Chapitre 2 : L’ombre d’un doute

5 mins

Le week-end était passé, j’étais persuadé d’arriver à mes fins ; faire parler la suspecte et déjouer ses plans, si elle simulait son amnésie. Déterminée, je m’étais rendu le lundi 7 février 2011, à la prison de Berkendael.

L’entrée de Sofia dans la pièce fut différente, elle semblait moins abattu mais plutôt anxieuse. Elle tenait toujours ses mains sur son ventre comme si elle voulait protéger quelque chose. Je fis mon rituel de présentation et lui demandais comment elle se sentait depuis la dernière fois. Elle répondit avec un essoufflement :

– Pfff…les gens sont vraiment sales. 

– Vous parlez de votre codétenue ?

– Appelez la comme vous le voulez, mais j’en ai marre de passer après elle avec la lavette. 

-C’est l’inconvénient de vivre en cohabitation. Lui dis-je avec un petit rire pour détendre l’atmosphère.

– Vous trouvez cela drôle ?  Me dit-elle, de façon consterné.

– Mon intention n’était pas de vous offensez. Et sinon, vous avez mal au ventre ? C’est la deuxième fois qu’on se voit, et j’ai remarqué que vos mains servent de bouclier.

– Vous ne l’aviez pas deviner ?

– Non.

– Docteur, je suis enceinte, voyons !

Elle m’annonçait cela avec extasie. Et mon étonnement sur mon visage se lisait. Alors, je cherchais dans les feuilles que j’avais à disposition, si on mentionnait sa grossesse. Mais le glissement de la chaise m’avait saisit et Sofia debout, cria : 

– Vous pensez que je mens ! Ah voilà je l’ai dit, vous êtes avec eux. Je ne suis pas folle ! 

Le gardien devant la porte intervenu et me demanda si tout allait bien, Sofia soutenait son regard sur le mien et je dis au gardien de prison : 

-Tout va bien, il y a juste eu un malentendu. Merci. 

Elle s’était rassisse calmement et je continuai la discussion : 

– Et bien, il n’y a rien de noté, c’est normal que je sois surprise. Avez-vous prévenue les personnes compétentes, en arrivant ici ?

– Oui, mais ils ne me croient pas !

Je notais donc dans mon carnet qu’il fallait faire une demande de test. Je poursuivais donc notre séance :

-Vous devez être comblée par cette nouvelle, malgré les circonstances.

– Bien sûr, au moins on est en sécurité maintenant.

– Comment ça ? Avec votre compagnon, vous ne vous sentiez pas en sécurité ?

– Non, mais cela n’a plus d’importance.

Sur son visage, je détectais un petit sourire pendant qu’elle caressait son ventre. Je décidais donc de passer à l’acte en lui parlant de sa famille. Je m’attendais à une esquive de sa part mais j’avais été surprise de notre dialogue : 

– Sofia, j’ai appris que vous aviez une sœur. Si vous me parliez d’elle ? 

– Jana ? Vous l’avez vu ?

– Non, c’est dans votre rapport.

– Que voulez-vous que je vous dise. On est sœur mais cela s’arrête là.

– On peut alors parler de votre petit frère.

– Il n’y a rien à dire, ce serait trop dure pour elle d’aborder ce sujet

– Pour qui ? Lui dis-je.

Un long silence régnait et je voyais une gestuelle de la part de Sofia que je n’avais jamais vu auparavant. Elle se mit à tordre sa tête de droite à gauche et je l’entendis murmurer. Je n’avais pas saisi ses mots, alors je répétais ma question : 

– Pour qui Sofia ? 

Avec un regard noir, elle répondit : 

– Je vous ai dit, vous n’êtes pas encore prête. 

– Prête à quoi Sofia ? 

– Si je devais vous en parler, on devra passer un marché.

J’avais le sentiment de me retrouver dans un épisode d’une série policière. Je n’étais pas une négociatrice et je n’allais pas m’aventurer dans un duel sans connaître les aboutissants.

– De quel genre de marché me parlez vous ?

– Pourquoi devrais-je vous faire confiance ? Sofia risque de moisir ici. Et si c’est ailleurs, ce sera juste un endroit plus grand.

– Déjà, j’aimerais savoir à qui je parle ?

– Je suis sa plus fidèle confidente. Je suis celle qui est là quand elle a besoin d’aide et sachez que Sofia est bien entourée.

Je lui demandais d’abord de se présenter avant de me prononcer. Elle me regarda avec insistance et se jeta à l’eau :

– Moi, c’est Ariane. Je pourrais vous apprendre beaucoup sur nous à une condition : faites la sortir de là ! 

– Je n’ai pas cette possibilité, et vous le savez. Je suis juste là pour faire un diagnostic.

Elle se tut le reste de la séance, et avant de retourner à sa cellule, elle finit par me dire : 

– Réfléchissez bien à ma proposition.

Je ne saisissais pas le « nous » et je pensais que cette histoire allait se résoudre d’elle même. La semaine passait sans accros et Sofia ne me parlait plus beaucoup. Son attitude était de nouveau morose. Elle restait silencieuse durant les entretiens et on les avait passé à se regarder dans le blanc des yeux.  

Comme chaque année, en date du 12 février, John venait me chercher à mon appartement. Comme à un rendez-vous galant, nous nous apprêtions de façon élégante ; John portait son plus beau chemisier et moi ma plus belle robe de soirée. Nous nous rendions dans ce restaurant cosy, à Forest, où notre table était toujours disponible. Comme si le gérant s’était assuré qu’elle le soit. Ce soir-là, John m’avait complimenté différemment du quotidien. Je le trouvais plus détendu alors qu’il avait en horreur ce jour ; l’anniversaire qu’on ne pouvait plus fêter avec Jeremy. J’avais exigée, après notre divorce, que notre fils ne soit pas mis aux oubliettes. Nous arrivâmes enfin dans ce lieu magique et John me regardait avec mélancolie. Il débuta avec des formules de politesse ordinaire pour ensuite me dire : 

– J’ai entendu dire que tu as été désigné comme experte-psychiatrique sur une affaire criminel. C’est tout nouveau pour toi, ça se passe bien ? 

– Et bien…

Après une certaine indécision à lui confier les dernières séances. Il rétorqua de suite :

– Oui, ça va aller. Ce n’est pas la première qu’on a des femmes qui ont pétés une durite ! Ça va être vite bouclé cette affaire.

– J’avais bien envie de lui dire le fond de ma pensée sur cette affirmation tellement masculine. Mais je me retins de le lui balancer, c’était ma soirée spéciale et je n’allais pas gâcher ça pour une remarque maladroite. On se contentait de se souvenir des bons moments passés, sans mentionner notre tragédie. 

Après m’avoir raccompagné chez moi, John m’avoua avoir une relation depuis quelques mois avec une ancienne collègue à lui. Une agent de police qui s’était reconverti dans le coaching. Mes oreilles s’étaient bouchés après « relation », car je n’arrivais pas à croire qu’il pouvait juste tourner la page. Je comprenais dans ces mots qu’il ne souhaitait plus commémorer la venue de son fils, disparu trop tôt. J’acquiesçai sans grande conviction et puis qu’aurais-je pu faire d’autre ?
Je me rattachais à lui parce qu’on avait un bout de chemin ensemble, et notre colle avait disparu donc plus rien ne le retenait. 

Le 14 février, à 9h du matin, je reçus l’appel du juge d’instruction. Il m’avait informé avoir les résultats des autopsies. Obtenir les conclusions m’avaient semblé rapide. Cependant, Monsieur Vanpierse me confirma que dans des circonstances pareils, ils l’exécutaient en priorité. Il m’envoya donc les résultats de la scientifique, à ma demande. Ce jour-là je fis un détour à Berkendael et Sofia ne m’apprenait rien de nouveau. Elle resta dans son silence, recroqueviller sur elle-même comme cette dernière semaine. Je pris alors le temps d’étudier le rapport et lu : 

«  – le nourrisson de 1 mois et 10 jours présente des ecchymoses sur les bras ainsi que les jambes. Après constatation, il y a un coup évident sur l’arrière de la tête : elle est tombé, ou a été projeter sur un objet dur ; une armoire ou le mur?  Celle-ci présente aussi des traces sur le visage de main assez grande. Probablement celle d’un homme. Je note que le nourrisson a eu un traumatisme crânien aigu, ce qui a entraîné des lésions cérébrales lourde. L’enfant est mort sur le coup.

   – l’homme âgé de 34 ans présente des coups d’arme blanche, probablement un couteau, ou autre objet contondant. suite à l’examen du corps, je peux apercevoir qu’il y a eu 39 coups portés dans l’ensemble du torse. Je peux constater des blessures défensives sur les mains et les bras. Celui-ci est mort à la suite de ses blessures et a agonisé. Perte de sang considérable… »

Je m’étais arrêter sur ces derniers mots. N’étant pas accoutumé à ce genre de scène dans mon esprit, mon imagination me faisait peur. Par contre, j’en déduisais qu’il était possible que Sofia n’avait pas commis les deux meurtres. Il était possible qu’elle avait réagi sur une impulsion. Il me restait à déterminer son aptitude, encore trouble à mes yeux.

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1 Commentaire
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Gaëlle Galindo
3 années il y a

J’adore le fait que ses personnalités ne s’entendent pas ensemble.

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