F.

2 mins

Le carrelage froid lui procurait le plus paradoxal des soulagements.

Assis sur le sol des toilettes du lycée, la tête dans ses bras et les genoux relevés contre son buste, il aurait presque sourit, si sa gorge nouée par les larmes ne l’avait pas tant fait souffrir.

Bon sang.

Qu’est-ce qu’il n’aurait pas donné en échange d’une cigarette, ou d’un verre de tequila. Un verre, pas un shot, c’est important.

– Antoine putain, sors de là !

De l’autre côté de la porte, les coups continuaient de pleuvoir, faisant trembler jusqu’à l’armature de la structure ridiculement fragile. Comment lui dire qu’il avait simplement besoin d’un moment dans sa bulle, sans risquer de le vexer ? Soufflant longuement malgré la douleur lancinante qui déchirait sa poitrine, il rassemblait ses mots, cherchait un assemblage convaincant. L’agitation extérieure ne l’aidait pas à se concentrer, il se perdait très vite dans ses ébauches de pensées, s’enfermant dans un silence pesant.

– Je te jure que je vais chercher l’infirmière. Réponds au moins !

Respiration tremblante, cette fois. Pitié, pas l’infirmière. Il n’avait pas envie de se retrouver encore une fois dans ce bureau froid décoré d’affiches de prévention qui le mettait profondément mal à l’aise. Un instant, son regard se perdit sur son cartable. Il avait son cutter, à portée de main… Non. Il l’attrapa tout de même, et le fit glisser sous la porte, en espérant que cela suffise à calmer F. Le silence s’étendit, dissipant l’aura angoissante qui le tétanisait. Les choses allaient s’arranger, le malentendu se dissiper seul. Il le fallait.

 Un long soupir, et enfin un mot.

– Désolé. Je fais ça pour ton bien.

La sentence venait de tomber, le voilà condamné. La porte de sortie claqua, tandis que son souffle venait définitivement à manquer, malgré une pluie de jurons lui échappant subitement. Fuir, il fallait fuir vite et loin, qu’importe le moyen, en ignorant la panique qui se faisait omniprésente.

Malgré son agitation, il rassembla ses affaires jetées au sol alors qu’il s’était enfermé dans la cabine, une quinzaine de minutes plus tôt. Dire qu’il s’était réfugié là, quelques années avant cela, pour éviter les coups d’une bande de gamins écervelés. Maintenant, même son échappatoire était devenue prison.

Sac sur le dos, il essuya maladroitement ses joues et lança un regard à sa montre. Plus que quelques minutes et il pourrait attraper son bus et disparaître sans affronter les conséquences de ses actes, comme il le souhaitait. Il fallait se dépêcher encore un peu, le temps de traverser le bâtiment, passer le portail et rejoindre l’arrêt de la rue des Lilas.

Tout va bien, ça va aller.

Derrière la porte, il trouva F. et l’infirmière. Blême, son regard s’accrocha quelques secondes à celui de l’adolescent, qu’il trouva simplement froid. Pourquoi ? Il était  terrifiant, à l’instant précis.

Il l’avait dénoncé, comme annoncé. Il ne voulait pas le laisser faire les choses à sa manière, en généreux traître.

– Antoine, on s’inquiète pour toi. Tu veux bien me suivre dans mon bureau ?

Bien sûr que non. Il n’avait aucune envie de suivre la quinquagénaire qui lui souriait comme s’il allait se jeter d’un pont.

Il n’était pas stupide non plus.

Il opterait pour les médicaments le soir venu.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx