Elle a déjà mis du temps à s’en rendre compte que leur relation était toxique et dangereuse pour elle et qu’il était malade. Alors, s’il parvient à le faire tomber à nouveau dans ses filets, je ne suis pas certain que Charly s’en sortira vivante cette fois, s’il lève de nouveau la main sur elle.
Par une chance inouïe, la circulation est fluide et j’arrive rapidement en bas de l’immeuble de Jonas en suivant les indications GPS. Je me gare et je rejoins Charly.
— Tu vas bien ? Il ne t’a pas vu ?
— Oui, ne t’inquiète pas. D’après le concierge, il est sorti il y a quarante-cinq minutes pour le déjeuner. Il ne devrait pas tarder à rentrer, je pense.
— Tu as les clés ?
— Dans mon sac. En espérant qu’il n’ait pas changé la serrure.
— Je doute qu’il l’est fait. Il doit attendre que tu rentres. Allez viens, on monte récupérer tes affaires, je lui lance en ouvrant la porte de l’immeuble.
— D’accord. Merci.
— Ne me remercie pas. C’est normal. J’ai promis de veiller sur toi à ton idiot de frère, je lui rétorque en l’invitant à entrer à l’intérieur,
Elle me sourit et dépose un baiser sur ma joue. Je reste stoïque et ne dis rien puis, elle pénètre dans le bâtiment avec moi à sa suite.