L’Orbe de Renaissance, Chp II

9 mins

II

Sorn arriva à Eolia à la mi-journée, après plusieurs jours de voyage pédestre. Le vent soufflait les nuages dans le bon sens, et le soleil mettait le nez à la fenêtre de temps à autre. Eolia était reconnue en terra cognita pour ses girouettes. Des centaines de girouettes paraient les toits de la ville. La grande majorité d’entre elles n’étaient pas entretenues, et bien qu’elles tendaient à mimer de gracieux volatiles, leur chant était plutôt grinçant. En ce jour de vent, la musique des girouettes se faisait entendre pour le plus grand plaisir de tout un chacun. Sorn ne s’offrit pas le luxe d’une visite guidée de ces curiosités locales qu’un bedonnant quidam lui proposa, et fila directement au port pour se trouver un moyen de transport pour Colver, en Royaume de Dranac. Sur les quais, l’activité allait bon train : des tonneaux de vin roulaient dans les cales, des hommes s’engageaient pour de longues campagnes dans de froides et lointaines contrées, des officiers paradaient en tenue d’apparat pour se lancer à la conquête de terres inconnues, du poisson à l’odeur honnête s’attaquait aux cellules olfactives du badeau. Le port vivait, et ses bateaux filaient au gré du vent pour des destinations connues d’eux seul. Mais aucun navire ne prenait la direction du royaume de Dranac. Personne ne prenait la direction de ses côtes car le commerce extérieur n’était pas la politique des dirigeants qui adulaient l’autosuffisance, et Sorn l’apprennait à ses dépends. Les réponses variaient du non sec, au discours de politique étrangère. Toute la bonne volonté de Sorn ne suffisait pas. Le tour du port était sur le point de s’achever lorsqu’un marin l’aiguilla vers un vieux bouge, le Poisson Flottant. Le seul capitaine pratiquant le commerce avec Dranac y avait des quartiers. Cet endroit était tenu par Madame B, une bonnefemme suprenament aimable, mais capable de sortir le moindre turbulent à grand renfort de gifles si l’envie lui prenait. Sorn entra dans cette taverne aussi bien tenue que vieille. Il prit renseignements auprès de la gérante :
– Il y aurait un capitaine qui vient souvent ici et qui se rend régulièrement au Royaume de Dranac. Cela vous dit-il quelque chose ?
– En effet, cela me dit quelque chose. Qu’est-ce que tu lui veux ?
– Je dois me rendre à Colver, pour visiter la bibliothèque pour mon examen de chevalerie.
– Un freluquet comme toi ! Chevalier ?! , rigola t-elle
– Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle à ça , s’offusqua Sorn.
– Ola ! Ne t’enerve pas chevalier ! Hahaha ! Le capitaine Wallace est là-bas, mais je ne te garantie rien, finit-elle par dire.
Auprès d’une fenêtre, un homme de la quarantaine avait le nez collé à la fenêtre, épiant les allées et venues du port des ses yeux marrons bateau. Sorn le tira de sa surveillance, et Wallace ronchonna :
– Plaît-il ?
Sorn s’expliqua de nouveau, et alla jusqu’à proposer ses services, ce que le marin parut écouter avec attention. L’espoir de Sorn grandissait de plus en plus quand soudain :
– Je ne prends pas de passager. Va voir ailleurs.
Sorn abbatit alors la dernière carte de son maigre jeu : la bourse contenant ses uniques économies qu’il posa avec gravité sur la table. Wallace la soupesa, il fît jouer les pièces à l’interieur du petit pochon, et la soupesa de nouveau. Ses yeux s’illuminèrent un peu, les commissures de ses lèvres remontèrent impercetiblement :
– Nous prenons un passager. Viens je vais te faire visiter le navire, invita t-il.
