L.

2 mins

    La cloche a sonné depuis quelques minutes déjà. Debout derrière l’une des grandes fenêtres striées de plaques métalliques sensées repousser les rayons du soleil, elle cherche un sac à dos rose et des mèches bicolores dans la cour de récréation. Parmi les quatre centaines d’élèves parqués là, aucun signe de sa cible, même au “Mur”, ce point de rendez-vous pour toutes les figures emblématiques du collège, trois fois par jour, tous les jours.

    Un rapide regard lancé sur sa montre lui indique qu’il lui reste un peu plus de sept minutes. Ses légers sourcils se froncent, alors que ses pas se dirigent automatiquement vers les escaliers. Est-ce suffisant ? Son casier est à l’opposé… En courant, malgré l’interdiction du règlement, elle est persuadée de pouvoir réussir. Elle veut y croire.

    Nouant ses cheveux, elle commence à dévaler les deux volées de marches qui précèdent le tournant donnant sur le hall aux innombrables colonnes. Mieux vaut les éviter, ça la ralentirait. Les doubles portes vitrées passées, l’étendue de macadam se dévoile, ornée de quelques bancs de ferraille éblouissants, et d’une table de ping-pong désertée, faute de raquettes et de balle pour jouer.

    Cinq minutes. Elle court, aussi vite que possible, slalomant entre les Zoé, les Julien, Camille et autres Nicolas. 55, elle a progressée de quinze rangées déjà, plus qu’une cinquantaine. Quatre minutes, elle a atteint le second préau, les joues écarlates, mais un sourire ravi aux lèvres. Elle avait visé juste ! Trois minutes pour descendre de la salle 122 jusqu’à son casier, en C4, comme une bataille navale scolaire.

    Le souffle encore un peu court, elle déverrouille le cadenas argenté que son père lui a acheté quelques jours plus tôt, après sa rentrée en sixième, alors qu’elle lui racontait la vie de ce photographe en l’honneur duquel on avait nommé l’établissement. Qu’est-ce qu’elle était heureuse de découvrir son collège l’année de son ouverture. Un immense privilège pour la “promo 2013”, comme l’avait dit le principal dans son long discours.

    Plutôt que de trouver une pile de manuels bien rangés à côté de son sac en bandoulière bleu roi, arborant en blanc un pompeux “New York City” malgré son achat en centre Corse, c’est le sol qui vient à sa rencontre. Son cerveau analyse difficilement la situation. Mais la douleur lancinante à la racine de ses cheveux, et un sac à dos rose à ses côtés lui permettent de comprendre que L l’a trouvée avant qu’elle ne récupère son sac de piscine.

– Bah alors Sarapute, tu te cachais ? Faut pas faire ça, tu m’as tellement manquée…

    Sous les rires de quelques hyènes de onze ans, Sarah se dit qu’elle n’a finalement pas couru assez vite. Ce n’est pas grave, elle s’entraînera ce soir, et fera mieux demain pour lui échapper, à défaut de “savoir se défendre”, comme lui a dit sa mère.

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