Je voulais écrire, je ne sais quoi, un truc bien ficelé qui entrechoqueraient les mondes, mais le beau et le laid surtout. Parler d’une chose sensible, pour mieux capter les vagues a l’âme de l’humanité déboussolée, aveugle à son temps contemporain, pris au piège d’une multitude de sentiments contraires à la rationalité.
Non je déconne, je veux juste me marrer pour m’occuper en flirtant avec la limite sans jamais la dépasser, enfin pour ce qui est de la limite c’est pas garanti. Il faut donc un sujet sur lequel divaguer, afin de raconter bon nombre de conneries et au final s’amuser à les écrire, car il y a que ça qui compte.
Il y a quelque temps déjà, j’avais rédigé un texte ou je parlais de la beauté de l’enfance, de son innocence, et de tout un tas d’inepties gaucho-sociologique bas de gamme. J’avais tenté de faire un truc propre, avec de l’émotion, essayant de faire passer le message suivant : de tout temps, essayons de rester des enfants pour ne pas perdre de vue le plaisir des simples choses futiles.
Je reviens pour critiquer ce texte. En effet, après avoir entendu gueuler pendant 6h de vol de nuit au-dessus de l’Atlantique, trois ou quatre marmots, je suis forcé de m’excuser de la débilité et la naïveté de l’expression « beauté de l’enfance ». Grinçant des dents à chaque exclamation des enfants assis 5 rangées derrière moi, je prends ma plume, tel un autre Arthur ( Rimbault si il fallait préciser ), pour me détendre, et éviter à ma main droite de finir dans la gueule d’un jeune québécois. En effet, je suis à l’instant un drôle de type qui vient de sourire du bord des lèvres juste à l’idée d’ouvrir l’issue de secours pour tester la résistance de la jeunesse canadienne au froid et à la chute libre, l’écran devant moi indiquant -50 degré et 12 000 mètres. Je ne sais pas ce qui la tuerait d’abord la jeunesse canadienne, le froid ou la chute, peut être même juste la peur de se retrouver face à un homme en colère, avec des cernes jusqu’au sein, une chemise mal repassée, et des cheveux aussi noirs qu’une queue de castor après 3h sur un grill de barbecue. En plus, l’un d’eux est malpoli. On avait à peine décoller que j’entendais déjà des « Fuck » à tout va. Imaginez vous donc, à seulement 4 ans dire Fuck à vos parents …
Mais l’un des moments les plus croustillants de mon aventure, plutôt banale on va pas se mentir, et que j’écris principalement parce que je n’ai pas trouvé de films à regarder pour passer le temps, est la dispute qui s’est déroulée entre passagers. Avertissement ! : si vous travaillez dans la diplomatie Franco-québécoise ne lisez pas les prochaines lignes, cela vous démotivera. Après si vous vous êtes casser le cul à rentrer dans la diplomatie pour gérer les relations avec les bouffeurs de caribou indépendantistes, je pense que vous êtes déjà des gens désespérés. Rêvant de bosser à l’ONU, vous vous retrouvez désormais à communiquer avec des types qui parlent plus mal le français qu’un lensois a la kermesse d’une cousine, et désormais rien que le mot “communication” vous fait grincer les dents. Bref revenons-en à nos belligérants. D’une part, un couple, la trentaine, français, rangée 56. De l’autre côté du ring, rangée 57, là aussi un couple canadien, la trentaine mais plus sur la fin, et 2 enfants qui tapent contre les sièges de devant. Victimes de la rixe : l’ensemble de la classe éco du vol, et la poignée de main Macron-Trudeau qui a pris d’un coup brutal du plomb dans l’aile. “Plomb dans l’aile”, on notera ici un appel au champ lexical de l’aviation assez bien placé, qui amène la conclusion suivante : malgré l’horaire matinal, je suis en forme. Et c’est pas fini. Les insultes fusent entre le fuselage, les joutes verbales déglinguent la carlingue, les coups bas volent pas haut. Fier de ces dernières lignes que j’ai mis au final très peu de temps à écrire tant les 3 cafés Made in AirFrance m’ont revitalisé, je me dis que je suis au top de mon art, tel un Messi en Ligue des Champions 2011, un Mohammed Ali a Kinshasa ou encore un Pascal Praud lors d’un débat sur le voile. Surpris par les véhémences à l’intérieur de la cabine, les passagers tournent chacun leur tête pour regarder, puis enlèvent les coussins des cervicales qui en fait les gênaient et les paralysaient à la sauce Cluzet dans Intouchables, et réessayent. Scoop : ils arrivent mieux à voir sans le coussin, mais n’aurait-il pas mieux fallu qu’ils ne voient rien ? La guerre fait rage rangée 56-57, et dans les yeux de mes camarades de vol je lis leur inquiétude. Certains hésitent à avertir les hôtesses de l’air, alors introuvables, et tout le monde, au delà de se demander si il y a un médecin à bord, s’effraie d’ores et déjà de penser que s’il y en avait un, il ne pourrait réanimer personne à cause de la violence de ce déchainement de fureur et de déchirement de la race humaine. Céline écrivait “on est puceau de l’horreur comme on l’est de la volupté”. Je peux maintenant dire qu’Il avait raison.
Mais soudainement, je m’esclaffe dans un rire mesquin quand j’entends ce que je voulais entendre depuis le début : « c’est pas à moi de dire comment éduquer vos gosses ». Ce qui est marrant ici, c’est que “gosse” en québécois, veut littéralement dire « couilles ». Ainsi, ce qui pouvait devenir une violente attaque pour l’ego des feuilles d’érable sur pattes, ne se transforme au final qu’en un quiproquo étonnant dans la tête des fils de bûcherons d’Amérique du Nord : « ce n’est pas à moi de dire comment éduquez vos couilles ». Il faut avouer que dans un autre contexte cette attaque aurait été fatalement magistrale, style Adèle Haenel quand Polansky remporte un Cesar. Là ça aurait claqué. Cette expression aurait aussi pu s’appliquer s’il fallait dénoncer le manque de courage de la classe politique néo-maoïste d’extrême gauche du pays quand il s’agit d’aborder intelligemment les thèmes de la sécurité ou de la laïcité : « oh Meluch éduque tes couilles ! », ou encore au gouvernement ni de droite ni de gauche mais de droite quand même lorsqu’il faut virer un ministre accusé de violences sexuelles.
Après cette aparté intellectuelle politique digne des plus grands qui me traverse l’esprit, la bataille se termine finalement sans vainqueurs, ni vaincus. Chacun se remet sur son siège et je suis déçu que personne ne se soit lancé de vraies avoines dans la tronche. Il faut dire que “aujourd’hui, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action. L’époque serait à la table ronde et à la détente” selon Raoul Volfoni. Déçu également parce que les gosses continuent de brailler. Comme le dirait Pitivier dans la 7eme compagnie : « Si je connaissais le con qui avait fait une éloge de la beauté de l’enfance dans un texte il y a 3 mois … ».
En conclusion, il est 4h30, nous sommes pas loin du Finistère, j’ai pas dormi de la nuit, et du Dalai-Lama au tireur de l’école du Texas je vous laisse imaginer vers qui mon niveau d’humanité tend à se rapprocher le plus.
Vol AF345, rangée 50E, à vous mes compatriotes, ne me censurez pas.
Ps : j’aurai aussi pu écrire sur un type pas loin de moi qui portait un chapeau de cow-boy, une chemise bleue ample, un pantalon large beige et des chaussures ouvertes en cuir. Mais apparemment en 2022 on a pas le droit de se moquer des gens et de leur style, il faut être in-clu-sif. Dommage, parce que Lucky Luck ressemblait vraiment à un trou du cul a ce moment-là.