Sorn n’en revenait pas. Il allait prendre la mer ! Tout se déroulait selon ses plans. Dans quelques jours il serait à Dranac, et peu importe où il débarquerait, il rejoindrait rapid ementColver et il se lancerait alors dans ses recherches à la Grande Bilbliothèque. La porte du bouge passée, un couteau de lancer vint se ficher droit dans la gorge de Wallace, sectionnant dans le même temps l’artère carotide. Le sang jaillit en un jet sous pression, et le capitaine s’effondra comme une génoise ratée. Le billet pour Dranac de Sorn rougissait désormais le sol, un nouveau moyen de transport était nécessaire. Pendant ce temps, les projectiles volaient toujours sur le port ; une jeune femme brune tirait des bords pour les esquiver, un nuage de poussière colérique collé aux basques. Elle bifurqua sur un ponton, mais elle s’arrêta brusquement lorsqu’elle comprit qu’elle était prise en tenaille entre mer et chaire. Le nuage se stoppa à l’entrée du ponto. Les hommes passablement énérvés qu’il contenait, venait de comprendre que la chasse allait trouver une issue rapide. Sorn récupéra sa bourse sur le billet froid, avant de se lancer à l’assaut des malapris. Le Code de la Chevalerie disait “Toute personne en détresse doit être sauvée, d’autant plus si l’individu est une femme”. L’idée de manquer de respect au moindre principe du guide faisait frémir Sorn. Il fonça dans le tas, tête la première sans même sortir sa petite épée. Sans grand succès. Un des hommes fût bousculé, et Sorn rapidement maîtrisé. Une paire de mains caleuses carressa d’une subtile brutalité ses deux joues :
– Alors gamin, on ne t’a pas appris à ne pas te mêler des affaires des autres ?, mesquina l’un d’eux.
Alors que l’attention générale était accaparée par cette apparition innopinée, un bruit d’eau stoppa tout le monde. La jeune femme venait de plonger. Les hommes et Sorn la cherchèrent du regard, à l’affût du moindr mouvement, de la moindre bulle ou de quoi que ce soit d’autre. Rien ne se manifesta si ce n’est le silence. Les hommes se retournèrnent vers le bélier humain. Un coup de poing le cueillit au ventre lui coupant la respiration. Une fois à terre, il accueillit une nouvelle volée de bois vert. Recroquevillé sur lui-même, il se protégea autant que faire se peut. Un des hommes lui cracha dessus, puis plus rien. Sorn ouvrit les yeux, plus personne. La douleur commença à se manifester, mais plus de peur que de mal. Il se remit debout en grimaçant, se frottant les côtes. Autour de lui, personne ne s’inquiéta de son sort. Une rouste de plus sur le port. Sur la route le menant à l’auberge la plus proche, la jeune femme jaillit de nulle part, lui barrant la route :
– Tu m’as l’air de t’en être bien tiré ! Merci de ton intervention.
– Je n’ai fait que mon devoir. Et puis vous êtes une femme, j’ai encore moins le choix.
– Tu sais que j’aurais très bien pu m’en sortir toute seule.
– Comment une femme pourrait-elle bien s’en sortir toute seule ?
– Je vois que l’on t’a bien éduqué. Pour ta gouverne j’avais l’intention de plonger avec ou sans ton intervention. La plupart des gens ne savent pas nager ici, c’est un peu le moyen-âge si tu vois ce que je veux dire.
– Non je ne vois pas. Je devrais ?
– Oublie ça, on essaie de faire un peu d’humour par ici mais ça n’est pas évident avec un tel public…, constata t-elle.
– Je dois vous laisser. Vous devriez aller vous sécher, vous dégoulinez, dit-il avant de reprendre sa marche en avant.
– Tu me plantes comme ça, au milieu de la conversation. Et pourrais-je savoir où tu vas ?
– Je dois me rendre à Dranac. Je devais prendre la mer demain, mais tes amis ont tué mon capitaine. Il faut que je réfléchisse à un plan B si vous voyez ce que je veux dire.
– Par la terre peut-être ?
– Trop long. Si j’emprunte ce chemin, je vais perdre du temps, et si je perds trop de temps, je rate mon examen d’entrée en chevalerie.
– Ce serait si dramatique que ça ?
– Drôlement dramatique !, informa Sorn. Sans ça je ne peux pas devenir chevalier, et tout mes rêves seront réduit à néant.
– Ecoute, voilà ce qu’on va faire : toi tu m’attends moi au Poisson Flottant, et moi je vais arranger la situation.
– Vraiment ?
– On parie ?
– Non merci. Mon père dit toujous qu’un pari se fait entre un menteur et un voleur.
– Tu prends toujours tout au pied de la lettre ?! Ne répond pas, j’ai peur de ce que je vais entendre. Va à la taverne, je reviens vite.
En un instant, plus de jeune femme. Colpint-clopant, n’ayant rien d’autre à faire, l’apprentit chevalier retourna au vieux bouge et entreprit de se soigner. Ce n’était pas sa première dérouillée, mais celle-ci était on ne peut plus douloureuse.

Pas loin de deux heures s’étaient écoulées lorsque la jeune femme réapparut dans des vêtements secs. Elle invita Sorn à le suivre, ce qu’il fît sans réfléchir. Sorn avait du mal à suivre la cadence à cause de la douleur, mais il parvint malgré tout à ne pas la perdre. Après quelques minutes de marche, la jeune femme désigna un frêle esquif. Assez grand pour deux adultes, elle le présenta fièrement comme la porte d’entrée de Dranac :
– Embarque !, commanda t-elle.
– Mais à qui appartient ce bateau ?
– A moi, dit-elle tout sourire. Je t’emmène à Dranac !
– Vous savez naviguer ?
– Mais oui, mais oui, laissa t-elle entendre. Allez, embarque !
– Si on m’avait dit que les femmes étaient capables de diriger un bateau, et bien je ne l’aurais pas cru ! s’étonna Sorn
– Il va sérieusement falloir que l’on reprenne ton éducation !
Sorn n’en revenait pas, il allait bel et bien partir. Il serra la main de la jeune femme, se présenta et elle lui restitua la politesse :
– Ela Pencarn ! , souria t-elle.
Ensemble, il s’engagèrent sur la mer qui allait bientôt rencontrer le soleil. Sur le port un homme pleurait d’avoir parié son outil de travail, tandis qu’un autre observait le départ de ce couple inopiné.

Pendant le voyage Sorn expliqua les tenants et les aboutissants de son examen à son nouveau compagon de route, puis le vide pris la place de la converstation, et la seule chose bruyante fût l’estomac de Sorn. Les biscuits de mer ne l’avait pas rassasié. Le bateau était fourni avec ses cannes à pêches. Sorn en prépara une, et lança l’hameçon. La nuit était désormais tombée, les étoiles dessinaient des mythes. Dranac était plein nord-ouest, droit sur la constellation de Andersen. Ela tenait le cap, du moins elle l’espérait. Après tout, c’était sa première fois à la barre. Au rythme d’une douce houle Sorn patientait. il n’y avait rien de plus à faire de toute façon. La ligne dérivait à l’arrière du bateau quand Sorn eût une touche. La canne à pêche tira vers le fond, et Sorn engagea le combat pour remonter le paquet de protéine. Il ferra le bête de multiples fois, et après une âpre bataille, le jeune homme vainquit. Au fur et à mesure que le perdant remontait vers la coque de bois, une lueur devenait de plus en plus visible. Finalement la bête apparut, et elle luisait comme un lampion :
– Aaaaaaah, Aaaaaaaah, se plaignit le piscidé.
Sorn regarda sa compase :
– Il a l’air de souffrir, je ferais mieux de lui enlever l’hameçon.
Joignant le geste à la parole, il décrocha l’hameçon de la joue du paquet d’écailles qui possédait une langue :
– Bon dieu, ça fait un mal de chien ce truc là ! Je me fais avoir à chaque fois.
– Un poisson qui parle, tout va très bien, analysa Ela
– C’est fantastique, constata Sorn. C’est lz première fois que j’en vois un !
– Ce qui est fantastique c’est que nous sommes victime d’une hallucination collective ! Qu’est-ce qu’ils ont foutu dans ces gateaux nom d’un chien !?
– Tout va bien ! On se calme jeune fille. Il n’y a pas de lézard, et enore moins d’hallucination ! Je suis un poisson et je parle. Je suis Zora, le fils du dieu local Arzan, qui administre la mer… d’Arzan.
Ela sorti son couteau et s’apprêta à pourfendre le poisson, mais Sorn l’en empêcha :
– Attend ! Si c’est le fils d’un dieu, il doit avoir des pouvoirs ! Il ne vaut peut-être mieux pas le mettre en colère.
Ela se contînt, et Sorn continua :
– Alors vous en avez des pouvoirs ?
– Pas exactement en fait. Mon seul pouvoir c’est de parler. Ma mère est une moule, alors avoir des cordes vocales est déjà un exploit en soit il me semble !
– Ta mère set une moule, et toi tu es un poisson ? C’est quel genre ton père ?, s’enquit Ela.
– Le genre coureur de jupons !
– Génial ! Nous voilà bien. Sorn n’écoute pas ce poisson, c’est une hallucination inutile !
– Puisque je vous dit que non ! Relâchez moi et je vous promet que les vents vous seront favorables.
– Moi ça me va ! Vous adresserez nos hommages à votre père, déclara sollennelement Sorn.
Le pêcheur entrepit de rendre Zora à son élément, mais un éclair d’acier mis fin à toute cette scène. Ela qui murmurait que ce n’était qu’une hallucination avait poignardé Zora déclarant que la faim les faisait délirer, et que les dieux n’existaient pas. Sorn abasourdit, resta pantelant devant le poisson aux yeux vitreux. Zora ne luisait plus :
– Comme ça nous n’aurons plus faim, et ce sera bien la première fois que je mange du poisson divin !
Sorn était pâle comme un linge. Ela vidait le poisson. Il ferma les yeux, craignant la colère immédiate d’Arzan. Il le pria pour s’excuser, rien d’horrible ne les frappa. Au contraire, pas une vague ne moufta, la mer devint d’huile et le vent tomba. Ela entreprit de manger le poisson cru. Elle offrit un morceau à Sorn qui le refusa. Sa compagne prit cela comme une contre-offre et avala la part refusée. Elle était déçue par le goût fade de ce poisson qui n’avait de divin que le nom selon ses propres dires. Le temps passa, une sieste fût faite, la nuit était toujours pointillée. Cependant, dans l’atmosphère, un changement ce faisait sentir. L’air était plus lourd, la mer testait la gentillement la coque du bateau. Les étoiles s’éteignaient les une après les autres et une brise se leva. Sorn pressentit que rien de tout cela n’était normal et en avisa Ela. Elle aussi avait sentit ce changement, mais ne s’en alarmait pas plus que cela, le temps était fluctuant en mer après tout. Les conditions se dégradèrenent pourtant de plus en plus, et le cap devint difficile à maintenir. La mer se mit à gondoler. Sorn et Ela était maintenant embarqués dans un manège de foire. Les creux grandirent en un rien de temps, passant du moutonement au ravin aqueux. Le vent ne soufflait plus, il crachait sa haine. Arzan avait envoyé les éléments les éliminer, le mousse-chevalier le savait. Ela vociférait, insultant ce maudit poisson et la poisse qui l’accompagnait. La mer était démontée. Elle jouait avec le petit bateau, le faisant danser comme le vent souffle sur une feuille. Alors que Ela tentait de maintenir un cap, le bateau vira de bord et la bôme lui heurta la tête. Ce fût la nuit noire. Sorn, désemparé, se précipita vers la jeune femme. Le guide ne proposait rien en cas de perte en mer, ni en cas de perte de capitaine, mais une femme (capitaine de surcroît) était en danger alors il se devait d’agir. Il la mit tant bien que mal en hypothétique sécurité, et essaya de gouverner approximativement la coque de noix. L’école de chevalerie ne lui avait jamais donnée de leçon de navigation. Il se débrouillait à peu près sur un cheval, mais sur un bateau… Ils survécurent à quelques lames de fond, lorsque une énième les prit par bâbord, retournant le bout de bois. Le marin d’eau douce lutta tant bien que mal, s’accrochant à un débris flottant. Avant de sombrer dans les ténèbres, il eu l’illusion qu’une lueur l’appelait au loin.

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